Lectures : Ap, 2-17 et Mt 5,1-12

Bonne fête à vous,

Le saintes de la Communauté de Grandchamp,

Et à vous aussi,

Les saints et les saintes qui les ont rejointes pour cette célébration dominicale !

Nous avons entendu ces derniers jours la lecture des derniers chapitres de la Lettre de Paul aux Romains, dans lesquels il parle de ses projets d’aller à Jérusalem rendre visite aux chrétiens qui s’y trouvent et qu’il appelle les saints de Jérusalem (R, 15,25-26). Il recommande aux saints par appel qui sont à Rome (Rm 1,7), c’est-à-dire aux chrétiens de Rome, il recommande Phoebé, ministre de l’Eglise de Cenchrée, demandant qu’on l’accueille dans le Seigneur d’une manière digne des saints (Rm 16,2). Plus loin, il demande encore de saluer Philologue et Julie, Nérée et sa sœur, Olympas et tous les saints qui sont avec eux (Rm 16,15). A l’époque de Paul, « saint », qui veut dire « consacré à Dieu », est un terme qui désigne tout simplement les membres d’une communauté chrétienne. Aucune procédure de canonisation n’a encore été mise en place pour aboutir à l’attribution de cette appellation. Alors, dans la tradition des premiers chrétiens, et puisque nous fêtons aujourd’hui tous les saints, je n’hésite pas à vous inclure tous parmi les fêtés.

Bonne fête à vous tous !

Car la Bonne nouvelle de l’alliance nouvelle et éternelle conclue par notre Seigneur Jésus Christ, c’est qu’il n’y a plus de séparation entre des élus et les autres. Tous sont appelés, élus par l’amour inclusif de Dieu.

Le visionnaire de l’Apocalypse en donne une image saisissante. Il voit une foule immense, si grande que nul ne pouvait la dénombrer, de toutes nations, tribus, peuples et langues, se tenant devant le trône de Dieu, lui rendant un culte nuit et jour. Ils sont vêtus de robes blanches, comme on en voit de nombreuses aujourd’hui dans cette chapelle. Et l’un des anciens précise au visionnaire qu’ils ont blanchi leurs robes dans le sang de l’agneau. Autrement dit, ce sont tous ceux qui sont entrés dans l’alliance avec Dieu que Jésus a scellée lors de son dernier repas avec ses disciples., lorsqu’il leur a partagé la coupe de son sang, dont il a précisé qu’il était le sang de l’alliance, versé pour la multitude (Mc 14,24 et parallèles). Car en Jésus l’alliance a été élargie à toute l’humanité et non plus réservée seulement au peuple d’Israël, qui est aussi là dans la vision par la présence des 144’000, nombre symbolique pour représenter les 12 tribus (12 fois 12’000). Le Christ a ouvert l’alliance à la multitude et les saints ne sont pas rares, mais impossibles à dénombrer.

L’ancien qui converse avec le visionnaire, ajoute encore que ceux qui appartiennent à cette multitude n’auront plus ni faim ni soif, er que Dieu essuiera les larmes de leurs yeux.

C’est une confirmation directe de la promesse faite par Jésus au moment où il prononce les Béatitudes : Ceux qui ont faim et soif de justice seront rassasiés, ceux qui pleurent seront consolés. Après la grande épreuve, ils ont trouvé le bonheur tant attendu.

Ce bonheur, Jésus l’avait donc énoncé dans une série de béatitudes : Heureux…

Mais d’où pouvait-il avoir connaissance de ce bonheur, sinon par la prière, par la relation intime qu’il entretenait avec son Père du ciel. Alors, certes, on peut se dire qu’il puise dans sa relation intime avec le Père une certaine représentation de ce qui peut combler ceux qui sont entrés dans l’alliance avec Dieu. Mais puisque Dieu est celui qui instaure l’alliance, ne pourrait-on pas aussi entendre dans les Béatitudes une représentation de ce qui comble Dieu lui-même, lui qui est le Saint ?

Alors, bien sûr, si l’on veut écouter les Béatitudes pour parler de la manière dont Dieu trouve son bonheur, il faut un peu adapter la lecture.

« Heureux les pauvres de cœur ». je ne sais pas bien ce que pourrait signifier que Dieu est pauvre de cœur ; surtout que le texte de l’Evangile selon Matthieu dit plutôt, si l’on traduit littéralement : « Heureux les pauvres en esprit ». Or Dieu n’est pas pauvre en Esprit. C’est plutôt qui avons besoin de son Esprit ; nous en sommes pauvres sans lui qui nous le donne. Mais lui, il est pauvre de nous jusqu’à ce que nous nous donnions à lui. Alors il devient riche de nous et, alors, ce n’est pas le Règne des cieux qui sera à lui, mais le règne sur la terre.

« Heureux les doux » : Dieu n’est-il pas celui qui est doux par excellence et qui aura la terre en partage au bout de sa douce persévérance ?

« Heureux ceux qui pleurent » : oui je crois que Dieu pleure avec ceux qui pleurent et qu’il espère le jour où il sera consolé parce que toute l’humanité sera entrée dans son alliance.

« Heureux ceux qui ont faim et soit de justice » : depuis les débuts de l’histoire de Dieu avec son peuple, il crie sa faim et sa soif de justice. Les prophètes n’ont cessé de le répéter. Il attend encore.

« Heureux les miséricordieux » : toute la tradition biblique nous dit que Dieu est le Miséricordieux. Saurons-nous, un jour enfin, être miséricordieux à son égard ?

« Heureux les cœurs purs » : nul ne peut entrer pleinement dans le mystère de Dieu pour parler du cœur de Dieu, mais il est clair que le cœur de Dieu est sans duplicité. Ici, reconnaissons qu’il n’y a pas besoin de parler au futur : Dieu ne nous verra pas, parce que Dieu nous voit déjà tels que nous sommes.

« Heureux les artisans de paix » : Dieu ne cesse de chercher la paix. Là aussi, il est à la source de la paix, déjà…

« Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice » : Dieu ne cesse d’être la cible de violences, rejets, etc.

Cette lecture des Béatitudes appliquée à Dieu nous montre que ce qui peut faire le bonheur de Dieu est indissociable de ce qui peut faire le nôtre. Dieu ne sera heureux que lorsqu’il n’y aura plus d’injustice sur terre, c’est-à-dire que toute l’humanité sera entrée dans son alliance. Alors tous seront saints et la fête de tous les saints sera la fête de toute l’humanité devenue peuple saint de Dieu.

Pour aujourd’hui, réjouissons-nous déjà avec toute la multitude des saints qui sont sur terre ou déjà auprès de Dieu, dans l’espérance de l’accomplissement de l’alliance universelle.