Es 55, 10s; Rm 8,18-23; Mt 13,1-13

«La parole qui sort de ma bouche ne revient pas à moi sans avoir produit d’effet, sans avoir réalisé ce que je veux, sans avoir atteint le but que je lui ai fixé» (Es 55,11).

Qui ne connaît pas cette Parole? Parole d’autorité souveraine!

Prenons la 1ère page de la Bible: Dieu dit … et par sa parole, le chaos est organisé, la création se déploie, la vie devient possible. Pour le peuple de la 1ère alliance, la parole est agissante; d’ailleurs, il n’est pas rare que le mot dabarparler se traduise par agir.

Comment alors comprendre que des paroles de Dieu ne se réalisent pas? Je pense aux prophètes qui doivent annoncer le malheur, comme Jonas chargé de proclamer la destruction de Ninive après 40 jours! Or Ninive n’est pas détruite, parole non réalisée, pas tenue? Voilà ce qui arrive quand on survole un texte: on pose mal les questions! Il n’est pas dit que les paroles se réalisent, mais qu’elles ne reviennent pas à Dieu, sans avoir réalisé ce que Lui veux (et non ce que je crois comprendre – nuance de taille), sans avoir atteint le but que lui a fixé. Or en se repentant, Ninive retrouve cette vie dans le shalôm voulue par Dieu (l’harmonie et le bonheur). Ainsi, la parole a bien produit l’effet escompté. Elle est Parole d’autorité souveraine, mais pas parole autoritaire : elle tient compte des humains, elle les oriente vers la vie et met en garde contre les dérives qui sont des chemins de mort. Elle ne s’impose pas, laissant les humains assumer (ou subir) les conséquences de leurs choix.

Tout ceci ne s’applique-t-il pas à Jésus, Parole faite chair? Jésus n’a-t-il pas été «la parole qui … ne revient pas à Dieu … sans avoir atteint le but qu’Il lui a fixé.» Jésus n’a-t-il pas été Parole d’autorité souveraine, en parole-acte et paroles dites pour conduire les gens de son époque sur le chemin de vie en plénitude voulue par Dieu?

Jésus, Parole de Dieu par sa vie tout entière, par ses miracles et par ses paroles de controverse, d’instruction et d’enseignement sur le Royaume. À la foule accourue au bord du lac, Jésus parlait de beaucoup de choses en utilisant des paraboles … «Pourquoi leur parles-tu en paraboles?» (Mt 13,3.10) demandent les disciples. Pour inviter à se laisser interpeller par ce que Jésus donne à voir et à entendre. Pour que «celui qui a des oreilles, entende» (v.9) et ne passe pas à côté du projet de salut de Dieu, même si son envoyé n’est pas conforme à ce qu’ils croient et croient savoir du Royaume.

Aujourd’hui encore, la Parole de Dieu se donne, Parole d’autorité souveraine, pour notre bien, pour notre vie, Parole qui ne retourne pas à Dieu sans avoir produit d’effet, sans avoir réalisé ce qu‘Il veut.

C’est dans le passage de l’ép. aux Romains que j’ai trouvé une Parole qui m’interpelle aujourd’hui (mais peut-être en avez-vous déjà capté une autre?): pour moi, c’est la liberté et la gloire des enfants de Dieu! Selon Chouraqui la liberté de gloire des enfants de Dieu.

La création sera, elle aussi libérée [de la servitude de la corruption] pour la liberté de gloire des enfants de Dieu. Cette pandémie ne, une liberté glorieuse.

La liberté de gloire des enfants de Dieu ! Quel contraste d’avec les souffrances du temps présent – sans proportions, dit l’apôtre Paul en parlant de son temps, mais n’est-ce pas aussi valable pour le nôtre? Ne pouvons-nous pas dire avec l’apôtre que la création tout entière gémit ? Et pas seulement à cause de la pandémie actuelle. Elle ne fait que mettre à nu les souffrances infligées à notre terre mère surexploitée et à des populations entières réduites à la misère… Et cette pandémie ne suggère-t-elle pas qu’une autre façon de gérer la vie est possible?

La création tout entière gémit et attend avec impatience la délivrance – l’apôtre Paul se situe à un tout autre niveau, il parle d’être délivré de la corruption conduisant à la mort, liée au péché. Mais, peut-on séparer le domaine spirituel de la vie du monde comme s’il n’avait pas d’impact sur elle?

Ce qui me frappe dans cette liberté glorieuse des enfants de Dieu, c’est que j’entends un appel à la vivre dès aujourd’hui, en plein monde. Paul vient de proclamer (au v.15) que nous n’avons pas reçu un esprit qui nous rende esclaves et nous ramène à la peur, mais un Esprit qui fait de nous des enfants adoptifs par lequel nous crions : Abba, Père. L’apôtre souligne que l’Esprit fait déjà de nous des enfants de Dieu, même s’il lie la plénitude de la gloire à la délivrance pour notre corps. Enfants de Dieu, déjà, par l’Esprit, héritiers de Dieu, cohéritiers du Christ… (v.17). Au-delà des souffrances du présent, il y a cette promesse d’héritage qui déjà me rend libre de la liberté des enfants de Dieu. C’est pour que nous soyons vraiment libres que Christ nous a libérés, dit l’apôtre aux Galates (5,1).

Bouclons la boucle: «La parole qui sort de ma bouche ne revient pas à moi sans avoir produit d’effet…»

Quel effet la Parole de Dieu a-t-elle ce matin sur moi (celle qui m’a frappée, moi, ou une autre)? Quel effet sur ma vie de tous les jours, sur ma relation aux autres, au monde? Quel effet sur ma foi, mon espérance? A chacune, chacun sa réponse!       

AMEN.