Mc 1,1-8 // Es 40,1-11 et 2Pi3,8-14
__________________________________________________

La Bible aime parler des commencements qui ouvrent un chemin tout neuf.

Dans  premier testament, au commencement de toute chose, alors que tout n’est que tohu et bohu, Dieu crée le ciel et la terre. Une terre qui aujourd’hui encore nous porte, nous nourrit et dont nous sommes appelés à prendre soin (ça, ce n’est pas gagné), et un ciel qui marque autant la grandeur ducréateur que le potentiel de sa créature.

La Genèse commence par «au commencement» (au moins dans nos traductions, mais en vrai, c’est intraduisible tant le mystère de ce 1er mot est grand). Dans la version grecque du 1erTestament, on lit en archè qui se traduit par «au commencement), mais aussi par «dans le principe, dans le fondement de tout».

Au commencement de tout, on n’assiste donc pas seulement à un lever de rideau, au commencement d’un grand spectacle, mais on est d’entrée de jeu plongé dans les profondeurs de l’être.
Ce commencement nous parle deciel et deterre quisont intérieurs àchacun, qui disent qui nous sommes, d’où nous venons, et quelle est notre vocation d’êtres humains créés par Dieu, et aimés.

Bien plus tard, lorsque l’Evangéliste Marc rédige son Evangile, il commence de la même manière que la Genèse : c’est aussi un commencement de tout. Et c’est vrai : personne avant lui n’a écrit d’Evangile, son œuvre est totalement nouvelle, inouïe.

Avant ce premier Evangile,il n’existe que les lettres de Paul qui renseignent peu sur la vie du Christ, sinon pour évoquer le repas de la cène et les apparitions du ressuscité. Mais voilà que 2 générations après les événements fondateurs, au moment où les premiers témoins et apôtres disparaissent, au moment où les voix des anonymes mais directs se taisent, il devient urgent et essentiel de garder la mémoire de tout ce qui s’est passé. Certainement porté et encouragé par sa communauté, rempli d’Esprit Saint, Marc imagine et construit pour la toute première fois une œuvre littéraire suivie et cohérente de la vie de Jésus-Christ, un récit génial, fondateur, universel et tellement inspirant que pour beaucoup, il nous nourrit durant toute notre vie.

L’Evangéliste Marc nous prend dans ce nouveau commencement par la main et nous conduit à la suite du Christ du désert au Jourdin, d’une rive à l’autre de la vie, d’une montagne à une colline, d’une ville à un village, d’une maison à une autre, d’un temple à un jardin, des foules aux solitudes de l’écart, de la pierre roulée d’un sépulcre à un matin nouveau (ainsi quel’écrit François Vouga). A sa manière, il chante la beauté et les drames de la vie, cette vie que Jésus a vécue d’une manière totale, accomplie, debout, afin de nous sauver de tous nos enfermements et de tous nos désespoirs, pour que nous naissions à nous-mêmes. Pas d’autre nativité chez Marc que la nôtre lorsque nous nous mettons en chemin à la suite du Christ.

Alors ici, dans ce commencement du tout premier Evangile du monde, chaque mot choisi par Marc compte, chaque mot résonne, chante et à vibre dans ce temps de l’Avent :Commencement, Evangile, Jésus-Christ, Fils de Dieu,chemin, pardon, Esprit Saint… et même le mot ange (traduit par messager ici, un ange pour préparer le chemin).

Et comme la Genèse bien avant lui, Marc commence son Evangile avec ce mot «archè», et il nous plonge immédiatement dans le fond du fond de notre être.
Dans la Genèse, le fondement est Dieu qui crée ciels et terre ; chez Jean qui commence aussi son Evangile par ce même mot archè, le fondement de tout est la Parole, le logos qui est Dieu. Et chez Marc, le fondement, c’est l’Evangile de Jésus Christ, fils de Dieu. La prière du coeur est toute proche, elle trouve son fondement dans ce commencement de tout.

Marc au commencement de son Evangile nous dit donc qu’au plus profond du monde, au plus profond de l’être, de toute éternité, se tient la bonne nouvelle de Jésus Christ Fils de Dieu. Là exactement se situe le fondement de tout. Rien n’est plus essentiel dans ma vie, et sans ce fondement, rien ne tient.

Maître Eckhart avait très bien compris cela, lorsqu’il a dit :
« Nous fêtons Noël pour que cette naissance se produise aussi en nous. Si elle ne se produit pas en moi, en quoi m’aide-t-elle ? Justement, qu’elle se produise aussi en moi ; c’est en cela que tout réside ».

 

Ainsi donc, mes sœurs, mes frères, Marc l’Evangéliste qui le tout premier invente cette narration de 16 chapitres dont nous vivons, place au centre Jésus vivant et debout, il nous invite pour commencer à nous relier au centre de notre être, qui est notre part divine, à prier le Christ qui nous met en chemin, toutes et tous. Même si notre vie est encombrée d’obstacles, escarpée, parfois désespérante et quelques fois merveilleuse, elle n’en finit pas de commencer.

Frère Roger a dit :
« Qui avance vers Dieu
va d’un commencement à un autre commencement.
Seras-tu de ceux qui osent se dire :
« Recommence ! Quitte ton découragement ! Que ton âme vive ! »