Apocalypse 11, 15 – 19

Mes chères Sœurs et mes chers Frères,

J’aurais pu vous proposer une homélie à propos de Zachée, cette figure qui suscite en nous tant d’amitié. J’aurais pu, mais j’ai choisi de m’arrêter au texte de l’Apocalypse, un passage à découvrir dans la richesse de ses images et de ses symboles.

Le septième ange fit sonner sa trompette.

Dans l’Apocalypse, nombre de choses vont par sept. On parle des septénaires. Le septénaire des sceaux. Le septénaire des trompettes. Le septénaire des coupes.

À chaque fois, il est question d’événements qui frappent l’humanité, avant la fin des temps, avant le jugement.

Je me limite aux trompettes. Les six premières[1] déclenchent des événements qui ressemblent aux plaies d’Égypte,[2] la mer transformée en sang comme le Nil au temps de Moïse, la grêle, des sauterelles grosses comme des chevaux, avec des dents de lion, des sauterelles cuirassées comme des chars d’assaut et venimeuses comme des scorpions.

Il ne faut pas chercher derrière ces descriptions fantastiques des événements historiques particuliers que l’on pourrait dater. Les événements déclenchés par les trompettes, je cite un spécialiste, parlent symboliquement des malheurs qui affectent le monde. Ces événements que nous connaissons, qui frappent la vie du monde, qui touchent parfois nos vies personnelles par des drames et des souffrances. Ces événements, dont nous cherchons en vain la cause et la raison, comment les considérer ?

Deux versets, antérieurs à notre texte, nous offrent une piste de réflexion : 20 Quant au restant des hommes, …, ils ne se repentirent pas des œuvres de leurs mains, ils continuèrent à adorer les démons, les idoles d’or ou d’argent, de bronze, de pierre ou de bois, qui ne peuvent ni voir, ni entendre, ni marcher. 21 Ils ne se repentirent pas de leurs meurtres ni de leurs sortilèges, de leurs débauches ni de leurs vols.[3]

Ils ne se repentirent pas, ils ne changèrent pas de vie. Ces événements sont des avertissements, comme ils l’étaient pour le Pharaon au temps de Moïse, un appel à écouter Dieu, à demeurer dans la confiance et l’obéissance. Un appel à une foi qui tient et qui demeure, un appel qui fait de nous des veilleurs et des veilleuses, comme le dit Jésus avant sa Passion, quand il évoque la fin des temps. Des hommes et des femmes qui ne lâchent pas la main de Dieu et qui demeurent ouverts  à leurs prochains. Si nous ne pouvons pas comprendre, nous pouvons accueillir le mystère de Dieu, le secret de son dessein. Un mystère ne s’explique pas, il s’accueille, il se reçoit.

7 … aux jours où l’on entendra le septième ange, quand il commencera de sonner de sa trompette, alors sera l’accomplissement du mystère de Dieu, comme il en fit l’annonce à ses serviteurs les prophètes.[4]

Eh bien, nous y sommes. Notre texte dit l’accomplissement du mystère de Dieu, l’accomplissement de son dessein.

L’Apocalypse se présente comme une liturgie céleste à laquelle nous assistons. Avec des voix, des officiants, des événements.

Une proclamation ouvre notre passage : Le royaume du monde est maintenant à notre Seigneur et à son Christ ; il régnera pour les siècles des siècles.

C’est ce que nous prions dans le Notre Père, c’est à toi qu’appartiennent le règne, la puissance et la gloire, pour les siècles des siècles.

Il est dit ici que c’est le règne unique du Seigneur et du Christ sur le monde. Et il est proclamé que c’est maintenant. La mort et la résurrection du Christ inaugurent le règne éternel de Dieu et de son Fils. Cette conviction se tient au cœur de nos célébrations et de nos vies. Pour parler comme l’Apocalypse, À celui qui siège sur le trône et à l’agneau, 2 louange, honneur, gloire et pouvoir pour les siècles des siècles.[5]

Jean et ses lecteurs vivaient sous le joug de l’Empire romain, ils en souffraient. Notre monde vit sous l’emprise de puissances multiples, politiques, économiques, électroniques, tant de gens souffrent aujourd’hui de la guerre, de la misère, de la pauvreté, du désespoir. C’est notre défi et notre espérance, de confesser contre les évidences notre confiance que le monde appartient à Dieu et à son Fils. C’est le message de l’Apocalypse, un message d’espérance.

Interviennent ensuite les vingt-quatre anciens. Qui sont-ils ? Selon l’avis de nombreux spécialistes, ce sont des figures de l’Ancien Testament, de ce qui est venu avant. Selon une tradition, les auteurs de l’Ancien Testament étaient au nombre de vingt-quatre. Ils figurent l’Ancienne Alliance. Ils sont associés à des moments décisifs de cette liturgie céleste. Tour à tour, ils chantent le Créateur, ils adorent l’Agneau, et ils participent à la scène finale du jugement.[6]

Ici, ils adorent le Seigneur : Nous te rendons grâce, Seigneur Dieu tout-puissant, qui es et qui étais, car tu as exercé ta grande puissance et tu as établi ton Règne. C’est la Première Alliance qui loue la Seconde.

Avez-vous remarqué qu’ils disent Seigneur Dieu tout-puissant, qui es et qui étais, qui es et qui étais. Manque : et qui viens, comme nous disons habituellement. C’est intentionnel, car tout ce passage célèbre la royauté présente de Dieu et du Christ sur le monde. Nous ne sommes plus dans l’attente mais dans le présent du Royaume de Dieu, dans la bonne nouvelle du Royaume.

Celles et ceux qui restent fidèles n’ont rien à craindre de la colère de Dieu. Rien ne peut nous séparer de son amour, comme dit Paul aux Romains, ni la mort ni la vie, ni le présent ni l’avenir.

Et la vision se poursuit : 19 … le temple de Dieu dans le ciel s’ouvrit, et l’arche de l’alliance apparut dans son temple.

Le temple s’ouvre sur ce qu’il a de plus secret : l’arche de l’alliance. Le premier livre des Rois nous dit qu’elle était dans le Saint des Saints, la partie la plus secrète du Temple où le Grand-Prêtre entrait une fois l’an.

Dieu dont la vision vient de célébrer la royauté avec le Christ, est le dieu de l’alliance. L’alliance se tient au cœur de la vie de Dieu, au cœur de son projet. Dieu s’engage envers les siens depuis toujours, il nous a envoyé son Fils, et nous sommes appelés à lui répondre dans la confiance et l’obéissance. Cela me fait penser aux récits de crucifixion de Jésus. Lorsque Jésus meurt, selon Marc, Matthieu et Luc, le voile qui sépare le lieu saint du lieu très saint se déchire. Et c’est comme si le Temple s’ouvrait, se fendait, le Dieu de l’Alliance se rencontre désormais en Jésus-Christ mort et ressuscité.

Amen

[1] Apocalypse 8,6-9,21

[2] Exode 7-11

[3] Apocalypse 9,20-21

[4] Apocalypse 10,7

[5] Apocalypse 5,13

[6] Apocalypse 4,10-11 ; 5,8-14 ; 19,4.