« Amour confirmé, passage créé : c’est la Pâque de Jésus ! »

Retraite de Pâques autrement

Jeudi saint

Seigneur notre Dieu,
en ce jour où nous faisons mémoire du dernier repas
que Jésus a partagé avec ses amis
et dont il fit le sacrement de l’Alliance éternelle,
augmente notre désir de participer à Sa Pâque,
et accorde à tous les humains d’entrer dans la plénitude de vie
par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur.
Amen

Introduction à la liturgie

Jeudi saint – une journée concentrant plusieurs mouvements

Nous proclamons ta mort, Seigneur Jésus ; nous célébrons ta Résurrection : nous attendons ta venue dans la gloire 

Une fête se prépare : La Pâque juive, fête de la libération de l’esclavage par Dieu qui voit la souffrance de son peuple. La tradition chrétienne a fait coïncider le dernier repas de Jésus et de ses disciples avec le séder, c’est-à-dire le repas qui est au centre de la Pâque juive.

C’est une journée d’adieu : Jésus vit son dernier jour avec ses disciples, partage avec eux son dernier repas, dernière Pâque qu’ils célèbrent ensemble.

Jésus donne son héritage :

  • L’Eucharistie où il se livre pour toujours à ses proches sous la forme du pain et du vin
  • Le lavement des pieds où il pose les fondements de toute communauté chrétienne : l’amour fraternel et le service mutuel, à la suite de Jésus qui est lui-même amour et service
  • Les discours d’adieu (Jn 14-18a) où il console et fortifie ses disciples – promesse de sa présence, sous une autre forme, jusqu’à la fin des temps

Jésus se révèle le serviteur souffrant :
L’ambiance de fête se change en angoisse. Lui, qui était le maître, devient impuissant, livré à l’ignorance et à la méchanceté des détenteurs du pouvoir. En fin de journée, à l’heure de son arrestation, Jésus lutte à Gethsémani. Par amour il se livre tout entier entre les mains d’une humanité qui ne comprend pas, qui ne voit pas.

La liturgie suit ces mouvements :

  • La prière du matin rappelle à la fois la fête de la Pâque en Deutéronome et la préparation du repas pascal que Jésus va vivre avec ses disciples. Déjà la passion s’annonce dans les psaumes et la lecture des lamentations de Jérémie : « Jérusalem, Jérusalem, reviens au Seigneur ton Dieu ».
  • A midi nous faisons mémoire du lavement des pieds.
  • Le soir, avant la célébration à la chapelle, nous prenons en communauté un repas qui rappelle le séder et nous lisons la péricope de la sortie d’Egypte en Ex 12,1-15
  • La célébration de 19h00 commence avec le psaume 136 (qui clôt traditionnellement le seder) – pont entre deux réalités qui s’entremêlent : la Pâque juive et l’institution de l’Eucharistie sur laquelle nous mettons maintenant l’accent.
    Mais comment faire mémoire de l’institution de l’Eucharistie dans un temps où nous en sommes privés ? Avec un moment de prière silencieuse après le chant « Je vous laisse ma paix » accompagnant le geste de paix : adoration silencieuse devant la réalité du cadeau que Jésus nous a fait, dans Sa présence toujours offerte. Mémorial eucharistique que nous achevons par une prière d’action de grâce.    
  • Vient alors un moment charnière où le ton de la célébration change : tandis que nous chantons le Psaume 22 (cité par Jésus au moment de sa mort), nous « dépouillons » la chapelle. Les signes de fête sont enlevés : la nappe blanche sur l’autel, les fleurs. Dans une semi-obscurité où seul un lumignon est laissé, nous suivons Jésus et ses disciples à Gethsémani.
  • La lecture des discours d’adieu (environ 30 minutes après la célébration) et le chant « Meine Seele ist zu Tode betrübt » (« Mon âme est triste à en mourir ») ouvrent ensuite sur une nuit de prière.

