Mal. 3, 1-4 – Col. 1, 9-20 – Luc 2, 22-40

La fête, d’aujourd’hui, porte trois noms : « la présentation au Temple », « la Rencontre » et « la Chandeleur ».

Fidèles à la piété juive, Joseph et Marie montent au Temple de Jérusalem pour présenter leur enfant à Dieu : ce moment essentiel est significatif où les parents se dessaisissent de leur droit de propriété sur l’enfant : ils le confient à la vie qui lui a été transmise, la sienne propre maintenant, et ils le vouent à Dieu, transmettant le relais au Maître de la vie. Ils demeurent ses parents, responsables, d’ailleurs il est dit qu’à 12 ans, au retour de Jérusalem – ses parents l’ayant retrouvé – il leur obéissait.

J’aime les mots que le pasteur Fr. Lindegaard met sur les lèvres de Jésus à ce moment-là, au milieu des docteurs :

  • « Dis-nous, petit, comment s’appellent tes parents ? »
  • « Mon Père est celui qu’on ne peut nommer, Son nom est trop grand pour une bouche. Je suis également fils de Joseph et de Marie » …… « et quand mes parents viendront, je les suivrai » !

Nous célébrons donc la Rencontre ; celle de deux couples atypiques :

Siméon : la seule chose qu’on sache de lui, c’est qu’il est un saint homme, à la relation privilégiée avec le Saint-Esprit ; à l’évidence, il est vieux.

D’Anne, on en sait davantage et surtout qu’elle est vieille et veuve, donc pauvre parmi les pauvres, n’ayant plus sa place dans la société. Elle est prophétesse, alors c’est à Dieu qu’elle offre son cœur et sa voix.

Et bien sûr, Joseph et Marie, avec Jésus ; eux aussi sont des pauvres ; ils n’ont que deux tourterelles à offrir en sacrifice.

Mais de cette fragilité, l’Esprit Saint fait une rencontre au sommet, l’étape charnière de l’histoire de Dieu avec l’humanité, dont les deux couples sont le symbole, où la grâce transfigure la loi et engendre l’ère nouvelle.

Marie confie Jésus à Siméon. On aime entendre que Jésus est accueilli par Siméon qui le reçoit, pour éviter de dire « qu’il le prend ». On n’est pas dans un lieu d’accueil où deux vieux s’attendrissent devant un nouveau-né, mais face à une parabole exprimant le corps à corps, le cœur à cœur du combat de la foi ; = ça n’a rien de sentimental. Siméon n’arrache pas Jésus à Marie qui n’est certainement pas montée au Temple en tenant Jésus au bout des doigts ; c’est un nouveau-né, il a 40 jours mais il n’est pas une plume. Alors, je préfère entendre ce que disent les mots de l’Évangile = « Siméon prend Jésus dans ses bras recourbés (terme grec). C’est un mouvement, un corps à corps charnel et vigoureux, simplement humain, et, c’est aussi de ses yeux de chair que Siméon voit, dans ses bras, « le Salut pour tous les peuples, la Lumière pour les nations, et la Gloire d’Israël ». C’est immense et ce n’est pas un rêve.

Si les yeux du cœur sont sollicités chez Siméon, pour discerner, en cet enfant, le cadeau de Vie et d’Amour que Dieu fait à l’humanité entière, et inspire sa louange, celle d’Anne et l’étonnement de Joseph et de Marie, cette louange demeure, elle aussi, très incarnée : elle s’accompagne de l’évocation de la ténèbre qui demeure active, des perturbations qu’engendre la vie de Jésus, de l’épée qui ne cesse de transpercer l’âme du monde et de l’Église.

Porter et apporter le Christ, ce n’est pas de l’histoire ancienne, c’est notre aujourd’hui de Dieu, c’est l’envoi lié à notre baptême, c’est reconnaître le visage du Christ dans celui de l’autre, c’est rendre à notre cœur son identité de temple de Dieu : « vous êtes le temple de Dieu et l’Esprit Saint habite en vous », dit Saint Paul (1 Cor. 3, 16).

Le temple de Dieu, nous qui allons être visités par l’Eucharistie, est ouvert à cette présence de Jésus : toucher, voir, sentir, goûter, être habité par l’Esprit du Père et du Fils, c’est le bonheur d’éternité auquel nous aspirons tous, dont nous avons un avant-goût, et qui fait dire à Siméon, qui a vu parce qu’il a cru, contrairement à Thomas : « laisse ton Serviteur s’en aller en paix ».

Cet évangile a été proclamé et prêché, ici, il y a un mois, peut-être aurez-vous donc entendu deux fois la même chose. Mais ce que mon collègue n’aura pas évoqué, c’est la troisième facette de cette célébration, nommée la Chandeleur !

On vit et on se réjouit aussi de symboles et de traditions populaires (et de dictons), Cette troisième fête est très prosaïque : la Chandeleur, ainsi nommée, parce qu’on portait à la main des chandelles allumées en l’honneur de la Vierge Marie pour fêter ses relevailles.

A l’origine, c’était une fête païenne de la mythologie romaine, qu’un pape du 5ème siècle a christianisée ; et, si le bonheur de la Chandeleur est de confectionner et de manger des crêpes, c’est que ces galettes, rondes et dorées, évoquent le soleil, le Soleil levant, venant en ce monde, le Christ, « Lumière pour les nations ».

Peut-être est-ce, au delà de la légèreté du symbole, un clin d’œil du Ciel nous rappelant que le Christ, Lumière du monde, ouvre notre cœur à sa Lumière, pour le rendre fécond et le réjouir, afin que, selon l’exhortation de l’apôtre, nous ayons part à l’héritage des saints dans la Lumière.

Amen