Grandchamp – Présentation de Jésus au Temple JPC – 2024.02.01

Intro.

« C’est soudainement que viendra dans son Temple le Seigneur que vous cherchez. Qui alors pourra soutenir
le jour de sa venue ? Qui pourra rester debout lorsqu’il se montrera ? »
(Malachie 3,1-2)
Eh bien aujourd’hui… Celui dont le prophète se demandait : « Qui pourra soutenir sa venue ? » entre dans le temple dépourvu de puissance, porté comme tout premier-né par ses parents ;
Aujourd’hui… deux petits pigeons sont l’offrande de remerciement pour présenter Celui qui fera de toute sa vie une offrande pour toute l’humanité;
Aujourd’hui… Celui qui sera signe de contradiction dort tout abandonné dans les bras de sa mère ; Celui qui portera toute souffrance repose en toute confiance.

I
Ainsi nous apparaît ce soir la rencontre entre Dieu et l’humanité. Elle prend la forme de la présentation de l’enfant au Temple. Une très grande joie surgit alors, pour les humains et pour Dieu !
Pour les humains, joie de la proximité de Dieu, tant attendue par les fidèles témoins : car en Jésus, le visage de Dieu est maintenant dévoilé.
Joie aussi pour Dieu ! Car voici que le dialogue tant attendu par Dieu prend corps: en Jésus une vie humaine va offrir une vraie réponse d’amour au Créateur. Dieu qui n’est que don reçoit enfin en réponse une existence humaine qui ne sera que don.
Incapable encore de parler, Jésus enfant annonce déjà sa vérité : « Tu n’as pas voulu de sacrifice, mais tu m’as formé un corps. Tu n’as pas agréé les holocaustes ni les sacrifices pour le péché ; alors, j’ai dit : Me voici, je suis venu, mon Dieu, pour faire ta volonté. » (Héb. 10,5-7)

Mes sœurs, mes frères, cette scène de l’évangile résume le mystère de la vie ; pourquoi la vie, sinon pour qu’advienne et se déploie la rencontre entre Dieu et ses créatures ?
Or, pour que se réalise une rencontre, il faut des présentations ! Luc nous place devant cette caractéristique humaine essentielle : se présenter devant quelqu’un, c’est s’ouvrir à lui, se faire disponible, attendre de l’autre une parole, un geste, un regard. Se présenter ou être présenté, c’est, en un mot, s’offrir à une rencontre qui va attester notre présence à l’autre, mais aussi, en raison de la consistance de l’autre, nous décaler de nousmêmes !
Or, la présentation mutuelle de Dieu et de l’être humain débute dans le cadre d’un rituel ; la rencontre qui donne corps à la nouvelle alliance s’exprime de manière privilégiée dans une liturgie. Ce n’est pas un hasard ! C’est une loi de la rencontre : car la rencontre est un échange de don. Et la liturgie offre la possibilité irremplaçable de faire mémoire que tout est don, d’exprimer cette vérité et de la vivre profondément. La liturgie est cet indépassable moyen, inspiré par Dieu lui-même, qui nous permet de lui présenter chacun-e personnellement et ensemble une réponse de reconnaissance, l’offrande de notre louange. La liturgie est un temps consacré à l’accueil de l’action de Dieu, pour y répondre par l’action de grâce.
Il se pourrait bien que la présentation de Jésus au Temple soit l’un des enseignements majeurs au sujet de ce qu’est la nature même de la liturgie. N’est-elle pas un espace, une durée, dont on répète infatigablement l’offrande malgré l’absence -souvent- d’expérience sensible de Dieu, malgré la fatigue et l’ennui qui cherchent parfois à s’imposer ? Comme l’enseigne la présentation de Jésus au Temple, l’attente interminable des fidèles Syméon et Anne finit par recevoir réponse. Davantage : c’est cette attente prolongée durant des décades, sans réponse apparente, qui a préparé leurs cœurs à discerner la venue du Messie en un enfant semblable à tous les autres. C’est la fidélité de leur prière souvent mise à l’épreuve par la recherche d’une parole que l’on puisse dire à Dieu, qui en ce jour permet à Anne et Syméon de reconnaître la Parole de Dieu, le Verbe éternel présenté en ce petit qui ne peut encore prononcer aucun mot.