L’horaire et tous les textes de la liturgie sont accessibles sur la page « Prier en direct avec nous». Et de votre côté, chez vous, y-aurait-t-il moyen de signifier ces différents accents de la journée, dans une créativité sollicitant tous vos sens, afin d’entrer de tout votre être dans ce chemin ? Une image, un bouquet de fleurs, un repas, de la musique – autant de moyens pouvant aider à se rendre présent aux événements.

Jeudi saint

7:15 Prière du matin
10:00 Tierce
12:00 Sexte
15:00 None
19h célébration de jeudi soir
20:30 lecture du discours des Adieux
Nuit de prière avec Jésus à Gethsémané

Message par le pasteur Jean-Philippe Calame

Ma vie, c'est moi qui la donne

Dans l’accomplissement d’un même amour
qui l’unit avec le Père, Jésus atteste jusqu’au bout sa liberté

« Ma vie, personne ne me la prend, c’est moi qui la donne. »
« Le Père et moi, nous sommes UN ».

En ce jeudi saint, deux clés nous ouvrent un chemin d’approche des événements de la Pâque de Jésus.
Nous avons déjà fait usage de la première clé pour ouvrir cette retraite, en rappelant que c’est par Amour que Jésus affronte – au lieu de les esquiver – les événements violents de sa Passion et de sa crucifixion. « Jésus, qui avait aimé les siens qui sont dans le monde, voulut les aimer jusqu’au bout, à l’extrême.» Jean 13,1.
Par cette parole, Jean exprime la tonalité de fond qu’il a lui-même reconnue aux événements de la Passion. Il a appris à les voir à partir de ce qui habite le cœur de Jésus : son amour.

En lien direct avec cette note de fond, nous avons affirmé que pour Dieu, la souffrance n’a aucune valeur en soi. Si Jésus est devenu, particulièrement en sa Passion, un « familier de la souffrance » Esaïe 53, 3. , c’est en tant que serviteur de la volonté qu’il partage avec le Père, le dessein de (re-)conduire tout homme à la vie.

Certains Pères de l’Église, notamment Origène, ont reconnu dans le personnage du Bon Samaritain de la parabole de Luc, la figure de Jésus venu guérir l’humanité blessée. L’un des usages de cette parabole peut donc être de nous préparer à comprendre quel amour et quel enjeu de salut motivent Jésus à affronter la Passion.

Avec ce regard, nous discernons qu’en réalité Jésus prend en charge – plus qu’il ne les subit – les situations qui caractérisent sa dernière semaine à Jérusalem. Par sa manière d’assumer librement et avec amour les conséquences des perversions du coeur humain, Jésus réalise en fait une visitation de toutes les formes du mal, pour en venir à bout. La force et la réalité de son amour vont se révéler plus grandes que les abîmes du mal. Lui, l’homme enchaîné, délivre ainsi l’humanité de toutes les formes d’esclavages qui la rendent captive des forces mortifères.
Aux jours de sa Passion, Jésus n’évite aucune forme de mal, afin d’ accomplir une œuvre précise : enfouir, dans les tourmentes du monde et les profondeurs du mal, le levain de son amour. Il retourne les situations mortifères en occasions d’alliance par l’appel que sur la croix il adresse au Père : « Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font.» Jean 23,34.

La deuxième clé apte à nous ouvrir une compréhension de la Passion de Jésus est l’unité du Père, du Fils et du Saint Esprit. Lorsque nous méditons la Passion de Jésus, il est capital que nous nous rappelions cette unité. Il est capital que nous écoutions Jésus nous dire et nous révéler : « Moi et le Père, nous sommes UN ».
Un saint témoin de l’Église orthodoxe serbe exprime ainsi cette unité : « Le Père aime tant le Fils qu’il est tout entier dans le Fils, et le Fils aime tant le Père qu’il est tout entier dans le Père ; et l’Esprit Saint est avec amour tout entier dans le Père et dans le Fils. Le Fils de Dieu en témoigne en ces mots : « Je suis dans le Père et le Père est en moi » 1.

