Mt 18, 15-20

Avec des éléments d’un commentaire de M. Domergue

Ce matin à l’écoute de l’évangile, nous voilà encore une fois bousculés et interpelés par ce que Jésus dit dans son enseignement. En effet, comment comprendre ces paroles ?
« Tout ce que vous aurez lié sur la terre sera lié dans le ciel. »

Peut-être qu’avec d’autres mots on pourrait dire : Dieu, celui qui nous fait exister, se trouve affecté, « lié » par les décisions que nous prenons et les paroles que nous prononçons. Créateur de libertés, Dieu ne peut pas faire comme si elles n’existaient pas.

« Lier ? » Car nous pouvons empêcher Dieu d’agir.
Pourquoi ? Parce que son action passe par nous.
« Délier ? » : il nous est donné d’ouvrir les chemins par lesquels Dieu passe, les chemins de l’amour. …
à Et pour faire cela, nous avons besoin de transmettre la Parole de Vie qui vient de Dieu : nous avons à faire nôtre cette Parole.

D’où nous vient-elle ? De la communauté des croyants, et cette communauté nous parle d’abord en nous transmettant une parole très ancienne, celle qu’elle reçoit ellemême du Livre, écrit à partir du message transmis par celles et ceux qui ont accompagné Christ et qui l’ont entendu directement.

Alors ne soyons pas déçus par ce caractère indirect de la transmission de la Parole : c’est cela qui nous protège de l’individualisme, et qui construit la communauté, la communion.
C’est en effet dans cette communion que réside la vérité, car elle est expression de l’amour.

Délier, i.e. libérer la Parole qui nous arrache à nos servitudes, c’est permettre à Dieu de nous parler par les autres.

Pour ne pas risquer, pour ne pas nous mouiller, nous pouvons être tentés de nous réfugier dans des silences hypocrites ou coupables, déguisés en tolérance, une tolérance qui laisse l’autre patauger dans ses erreurs…
Mais l’avertissement préconisé par Jésus ne peut être authentique que dépouillé de toute illusion de supériorité et pur de tout jugement : nous pouvons juger des conduites mais pas des personnes, car cela reviendrait à prendre la place de Dieu. Par ailleurs, l’avertissement ne prend sa valeur que s’il est inspiré par une profonde bienveillance…
(Le recours à deux ou trois témoins, puis à la communauté, s’explique par la volonté de donner plus de poids à la persuasion, mais aussi par le désir de sortir d’un face à face où aucun des deux protagonistes n’est sûr d’avoir raison.)

Enfin, comprenons que c’est la communauté liée par l’amour-présence de Dieu qui est le lieu de la vérité. Si cette communauté se laisse guider par l’amour et ne cède pas à la volonté de puissance – ce serait alors de la perversion.

Jésus dit de considérer le récalcitrant comme un païen et un publicain : comment ne pas penser à son attitude envers ces personnes, comme le centurion romain de Matthieu 8 ou Zachée en Luc 19.

« Réunis en mon nom »
À première vue, les paroles de Jésus sont déroutantes. « Si deux d’entre vous se mettent d’accord pour demander quelque chose, ils l’obtiendront », dit-il. Même s’ils demandent la ruine d’un concurrent ? Même la mort de quiconque nous gêne ? Même la conquête du pouvoir ?
à D’abord, rappelons que Dieu répond à toute prière en donnant son Souffle, l’Esprit, et l’Esprit nous donnera l’attitude juste pour gérer la situation que les circonstances, favorables ou non, nous donnent à vivre.
à Nous ne devons pas compter sur Dieu pour modifier le cours des choses – ça lui appartient,
mais bien pour nous modifier nous, en nous rendant aptes à tout traverser ; y compris la mort. Et alors ne plus subir les évènements, mais y consentir, dans la confiance et l’espérance que Dieu nous donne.

C’est pourquoi Jésus précise tout de suite qu’il vient habiter celles et ceux qui sont « réunis en son nom ».
Donc pas n’importe comment, ni pour n’importe quelle raison.
Il ne suffit pas d’aller à l’église pour se réunir au nom du Christ, ni même de faire partie d’une communauté ou d’un mouvement religieux.
à Il s’agit chaque fois de s’accorder pour mettre au monde ce pourquoi le Christ a vécu et donné sa vie.

Encore une fois, il ne s’agit pas de dire « Seigneur, Seigneur », mais de faire la volonté de Dieu.
Mais que veut le Père ? Des fils, des filles, comme son nom l’indique.

Nous nous réunissons au nom du Fils quand nous cherchons ensemble à permettre aux autres de vivre dans la dignité, quand nous donnons un peu de notre vie pour eux.
Cela se dit : Amour. Volonté de Dieu et amour sont synonymes.
Il n’est pas de plus amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime.

C’est à cela que nous engage notre baptême, signe et sacrement de la foi et de l’amour de Dieu pour nous…

« Tu es mon enfant bien-aimé, en toi je mets tout mon amour… » nous redis Dieu Père à tout instant.