Prédication 7 avril 2024 Grandchamp
Jean 20, 24-31

Que n’a-t-on dit sur Thomas ? Il a été jugé, c’est le moins qu’on puisse dire. « Scandaleux d’exiger des preuves, comme ça, et de la part du Christ en plus ».
Et d’ailleurs il était où ce fameux dimanche où tous les disciples étaient réunis ?
Honte à lui qui doute, alors que tous les autres ont cru…
Aujourd’hui, je nous invite à nous asseoir à côté de Thomas. Que pensons-nous de lui ? Comment le voyons-nous?

Thomas : le disciple, le jumeau, l’incrédule, Thomas aux multiples facettes.
En réalité, je suis convaincue que Thomas nous permet d’approfondir notre connaissance du Ressuscité et d’élargir, de questionner notre foi.
Avec les versets qui précèdent, ce chapitre 20 de l’Évangile de Jean est comme un chemin pédagogique pour chacun de nous.

Quatre rencontres avec le Ressuscité, quatre situations différentes :
2 rencontres au tombeau avec Pierre et le disciple que Jésus aimait, puis avec Marie
2 rencontres dans un lieu clos
2 rencontres en groupe
2 rencontres personnelles.
Une fois 2 hommes et une fois une femme.

Intéressant de relever déjà la diversité de ces rencontres et des personnes concernées. Et chacune de ces apparitions présente une particularité, une approche différente de la part Ressuscité.

Il se donne
à voir au groupe des disciples réunis,
à entendre pour Marie en la nommant,
à comprendre (réflexion) à travers la mémoire des écritures pour Pierre et le disciple aimé,
à toucher pour Thomas.
Voilà qui nous dit déjà beaucoup sur le Christ, le Ressuscité, sur son incroyable capacité à s’adapter aux besoins de chacun.
Il rejoint les disciples réunis, Thomas
et bientôt les disciples d’Emmaüs à chaque fois d’une manière différente et adaptée.
Est-ce surprenant, étonnant ? N’est-ce pas déjà dans les habitudes de Jésus de Nazareth ?
Le propre de Jésus, en particulier lors des miracles et des guérisons, était de rejoindre l’autre dans ses blessures et sa vulnérabilité… dans son histoire et ses particularités.

Et pour ce faire, Jésus mobilise tous les sens :
la vue, un regard attentif, aimant qui le touche si intimement qu’il le ressent dans ses entrailles,
l’écoute de l’autre, de son désir
puis vient la parole performatrice et le geste.

Comme une capacité de vivre pleinement l’incarnation, jusque dans son corps en utilisant ses sens pour aller vers l’autre et le comprendre.
En tant qu’aumônier, je suis particulièrement touchée par le soin que Jésus met à rejoindre les personnes là où elles en sont, par sa délicatesse, son respect, son inventivité.
A chacun, il offre une manière personnalisée de l’approcher tout en respectant son besoin.

Mais le toucher à une place particulière. Alors qu’il vit dans une société de règles et d’interdits, Jésus va toucher, beaucoup… En particulier les intouchables. Signe de sa compassion, de son amour inconditionnel pour l’autre… Il va toucher la peau du lépreux, les yeux des aveugles, la bouche et les oreilles du sourd-muet… Même les autres vont tenter de le toucher pour guérir comme la femme hémorragique.

Et avec Thomas aussi, il est question de toucher. Thomas, authentique, entier, fougueux, questionne et exige. Parce qu’il n’a pas vu le dimanche précédent, il exige non seulement de voir mais aussi de toucher. Il veut la preuve tangible que le Ressuscité est bien l’homme qu’il a suivi, écouté, admiré… et qui est mort supplicié sur la Croix. C’est bien l’identité du Ressuscité que Thomas interroge.
La réponse et la réaction de Jésus s’offre à deux niveaux pour lui, et du coup pour nous aussi.
Premièrement, le Ressuscité porte bien les stigmates du Crucifié. Il est bien la même personne… Remarquez que l’on est bien loin d’un Christ souverain et glorieux ! Et à un autre niveau, dans sa manière d’être en relation, le Ressuscité est animé par le même amour, la même faculté à s’adapter à l’autre, que Jésus de Nazareth.

Vous l’aurez sans doute remarqué, le Ressuscité précède même la demande de Thomas. Il vient le rejoindre dans son enfermement, dans son doute, dans son besoin. Oui, Thomas a besoin de sa propre expérience. Il ne veut pas, ne peut pas croire par ouï-dire. Il demande une rencontre, une expérience personnelle avec le Ressuscité.

Et cette expérience l’ouvre à la foi. Le Ressuscité est bien Jésus de Nazareth arrêté et crucifié. S’en suit une confession de foi magnifique. Grâce à Thomas l’incrédule, la divinité de Jésus mort et ressuscité est explicitement confessée.

Vous l’aurez, sans doute, compris, la rencontre, l’apparition du Ressuscité à Thomas nous concerne aussi, nous autres qui sommes en sa compagnie ce matin… et chacune des communautés ecclésiales que nous représentons.
Avec Thomas, nous venons de le voir, ni le témoignage ni l’expérience des autres disciples n’ont suffi à le convaincre.

C’est bien une rencontre personnelle avec le Ressuscité qui fait jaillir la foi de Thomas.
Mais en même temps, c’est bien l’expérience partagée et racontée par ses compagnons qui permet à Thomas d’identifier et de nommer sa propre attente.
Expérience spirituelle personnelle et partage communautaire s’enrichissent mutuellement. Les eux sont nécessaires !
La présence et le témoignage de la communauté des disciples, la rencontre personnelle avec le Ressuscité et l’infinie délicatesse de Dieu ont conduit Thomas à la foi.
Finalement ce magnifique récit d’apparition du Ressuscité à Thomas nous interroge tant sur notre accueil de demandes personnelles que sur la qualité de notre témoignage personnel et communautaire… mais aussi sur la manière dont nous intégrons l’entièreté de la personne, corps, âme, esprit… et notamment avec les sens, les siens et les nôtres… à la suite Jésus-Christ.