On pourrait dire aussi, comme le suggère l’icône de la Trinité, que le Père et l’Esprit soutiennent les bras de la croix où Jésus se donne.

Il me semble qu’il est fécond de reconnaître que l’unité de Jésus avec le Père est dynamique. En Dieu lui-même l’unité est pour ainsi dire toujours le fruit d’un libre choix. L’unité du Fils éternel avec le Père constitue la source de sa liberté de Fils, en même temps que cette unité suppose de sa part un choix constant. Telle est la vérité de sa filiation au Père, dans son éternité comme dans son incarnation. Telle est la vérité de son identité qu’il vient traduire et accomplir dans la condition humaine. Il dévoile ainsi quelle relation d’alliance et de filiation Dieu veut rétablir avec tout être humain. Jésus en inaugure la possibilité par la manière dont lui-même a librement déployé et accompli sa relation filiale d’unité avec le Père tout au long de sa vie terrestre. Dans les conditions mélangées qui sont celles de la création, blessée par l’adhésion des humains à des choix contraires, l’unité avec le Père a été à chaque instant le fruit d’un libre choix de Jésus, de la crèche jusqu’à la croix.

Ainsi, loeuvre d’amour que Jésus accomplit n’est pas seulement un choix qu’il fait librement face au Père, mais une voie dans laquelle il s’engage en communion avec le Père. Selon l’évangile, Jésus n’agit jamais isolément. « Amen, amen, je vous le dis : le Fils ne peut rien faire de lui-même, il fait seulement ce qu’il voit faire par le Père ; ce que fait celui-ci, le Fils le fait pareillement. Car le Père aime le Fils et lui montre tout ce qu’il fait. Il lui montrera des œuvres plus grandes encore, si bien que vous serez dans l’étonnement. Comme le Père, en effet, relève les morts et les fait vivre, ainsi le Fils, lui aussi, fait vivre qui il veut .» Jean 5, 19-21.

« Si je ne fais pas les œuvres de mon Père, continuez à ne pas me croire. Mais si je les fais, même si vous ne me croyez pas, croyez les œuvres. Ainsi vous reconnaîtrez, et de plus en plus, que le Père est en moi, et moi dans le Père.» Jean 10, 37-38.

Même lorsque est venue l’heure où Jésus, livré à la solitude, doit confirmer son choix de manière ultime, il confesse la communion qui l’unit au Père, et la parfaite concordance de leur volonté concernant le dessein de guérir et sauver l’humanité : « Maintenant mon âme est bouleversée. Que vais-je dire ? “Père, sauve-moi de cette heure” ? – Mais non ! C’est pour cela que je suis parvenu à cette heure-ci ! Père, glorifie ton nom ! ». Alors, du ciel vint une voix qui disait : « Je l’ai glorifié et je le glorifierai encore ». Jean 12, 27-28.

Au soir du jeudi saint, à l’heure du dernier repas, Jésus nous est présenté comme « …sachant que le Père a remis toutes choses entre ses mains, qu’il est sorti de Dieu et qu’il va vers Dieu». Jean 13, 1. Jésus est donc dans une entière possession de tous ses moyens. Il est même au maximum de lucidité et de « maîtrise » qu’un être humain puisse atteindre : il sait d’où il vient et où il va. Il sait aussi la totale confiance du Père à son égard. Il a une parfaite connaissance de l’Amour du Père : « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés». 1 Timothée 2, 4. «Voici ce que veut celui qui m’a envoyé: que je ne perde aucun de ceux qu’il m’a donnés, mais que je les ressuscite au dernier jour ». Jean 6, 39.

Jésus a littéralement tout en main. Le Père lui a tout remis. Tout est laissé à sa liberté. Tout est suspendu à son choix. Dans cette liberté entière, que fait Jésus? Que choisit-il?

