Ex. 22,21-27 / 1 Th. 1,5-10 / Mt. 22,34-40

Les pharisiens viennent à Jésus pour lui tendre un piège.
En quoi consiste ce piège ?
Il s’agit de faire dire à Jésus qu’un commandement est plus grand que les autres. C’est un piège, parce que lorsque les rabbins parlaient de la multitude de commandements et de prescriptions, c’était surtout pour souligner que tous avaient une égale importance, du plus petit jusqu’au plus grand. La tradition dit par exemple :  « de même que celui qui transgresse tous les commandements rejette le joug et rompt l’alliance et dévoile sa face contre la loi, pareillement celui qui transgresse un seul commandement rejette le joug, dévoile sa face contre la loi et rompt l’alliance » ; ou encore : «  que le commandement léger te soit aussi cher que le commandement grave ». La tradition affirme donc que si l’on néglige un commandement, on manque de respect à l’égard de l’ensemble de la loi.

Les pharisiens demandent donc à Jésus : « Maître, quel est le plus grand commandement » ?

Jésus ne tombe pas dans le piège. Certes, il parle d’un grand commandement, et même il le qualifie de premier. Mais ce n’est pas au sens d’une hiérarchie ! Sa réponse exclut que l’on fasse une hiérarchie entre les commandements. Bien plutôt, Jésus réunit tous les commandements, et garde l’importance de chacun, mais il met à neuf le regard que nous portons sur l’ensemble des commandements en déclarant que l’amour envers Dieu doit imprégner la pratique de chaque commandement. Ce que dit Jésus, c’est que tout doit être commandé par l’amour envers Dieu, un amour qui mobilise toute la personne, son cœur, ses pensées, toute son énergie et ses capacités. Chaque commandement place donc l’être humain devant Dieu. Car chaque commandement, du plus petit au plus grand, peut être une occasion d’aimer Dieu réellement.
Ainsi, dans la bouche de Jésus le premier commandement ne signifie pas le premier ou le plus haut par rapport aux autres mais c’est le commandement qui donne le ton pour tous les accomplir ! Il est le premier en importance par son contenu : l’amour envers Dieu. Et c’est l’amour envers Dieu qui donne signification à tous les commandements ; c’est par amour pour Dieu que l’on observe chaque commandement, du plus léger au plus grave.

Vous le voyez, les pharisiens pensaient pouvoir prendre Jésus en défaut de fidélité par rapport à la loi, en lui faisant dire que telle prescription plus importante et par conséquent que d’autres seraient de moindre importance, mais par sa réponse Jésus leur donne en fait une double exhortation :
« a) Souvenez-vous d’aimer Dieu, d’un amour entier, total, du fond de votre être et de tout votre cœur. Dieu vous a donné la vie, Dieu vous enseigne à protéger et favoriser cette vie par le respect des commandements ;
b) et chaque commandement, observez-le par amour pour Dieu – et non par contrainte, ni pour alimenter une quelconque prétention de votre part face à Dieu ».

 

Ensuite, à mes yeux, Jésus crée la surprise en plaçant l’amour envers le prochain au même degré d’importance que l’amour envers Dieu ! Il dit : « Un second commandement est tout aussi important : tu aimeras ton prochain comme toi-même ».
Bien sûr il y a une différence : l’amour pour Dieu prend d’autres formes que l’amour pour le prochain, car Dieu est le tout Autre et le prochain n’est pas Dieu. Mais aux yeux de Jésus, ces deux amours ont une égale gravité. Aimer le prochain est aussi urgent que d’aimer Dieu !
L’amour du prochain doit mobiliser notre personne tout entière, tout comme doit le faire le service de Dieu. Notre attention aux autres être humains est placée au même rang que la considération pour Dieu. Tel est le cœur de la volonté de Dieu. La volonté de Dieu culmine dans ces deux commandements ; l’amour envers Dieu et l’amour pour autrui, et c’est ce qui donne sens à toute autre ordonnance.

On voit bien qu’ici Jésus ne donne pas seulement un enseignements de morale. Il nous fait faire une vraie découverte, il nous fait une révélation : à savoir qu’il est dans la nature de Dieu, que c’est le propre de Dieu d’attribuer autant d’importance à l’être humain qu’à lui-même. Davantage : c’est le propre de Dieu, c’est dans sa nature de se donner à tel point que la vie de l’être humain passe avant la sienne, comme on le voit en Jésus.

 

 

Voilà qui fait surgir des questions. En voici une : mes sœurs, mes frères, à l’évidence, c’est par amour pour Dieu que nous participons au culte, à la liturgie. Mais voilà que Jésus place au même rang l’urgence d’aimer son prochain…
Dès lors : est-ce que je viens vivre le culte et participer à la Cène pour moi ou pour faire corps avec mes frères et sœurs ?
Est-ce que je vis le culte et participe à la communion avant tout pour nourrir et affermir ma relation avec Dieu ? ou est-ce que je vis le culte et participe à la communion pour que Dieu nourrisse et affermisse en moi un amour entier pour mes frères et sœurs  ?

Il y a certainement là du chemin à faire ! Il y a là certainement une marge de progression, comme on dit en certains milieux !

Oui, la Cène nous est donnée par le Seigneur en particulier comme viatique, pour qu’en chemin grandisse et s’approfondisse avec la même urgence notre amour envers le prochain et notre amour envers Dieu.
Mais seul Dieu, qui s’est abaissé jusqu’à nous nous enseigne à élever le prochain au même niveau que nous.

Ce n’est donc pas un hasard si notre Seigneur donne le commandement de nous mettre ensemble autour de sa table. Dans la Cène se reflète ainsi le projet, le dessein de Dieu : nous établir frères et sœurs, et de nous faire croître comme une seule et même famille.
À sa table, il nous ouvre la porte vers sa propre vie. Et l’amour qui circule entre le Père, le Fils, L’Esprit Saint veut nourrir l’amour réciproque entre les frères et sœurs d’un même sang, le sang de Jésus-Christ. Amen.