Quelle journée riche en couleurs et en vécu ! Dans cette Jérusalem qui voit venir de prêt, de
loin et même de très loin des personnes venir fêter la pâque, des juifs d’horizons et de cultures différentes et aussi des sympathisants du judaïsme….
Que de vies différentes sont rassemblées dans les rues et les maisons ! Et toutes ces personnes viennent par cette fête inscrire dans leur histoire et leur vie cet acte de leur Dieu qui les a sauvés ou qui les sauvera de l’esclavage. Et ainsi enfin vivre en liberté !
Est-ce une parole effective ou une parole promise qui est fêtée ? Dans le remue-ménage de ces jours de fêtes, se croisent aussi ceux et celles venus pour la fête et ceux qui occupent Israël… qui ne frôle pas le bras d’un soldat romain en allant et venant dans les rues pour
préparer le repas de la pâque ?
Il y a quelque chose d’incroyable, de fort de fêter la liberté là au milieu de l’occupation. C’est un faire mémoire d’un acte fondateur de l’identité de chacun-e et l’affirmation d’une espérance d’un Dieu qui libère.
Et là au milieu de cette fête, dans une chambre haute Jésus a rassemblé ceux qui lui sont
proches, ceux et celles qui l’ont accompagné sur les routes, ceux et celles qui ont entendu et
vu et vécu aussi cet amour et cette vie si grands qui débordaient de son cœur, de son être. Autour de lui, il a rassemblé celles et ceux qui ont vu dans son visage le reflet du visage du père. Lui qui était le visage du divin pour chacun-e qu’il rencontrait, révélant la présence de Dieu à leur côté.
Jésus sait la mort venir, il sait la séparation proche. Joie et tristesse, confiance et peur, conviction et doute s’entremêlent pour lui dans son cœur, dans cet instant d’adieux.
Que laisser à ses disciples pour qu’ils se souviennent de ce qui est si essentiel à la vie ? Alors le pain racontera la présence de Dieu, le vin racontera la vie débordante de vie et
d’amour désirée et offerte par Dieu.
Et ce geste de partage sera un faire mémoire qui vient éveiller et nourrir en chacun-e l’amour
et la vie : parce que ce geste déjà, c’est vivre et partager cet amour et cette vie.
Je vis et je partage déjà cette vie, lorsque je reçois le pain et que je donne la coupe avec ceux et celles qui sont assis à cette même table dans cette chambre haute (et dans cette chapelle de l’Arche).
Voyez chacun-e assis à cette table dans la chambre haute, si profondément humain, avec ses
parts d’ombres et de lumières, avec ses consistances et ses inconsistances, avec ses forces et
ses fragilités, avec sa vulnérabilité.
Voyez chacun-e accueillis à cette table, reconnu-e digne par Dieu et inconditionnellement aimé-e.
Ce geste, Jésus l’offre pour rassembler ses disciples parce que tant de choses et de
circonstances peuvent les disperser/éparpiller– ce soir, dans la chambre haute, cet acte
d’amour – précède la peur, la trahison, le reniement, l’abandon.
Il y a autour de cette table, un condensé d’humanité : enthousiasme, peur, amour, trahison, conviction, certitudes. Ce geste, Jésus le pose dans la vie dans toutes ses dimensions pour ceux
et celles qu’il a rassemblé, par amour.
Il y a quelque chose d’incroyable, de fort d’offrir un geste d’amour là au milieu de la vie dans
toutes ses teintes de clairs et d’obscurs. Il y a quelque chose d’incroyable, de fort de poser un geste d’amour avant la peur, la trahison, le reniement, l’abandon.

***
Et à y regarder de plus près, ce soir c’est peut-être bien dans ma chambre haute… là dans mon intériorité que ce geste m’est offert. Dans mon histoire, sur mon chemin de vie, dans mes relations (à Dieu, aux autres, au monde), ne suis-je pas un peu chacun de ses disciples ? Animé-e par un enthousiasme fougueux, habité-e par la peur, rempli-e de confiance, capable
de trahir la confiance qui m’est donné, aimant de tout cœur, reniant et niant l’autre par peur,
par honte.
Ce geste du partage de ce pain racontant la présence de Dieu et ce geste du partage de ce vin racontant la vie débordante de vie et d’amour désirée par Dieu, Jésus me l’offre ce soir pour
me rassembler, me réconcilier. Me voici accueillis à sa table, reconnu-e digne par Dieu et inconditionnellement aimé-e.