« Il se lève » (il adopte la posture du prophète qui va parler au milieu d’une foule; l’enseignant, lui, est assis);
« Il dépose son manteau » (comme il a déposé sa gloire divine; comme il « déposera » sa vie); « et il commence à laver les pieds de ses disciples et à les essuyer avec le linge noué à sa taille». Jean 13, 4-5.

Avec la même liberté entière, Jésus fera le choix de donner sa vie :
« Ma vie, personne ne me l’enlève mais je m’en dessaisis de moi-même.» Jean 10, 17-18.
C’est ainsi qu’il peut dire à Pilate : «Tu n’aurais aucun pouvoir sur moi si tu ne l’avais pas reçu d’en haut.» Jean 19, 11. Et encore: « Ma royauté n’est pas de ce monde. Si ma royauté était de ce monde, mes gens auraient combattu pour que je ne sois pas livré aux autorités. Mais non, ma royauté n’est pas d’ici-bas.» Jean 18, 36. Et à Pierre qui brandit l’épée pour le défendre et empêcher son arrestation: « Crois-tu que je ne pourrais pas faire appel à mon Père et il m’enverrait sur-le-champ douze légions d’anges ? ». Matthieu 26, 53.
« Jésus, dans sa parole comme dans son silence montre jusqu’au bout une liberté souveraine 2».

Cette même liberté de Jésus, Marc la met en scène à sa manière. Dans l’ensemble de son Évangile, Dieu n’intervient presque pas, en tout cas presque jamais directement : une voix – c’est la manière la plus directe, la plus explicite ; des anges, un jeune homme ; des messagers.
Jésus est montré dans son humanité, dans la condition où Dieu l’a envoyé en mission. Dès le baptême, où est déclarée son identité, Jésus est jeté dehors, dans la situation d’un humain placé face au choix de faire ou non confiance au lien proclamé avec Dieu. Un Dieu à l’origine de la vie, un Dieu qui pour l’être humain, selon Marc, est un partenaire discret ne diminuant aucunement la liberté de sa créature. Or, cette liberté que la créature est appelée à vivre en alliance avec Dieu, Jésus la maintient face à toute forme d’esprit ou d’influence dont le rôle serait de lui offrir une autre voie, une facilité séduisante qui à terme serait révélerait comme une forme d’esclavage ou d’addiction. Jésus maintient sa vraie liberté humaine en résistant à toute influence dont le rôle serait de lui faciliter de manière trompeuse la prise en charge de sa condition et de sa vocation de créature.

Dans la présentation que Marc donne du Fils de Dieu, Jésus appelle quiconque à partager son positionnement et sa liberté. Il le fait de la manière suivante :
« Si quelqu’un veut me suivre (sur le chemin de liberté qui est la mienne), qu’il se renie lui-même (qu’il ne cherche pas à trouver sa vérité en sauvant sa peau), qu’il prenne sa croix (qu’il me suive sur le chemin de liberté qui est la mienne). Porter sa croix signifie ici : adopter la liberté d’être humain à la manière de Jésus. Porter sa croix signifie choisir la liberté telle que Jésus l’a incarnée, et en porter les conséquences dans un monde qui reste mélangé.

Jésus explique : «  Car quiconque veut sauver sa vie la perdra… ». Oui, ce qui perd l’être humain, c’est de vouloir se sauver soi-même, d’être la seule référence de sa propre vie, d’être le seul garant de sa personne.
Au contraire, Jésus a accompli entièrement et parfaitement ce que signifie « tenir la place d’un être humain qui demeure créature de Dieu », car jamais il n’est sorti de la situation d’alliance avec Dieu proclamée par la voix qui au baptême l’a désigné bien-aimé, Fils de Dieu.
Jésus n’a jamais voulu se sauver lui-même, il a gardé intacte sa liberté de suivre et créer son existence humaine comme partenaire de Dieu, ne retranchant rien ni de sa responsabilité propre de créature, ni de sa relation de confiance envers Dieu.
« Vouloir » se sauver c’est déjà, dans l’intention même, une déviance, une défiguration de la filiation confiante par rapport au Créateur et Père. Vouloir se sauver soi-même, c’est glisser vers le projet de maîtriser son existence d’une façon qui engendre nécessairement le repli sur soi. Vouloir se sauver soi-même coupe de fait et profondément la relation tant avec les autres humains qu’avec Dieu lui-même. Les ambitions et les prétentions aussi ruineuses qu’égoïstes ou orgueilleuses naissent de là.

