Deuxième escale
Philippiens 3, 1-17 : vivre librement avec de bons modèles

 

« Au reste, mes frères, réjouissez-vous dans le Seigneur. Il ne m’en coûte pas de vous écrire les mêmes choses, et pour vous c’est un affermissement. »

Quelques lieux théologiques mystérieux à visiter[1]

Dépasser les conflits

Comme indiqué dans la préparation au voyage à Philippe, les relations de tendresse et d’affection de Paul pour la communauté (voir Phil 1, 3 et 8) lui permettent de parler librement et avec franchise. Mais à chaque fois, je reste heurté par la virulence du verset suivant :
« Prenez garde aux chiens ! Prenez garde aux mauvais ouvriers ! Prenez garde aux faux circoncis ! Car les circoncis, c’est nous, qui rendons notre culte par l’Esprit de Dieu, qui plaçons notre gloire en Jésus-Christ, qui ne nous confions pas en nous-mêmes » (Phil 3, 2-39).
Dans la communauté de Philippe, tout ne va pas sans conflits théologiques. Certains groupes locaux ont transformé la bonne nouvelle de vie en Christ : les uns vivent dans une liberté débridée, les autres s’exercent à un perfectionnisme pointilleux, d’autres encore font de l’Evangile une nouvelle loi… Paul défend l’idée que l’adhésion au Christ ne présuppose aucune condition préalable : ce qui importe par contre c’est de reconnaître la vie et l’œuvre de Jésus-Christ ainsi que les fruits de l’Esprit.

Auto-apologie de Paul (Phil 3, 4-6)

Paul rappelle son parcours. Il fait une sorte d’éloge de lui-même et de son parcours. Cela peut irriter : n’est-ce pas se mettre en avant, alors que l’apôtre, dans le début de sa lettre, nous invite justement à faire l’inverse (être humble, et laisser une place pleine et entière aux autres). Il faut alors garder en mémoire que cette manière avantageuse de présenter sa biographie est une coutume acceptée dans l’antiquité. On trouve par exemple un tel récit chez Plutarque.
Paul rappelle son origine, son éducation et ses actions. Il regarde à lui-même, à ce qu’il est, à ce qu’il a fait. Il fait le bilan de sa vie de lettrés pharisiens.

Auto-apologie renversée

« Or toutes ces choses qui étaient pour moi des gains, je les ai considérées comme une perte à cause du Christ ». (Phil 3, 7) Le bilan biographique des versets 4-6 n’est en rien décisif par rapport au bien suprême de la connaissance de Jésus Christ. Au verset 7, nous assistons à un véritable coup de théâtre. Le texte bascule, parce que Paul détourne le regard de lui-même, de sa vie et de ses œuvres, pour se tourner entièrement vers le Christ et son action. Paul est trouvé en Christ (v. 9). Le verbe trouver est conjugué au passif, il souligne l’action de Dieu. Pour le croyant, cela signifie qu’avant de dire et d’agir, une place doit être faite à l’accueil du Christ.

Participation à la vie du Christ (Phil 3, 10)

Je note le lien très fort avec le Christ. Le croyant participe désormais à la vie du Christ. En allant vers les autres dans l’esprit de l’Évangile, le croyant rencontre forcément la souffrance (celle des autres prochains qui souffrent et mais aussi la sienne car ce qu’il dit et fait est parfois refusé).
Or le croyant peut poursuivre son témoignage, parce qu’il se sait porté par la puissante force de vie qu’est la résurrection. Cette participation à la destinée de Jésus-Christ est marquée du sceau de la liberté de Christ qui s’est abaissé et que Dieu a souverainement élevé. 

Imitez l’apôtre

Quand on met l’exhortation Imitez-moi au regard de notre réflexion, elle apparaît à première lecture comme choquante. Comment alors comprendre cette injonction à imiter Paul ?
Paul veut inviter ses lecteurs à entrer dans la bouleversante rencontre avec le Christ. L’imitation ne porte pas sur un comportement stéréotypé que l’on devrait adopter, mais elle incite à endosser une attitude : vivre dans le sillage du Christ. L’apôtre sollicite de notre part une reprise créative de l’amour chrétien, dans la réalité vécue de chacun et chacune d’entre nous.
Mais il y a plus encore. Il faut se souvenir du rôle que joue l’imitation dans la philosophie antique. Une tradition, qui remonte en tout cas jusqu’à Socrate, dit la chose suivante : ne pas se proposer en exemple signifie tout simplement ne pas mettre en pratique ce que l’on demande de faire aux autres. Imitez-moi peut donc aussi prendre le sens suivant : Faites comme je fais et dites comme je fais. Imiter dans ce sens peut être compris comme un appel à la cohérence entre parole et acte, entre foi et actions. 

Escapade libre pour emprunter des ruelles personnelles

Proposition de méditation

Prenons la peine de convoquer spirituellement une ou deux personnes que nous avons admirées. Demandons-nous ce qu’elles nous ont apporté et de quelles manières elles l’ont fait. Réfléchissons comment imiter de façon créative…

Que le Souffle de Dieu crée en vous un nouvel élan vers les autres.

 

[1] Je me limite ici à commenter quelques versets (voir des mots) qui m’ont semblé plus difficile à comprendre hors de leur contexte historique et textuel.