Jn 6, 1 – 15

Dimanche dernier, avec Jésus et la Samaritaine, au puits de Jacob, nous avons vécu la rencontre de deux soifs qui s’attendaient, comme si l’eau cherchait la soif pour abreuver le corps de l’un et l’âme de l’autre.

Aujourd’hui, face à cet autre besoin vital = le pain, en multipliant à l’infini le pique-nique d’un enfant, Jésus nous dit sa sollicitude face à l’urgence, jusque dans le détail : il y a beaucoup d’herbe, Jésus fait asseoir tout le monde ; Marc, dans son évangile, précise que sur l’herbe verte, les gens s’étendent par rangées de cent et de cinquante !

Jésus nous redit aussi, bien sûr, que rien ne lui est impossible.

Au désert, les hébreux ont fait l’expérience du miracle de la manne, abondante, mais au jour le jour. Ici, il n’y a pas assez de mots pour dire la démesure de la générosité de Jésus : Il leur en donne autant qu’ils en désiraient et il en reste douze paniers.

On ne peut pas accueillir cet évangile, sans faire référence à l’enseignement que Jésus en donne à la foule qui le poursuit et qui négocie = « Je suis le Pain de Vie », dit-il.

Jésus nous rejoint dans notre humanité fragile, dépendante de son travail, et des fruits de la terre. N’est-ce pas ce que nous demandons, quand nous prions : « Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour ? »…… le pain de la survie, au jour le jour pour restaurer les forces du corps et de l’âme, pour nous et pour notre monde. Notre prière rejoint la demande de la Samaritaine : « donne-moi cette eau pour que je n’aie plus soif » et celle de la foule : « donne-nous toujours de ce pain-là. »

Notre monde est habité de faims et de soifs, sans fin = faim de pain : celui de l’amour, de la confiance, du pardon, de la vérité ; soif d’eau, de vie, de justice, de paix : comment cet Évangile peut-il être une bonne nouvelle pour nos frères et sœurs affamés et assoiffés ?

Je me souviens que Dieu ne fait rien sans nous ; Il a faim et soif de notre communion avec Lui et avec nos frères et sœurs en humanité, pour aller à la rencontre des précarités qui défigurent l’ordre de la Création.

Quant aux douze paniers, rassemblant les morceaux qui restent, afin que « rien ne soit perdu », j’aime croire qu’ils servent à nourrir l’Église, jusqu’à la fin des temps.

C’est étrange de parler d’Eucharistie alors que nous en sommes privés ; peut-être est-ce donné de vivre un temps de jeûne, rendant plus évident le manque et la fête dont nous sommes privés, un temps de jeûne réveillant et stimulant une communion et une solidarité très humaine, que l’Esprit Saint habite avec force et douceur.

Jésus nourrit notre faim spirituelle, et, paradoxalement cette faim engendre une faim de Dieu qui ne saurait être comblée = une faim et une soif qui exacerbent le désir de communion avec Dieu, qui fait dire au psalmiste :

Dieu, tu es mon Dieu, je te cherche dès l’aube.
Mon âme a soif de toi, mon corps soupire après toi,
comme une terre sèche, aride, sans eau ;
mon âme se presse contre toi…
Amen.