Dans le projet de Dieu, la mort elle-même devait être pour l’être humain un événement appartenant à la confiance. Dans le dessein de Dieu, la mort ne devait être que l’occasion de s’en remettre fondamentalement à son Créateur, une manière ultime de rassembler et de donner à Dieu une confiance expérimentée tout au long de l’existence. À l’inverse, les composantes de violence, de regret, de culpabilité, de souffrances diverses liées à la mort sont le fruit amer des choix d’indépendance et d’opposition répétés par l’être humain à l’égard de Dieu, à l’égard d’autrui et à l’égard des lois de la vie.
Au sein même de ce qui a ainsi rendu la mort effrayante, Jésus est le seul à avoir vécu sa propre mort comme un don ultime de lui-même, en parfaite solidarité avec tout être humain. Lui qui n’avait jamais quitté le lien d’attention créatrice envers le Père a choisi d’assumer dans sa mort jusqu’à l’absence totale de Dieu, situation qui serait le lot d’un réprouvé. Jésus a précisément assumé cela, pour que nous n’ayons pas le connaître.

Par sa parole, par son Évangile, Jésus annonce qu’il transmet cette liberté permettant à l’être humain de se recevoir des mains de Dieu et de pouvoir librement se donner. En faisant de sa vie et de sa personne l’expression sans faille d’une confiance totale au Créateur, Jésus a inscrit dans le tissu de l’histoire l’accomplissement d’une existence conforme à l’identité de créature humaine se sachant aimée de Dieu.

Jésus sur la croix est insulté. On se moque de lui et on le provoque en l’incitant à descendre de la croix, à se sauver lui-même…. S’il le faisait, Jésus sortirait en réalité de la condition propre à une créature humaine. Alors son parcours n’aurait plus d’influence sur notre réalité. La force du renoncement manifestée ici par Jésus illustre sa volonté inflexible de se solidariser avec la condition humaine là-même où elle est marquée par les conséquence du mal. La force du renoncement de Jésus manifeste la vigueur de sa liberté et annonce la puissance qui sera attestée par sa résurrection.

Voyant comment il avait expiré, le soldat qui était là déclara : « Vraiment, cet homme était Fils de Dieu ! ». Voici la bonne nouvelle ! En une phrase voici tout l’évangile !
« Vraiment cet homme était Fils de Dieu » (non pas « Cet homme était le fils de Dieu, mais fils de Dieu »). Le Fils éternel de Dieu a réalisé pour tout le genre humain l’accomplissement d’une existence en vérité humaine ! Il a répondu sans faille à la vocation adressée à quiconque de vivre en humain fils ou humain fille de Dieu. Face à toutes les formes de distance ou de rejet de Dieu présentes au monde, Jésus a confirmé jusqu’au bout sa liberté de demeurer fils de Dieu. Il en a assumé le prix, il a fait au genre humain le don de tenir bon, inaugurant la possibilité pour quiconque de le suivre sur ce chemin de confiance, certes à l’ombre de la croix, mais dans la vérité d’alliance avec le Père.
La vérité de l’existence humaine c’est que l’être humain est appelé à vivre une filiation créatrice et de confiance avec Dieu. Pour l’être humain, c’est déjà prendre part à la vie de Dieu que d’habiter la terre en alliance avec lui.

