Prédication de Matthieu 9, 14-17 et Romains 12, 1-13

 

Si vous êtes gourmands et que vous faites de votre gourmandise l’occasion de préparer un repas délicieux où les convives sont heureux, vous touchez la fine pointe du message de l’Evangile.

Je suis frappé en découvrant les liens gastronomiques entre les deux lectures de ce soir. Les paraboles racontées par Jésus le sont durant des repas et l’épître aux Romain parle de sacrifice qui en réalité est un repas convivial pris avec Dieu et avec tous ses proches. Parler de sacrifice dans l’Ancien Testament, c’est se mettre à table avec Dieu.

Jésus est invité à un repas chez Matthieu qu’il vient d’appeler au bureau des impôts. Et voilà que les critiques fusent. Jésus n’a pas le droit de manger avec les percepteurs et les pécheurs.

Puis, Jésus n’a pas le droit de manger du tout! Car aujourd’hui, dans le passage lu de l’Evangile, c’est jour de jeûne! Il faut y mettre une tristesse pieuse!

Je suis frappé par cette amplification de la critique négative qui se retrouve souvent dans nos entourages…

Et là, Jésus qui se réjouis de la conversion de St-Matthieu amplifie encore la raison de festoyer: «Mais c’est un repas de noces que nous vivons-là!». Revêtez de beaux vêtements car vous êtes des contenants neufs, des réceptacles neufs.

Jésus ne vient pas rapiécer la piété juive, il vient lui offrir un nouveau contenu et nous transforme en nouveau récipient, en nouvelles outres.

Ah, c’est extraordinaire un outre. C’est souple, léger, agréable à tenir. Ce n’est pas dur, rigide ou qui se brise au moindre choc comme une bouteille en verre! Avons-nous un caractère d’outre neuve? Notre piété nous rend-elle rigide ou nous laissons-nous facilement déformer, sans atteinte au contenu, comme quand on appuie sur une outre? Il nous faut devenir des contenants souples.

Le sens de ces deux petites paraboles est que Jésus vient apporter une piété radicalement nouvelle, tournée définitivement vers la joie, la communion fraternelle et l’intimité des noces entre le Christ et son Eglise.

Cette Bonne Nouvelle de Jésus-Christ est présentée en détail aux Romains par l’apôtre Paul durant 11 chapitres et il commence son 12e en disant : «Eh bien, pratiquez-le!» Il le dit ainsi: «Je vous encourage donc à offrir vos corps en sacrifice vivant, ce sera l’aboutissement de votre religion.»

Notre pratique sera complète si elle est sacrifice!! Et j’imagine vos pensées de refus, de crainte et de doute face à ce mot. Or notre vision du sacrifice est totalement étrangère à ce que l’Ancien Testament nous en raconte. D’abord, le mot sacrifice n’existe pas dans l’Ancien Testament. Eh non! Il n’existe pas de mot général pour désigner l’ensemble de ce qui est offert à Dieu comme être vivant, mais il y a une pluralité de sens. Et ces sens ne recoupent jamais une demande de souffrance humaine.

Moïse dit à son peuple: «Vous apporterez vos holocaustes, vos communions, vos dîmes, vos contributions volontaires, vos offrandes votives, vos dons spontanées, les premiers-nés de votre gros et petit bétail. Vous mangerez là devant le Seigneur votre Dieu et vous serez dans le joie, avec votre maisonnée pour toutes les entreprises où le Seigneur ton Dieu t’aura béni.» (Dt 12, 6-7) Voilà qui élargit le contenu du «sacrifice»!

Et dans vos offrandes, il y aura de l’huile, du sel, de la farine, des gâteaux, du pain des épis. Le prêtre n’est pas seulement prêtre, il est aussi cuisinier!

J’espère que vous êtes toujours gourmand et si vous lisez le mot sacrifice dans l’Ancien Testament, traduisez-le par offrande de communion, ce repas où vous tuez un animal et que vous partagez la viande pour être en communion avec Dieu et avec tous ceux qui mangent avec vous dans la joie et la bénédiction.

Offrez-vous corps en sacrifice! Alors nous pouvons découvrir la pluralité des sens tel que le rapporte en particuliers le Deutéronome et quels en sont les différentes fonctions et sens.

Il y avait l’holocauste qui faisait tout monter vers Dieu pour s’assurer de sa présence. Son sens est l’invocation avec un acte d’allégeance ou d’hommage à Dieu. Il a toujours lieu au début d’une cérémonie.

Que nos corps invoquent et montrent la présence de Dieu et l’hommage que nous lui rendons!

Il y avait les offrandes de communion. Elles permettaient de tuer un animal dans le respect des animaux et de Dieu et avait pour but de mettre en communion tous les participants. C’est un repas de paix où personne n’est oublié. On les traduit par sacrifice mais ce sont des repas de fête, de joie de reconnaissance pour les bénédictions.

Que nos corps soient instruments de communion et d’unité dans l’amour et que nous ayons cette ouverture à tous afin que personne ne soit oublié.

Il y avait des rites accomplis avec du sang, soit pour le péché, soit pour une réparation entre deux personnes. Ils contribuent à rétablir la pureté d’un lieu et expier les fautes. Ils attestent aux responsables le pardon de Dieu et assurent la réconciliation. Ces rites avec le sang ne sont jamais pratiqués pour que Dieu soit bon pour nous ou pour apaiser sa colère. Ils sont l’affirmation de la grâce, du pardon et de l’Alliance. Pour sceller l’Alliance, Moïse remplit des coupes de sang et dit: «Voici le sang de l’Alliance que Dieu a conclue avec vous, sur la base de toutes ces paroles». (Exode 24,8).

Que nos gestes assurent aux humains que Dieu les aime, leur pardonne et fait alliance avec eux.

Il y avait enfin les offrandes végétales, avec des pains, des gâteaux, des épis grillés. C’est celui qui est le plus recommandé dans le Lévitique.

Offrez vos corps pour faire, même des repas simples, des moments spirituels, joyeux qui entretiennent l’amitié.

Ainsi nous habillerons le mot sacrifice d’un habit neuf et nous dégusterons le vin nouveau avec les oubliés qui ont fuis nos communautés, alourdis par de fausses représentations sacrificielles.

Amen