Evangile : Mc 13, 14-27

Il arrive que nous soyons confrontés à des situations de détresse incommensurable. Que ce qui nous apparaît comme le plus sacré, le lieu qui dit la présence de Dieu en nous et pour nous, soit profané. Que ce qui constitue notre ressource la plus profonde, notre manière d’accéder à Dieu, d’être en lien avec lui, soit foulée aux pieds. C’était le Temple pour les Juifs du temps de Jésus. Cela peut être nos églises ou chapelles aujourd’hui. Nos icônes. Nos Ecritures, nos eucharisties. Cela peut aussi être notre corps lorsqu’il est violé, meurtri. Cela peut être notre image de nous-mêmes lorsqu’elle est bafouée. Notre intériorité lorsqu’elle n’est plus respectée.

Alors c’est comme si « l’Abominable Dévastateur », l’abomination de la désolation, faisait son œuvre en nous, s’attaquant à nos ressources spirituelles elles-mêmes. Et pour survivre et tenir le coup, pour résister aussi, il nous faut fuir. Quitter les sécurités, quitter le connu, ne pas se retourner en arrière sous peine de finir pétrifiés, comme la femme de Loth, dans l’impossibilité de se mouvoir. Et espérer avoir suffisamment de forces pour tenir bon dans ces temps bouleversants et difficiles.

Pour tenir le coup et résister, il faut aussi renoncer aux remèdes faciles, aux explications qui ne manqueront pas d’arriver, aux solutionneurs qui seront nombreux pour prendre la place menacée de la foi en Jésus-Christ. Ce temps d’épreuve, ce temps où les sécurités spirituelles que donne le sacré sont ébranlées, c’est un temps de veille et de résistance. Non pas en demeurant immobile, dit l’Evangile, mais en s’éloignant de ce qui fait mal sans entrer dans le regret. En se protégeant dans les montagnes, ces lieux qui rapprochent de Dieu.

Car ce temps n’aura qu’un temps. Dieu n’abandonne pas, et il agit pour que ses enfants qu’il aime aient la vie sauve. Et si tous les repères, le soleil et la lune et les étoiles, disparaissent, pourtant le Christ, lui, vient et rassemble dans l’unité de sa présence les femmes et les hommes dispersés et isolés dans leur détresse.

En ce temps de prière et d’engagement pour la Création, nous vivons aussi cette profanation de ce que la Création a de plus sacré – son lien à  Dieu – par les agissements des humains. Et nous pourrions tomber dans le désespoir paralysé ou l’affrontement agressif. Mais l’Evangile nous appelle à ce recul que permet la fuite dans les montagnes. Pour résister, entrer en prière, et ne pas succomber ni à la dépression ni à la violence.

Et garder chevillée au cœur et au corps la foi en Jésus-Christ qui n’abandonne pas la Création ni l’humanité. Veillez et priez. Pour ne pas s’égarer et pour agir. En se laissant rassembler par le Christ vivant, portés par les quatre vents de la terre entière et guidés par les anges, nous pourrons résolument vivre cette espérance que raconte l’Evangile: tout est entre les mains de Dieu, c’est pourquoi nous pouvons nous engager fermement contre tout ce qui bouche l’horizon du monde, et travailler à la sauvegarde de la Création qu’il nous a confiée.