« Il était au milieu des bêtes sauvages et les anges le servaient ». Ainsi est présenté Jésus au seuil de l’évangile. Deux images symboliques contrastées suffisent à résumer non seulement la situation et l’identité du Fils de Dieu en son incarnation, mais aussi celle de tout humain qui grandit avec, en son être comme en son entourage, un monde habité de forces « sauvages », tout en étant créature de Dieu dont les anges symbolisent ici l’attention constante et l’offre d’alliance aussi réelle que discrète, une alliance soumise à la liberté de choix de l’être humain.

À la dernière page de l’Evangile, on lira : « Les femmes ne dirent rien à personne » au sujet de Jésus ressuscité. On peut déjà, à l’heure où Jésus va, par sa mort, jusqu’à l’extrême de la confiance, entendre un appel précis  adressé à chaque lecteur de l’évangile: «Les femmes ne dirent rien à personne »….  toi, fais confiance, et parle ! » C’est un appel qui s’adresse à chaque baptisé-e et à chaque communauté visible de baptisés : Toi, fais confiance, parle ! C’est-à-dire continue l’histoire du don de la confiance ; continue dans l’histoire, sur les pas de Jésus, le choix possible d’entrer dans sa liberté ! Et donc en toutes circonstances, que celles-ci soient heureuses ou particulièrement difficiles, ose adhérer à la liberté d’être toi-même, à savoir d’être fils, fille de Dieu comme Jésus l’a réalisé entièrement. Avec lui, grâce à lui, sois en ton humanité un fils, une fille de Dieu ! Sois un être d’alliance, un-e témoin de la confiance !

* * *

Indications visant à favoriser la prière, la méditation.

« Ô Jésus, par tes blessures, tu me rends toujours plus fort… ».
Quelle force cherchons-nous à accueillir en ce jour ?
Qu’est-ce qui exige de la force ?
– Voir le monde dans sa réalité.
Oui, être solidaire des souffrances est en notre temps particulièrement éprouvant.
Ils sont nombreux, les innocents condamnés qui tombent sous les coups
et à qui l’on arrache la vie en un instant.
Attentats, guerres, famines, exil, chômage, dépression…
La violence et la souffrance accablent l’humanité.

À force de voir les images et d’entendre les commentaires
nos cœurs saturés se protègent et risquent de se fermer.
C’en est trop… la répétition et l’accumulation finissent par nous insensibiliser.

Un grand croyant âgé disait : « Pour voir le monde vraiment tel qu’il est, il faudrait tenir la main de Dieu et n’ouvrir les yeux que quelques instants… ».

« Ô Jésus, par tes blessures, tu me rends toujours plus fort… ».
La Passion de Jésus est pour nous la force
capable de soutenir et élargir notre cœur…
parce que Jésus dans sa Passion nous montre
à quel point il insère en toute situation
la présence et l’amour de Dieu.
Rien n’est parvenu à diminuer l’amour de Jésus pour les êtres humains.

Risquons-nous donc sur cette route de prière
qu’est la méditation de la Passion du Christ.
Elle libérera notre miséricorde engourdie,
elle réveillera notre compassion,
elle enracinera notre confiance
et affermira notre espérance.

« Père très saint, Créateur de toute vie,
ton Fils Jésus s’est librement donné,
jusqu’à son sang répandu,
pour délivrer chaque être humain des forces de la mort.
Sois proche en notre temps de toute personne
qui connaît des souffrances inexprimables
et de nos semblables dont la vie est menacée ou anéantie.
Dans ta bonté, maintiens ta providence
et permets que le cours des événements du monde
soient infléchis vers ta volonté de guérison, de justice et de paix.
Que ton Église se consacre à ton service avec une confiance renouvelée,
et qu’elle s’engage avec constance pour la libération et le salut de tout être humain,
en union avec Jésus, le Christ, notre Seigneur.
– Amen. »

1Nicolas Velimirovitch, cité par D. BOURGUET dans L’Évangile médité par les Pères. Jean, Ed. Olivetan, Lyon, 2010, p.182.

2Olivier CLÉMENT, Joie de la Résurrection. Variations autour de Pâques, Salvator, Paris, 2015, p.23.