La prière, par ses convocations quotidiennes, inquiète l’être humain qui veut exister par l’action. Chez Syméon et Anne, cette prière, signe de contradiction dans le monde, leur a fait approcher la patience de Dieu.
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Grandchamp – Présentation de Jésus au Temple JPC – 2024.02.01

Au milieu des soupirs et des angoisses, ils ont adhéré à la lente germination des fruits authentiques, et au centre de leur cœur s’est élargi l’espace d’une louange ininterrompue.
Oui, mes sœurs vous le savez tellement par l’expérience : dans la liturgie commune comme dans la prière personnelle, les rendez-vous réguliers, la durée, les éléments de répétition mettent celles et ceux qui prient au défi de la confiance. Comment de si humbles et si pauvres moyens -la prière, la liturgie- peuvent-ils soutenir le monde, et la vie elle-même ?

II
Mais voici qu’aujourd’hui, c’est précisément dans un rituel, c’est précisément dans le cadre d’une liturgie que Dieu se présente. Alors, la présentation de Jésus au temple, fête de la rencontre, ne serait-elle pas aussi la fête de la liturgie ?
Jésus en sa chair, présenté au Temple, est physiquement affirmé comme le contact entre Dieu et ses créatures. Jésus enfant est au contact des quelques adultes qui le recueillent avec une attention de tout leur être. Le coeur de Dieu -qui envoie son Fils- et le cœur des humains -qui en prennent soin- sont unis dans un même élan, dans une même consécration à la nouvelle page de vie qui apparaît ici. Le ciel rejoint la terre et la sanctifie. « Tu m’as formé un corps. Me voici, je suis venu, mon Dieu, pour faire ta volonté. » Cette parole chacune, chacun peut la dire, à sa mesure: Marie, Joseph, Jésus, Syméon, Anne.

III
L’enfant qui repose ainsi avec confiance dans les bras de Syméon préfigure le Maître qui dormira sur le coussin de la barque secouée par un vent violent, et aussi l’artisan de paix qui devra confier son dernier souffle dans un cri: « Père, entre tes mains je remets mon esprit. »
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Pour Dieu comme pour nous, la confiance n’annule pas la lutte. Bien plutôt, la lutte révèle tantôt la force, tantôt la fragilité de la confiance. La confiance de Syméon, nous la voyons éprouvée et robuste.
En effet, le même Syméon qui discerne en Jésus le salut pour tous les peuples, le même vieillard qui peut se dire rassasié de jours et prêt à s’en aller en paix, a le cœur assez disponible pour pressentir le prix de cette paix, pour entrevoir les déchirements que Jésus assumera pour accomplir la délivrance. Aussi, la bénédiction donnée par le sage et fidèle Syméon inclut, pour la prendre en charge, la lutte, la souffrance :
« Voici : cet enfant provoquera la chute et le relèvement de beaucoup en Israël. Il sera un signe de contradiction
– et toi, (Marie), ton âme sera traversée d’un glaive – ».

Mes sœurs, mes frères, la prière persévérante, la liturgie, n’est-elle pas cette irremplaçable pédagogue qui façonne notre être pour nous placer dans les dispositions de fidélité, de confiance et de reconnaissance qui furent celles Joseph, Marie, Syméon, Anne ?
N’est-ce pas dans la forme instituée, quasi immuable de la liturgie, que surgit la connaissance de ce qui était imprévu ? N’est-ce pas dans la forme instituée, quasi immuable de la liturgie, qu’est affiné le discernement pour repérer la restauration de la vie ?
N’est-ce pas dans les paroles et musiques, apprises par cœur, de la liturgie commune qu’apparaît l’inédit, l’inouï, ce qui n’avait jamais été entendu ?
N’est-ce pas dans la part de pauvreté du rituel que l’insondable richesse de la vie avec Dieu trouve son habitation ?
Alors, aux heures de lassitude, de lutte ou de doute, souvenons-nous : la prière, la liturgie éclaire et nourrit le mystère même de la vie ; elle nous présente Dieu et nous présente à Lui. Avec une espérance et un appel : devenir à notre tour bénédiction par Celui qui nous bénit. Amen.