Évangile selon saint Matthieu, chapitre 28
Et voici qu’il y eut un grand tremblement de terre ;
l’ange du Seigneur descendit du ciel, vint rouler la pierre et s’assit dessus.
Aujourd’hui, l’ange qui descend du ciel vient clairement mettre fin à un confinement ! Un grand tremblement de terre, la pierre roulée ouvre le tombeau, l’ange s’assied sur la pierre comme sur un trophée.
Dans ce premier acte, Matthieu nous présente le message de Pâques en geste, en image, en mouvement. L’événement nous prend des pieds à la tête, montant des tréfonds de la terre et plongeant des hauteurs du ciel comme l’éclair. Tout cela dépasse la saisie ordinaire de la réalité.
Ce qui advient là ne saurait être cantonné dans les limites de l’intellect, aussi vrai que l’on n’intellectualise pas au moment d’un grand tremblement de terre !
Ce que l’on saisit, c’est que l’événement comporte un retentissement cosmique.
Ce que l’on comprend, c’est que l’événement touche aux fondements, ce qui conduira les humains à reconsidérer leurs fondamentaux ! De même qu’un fort tremblement de terre crée une rupture entre ce qu’il y avait avant et ce qui viendra après, la résurrection de Jésus signifie le commencement du monde nouveau.
Vient alors une prise de parole : Deuxième acte.
C’est là l’élément important, que la mise en scène préalable -telle un gigantesque coup de trompette- avait pour mission d’introduire. D’emblée ce message est revêtu d’autorité. « L’ange (…) dit aux femmes : « Vous, soyez sans crainte ! Je sais que vous cherchez Jésus le Crucifié. Il n’est pas ici, car il est ressuscité, comme il l’avait dit. Venez voir l’endroit où il reposait. Puis, vite, allez dire à ses disciples : “Il est ressuscité d’entre les morts, et voici qu’il vous précède en Galilée ; là, vous le verrez.” Voilà ce que j’avais à vous dire. »
À l’invitation de l’ange, les femmes constatent que la sépulture n’est plus qu’un tombeau vide. Grâce aux paroles de l’ange, elles recueillent la nouvelle inespérée : « Jésus le Crucifié n’est pas ici, car il est ressuscité ! ».
Alors que les femmes se hâtent d’aller informer les disciples, voici que Jésus vient à leur rencontre. Ici, le récit ne semble pas très cohérent. Les femmes savaient ce qui était attendu d’elles. Elles étaient en train de l’accomplir…
Qu’ajoute donc ce troisième acte, cette rencontre-surprise de Jésus lui-même ? Ce troisième acte est pour nous l’occasion d’apprendre que Jésus ressuscité est reconnu dans sa personne. Celui que les femmes reconnaissent est bien le même que Celui qui fut crucifié. Mais elles le reconnaissent désormais dans son identité entière : elles le saluent en tant que Seigneur.
Et puis, sur le parcours des femmes courant vers les disciples, la présence de Jésus ressuscité peut aussi avoir valeur de symbole. Pour nous annoncer que désormais c’est en passant par lui , Jésus Vivant, que l’on va à la réalité ! C’est en le sachant participant que l’on aborde dans son entier chaque moment présent.
Jésus est ressuscité ! Et donc, à partir de ce moment, c’est en son Nom que ses amis iront au contact de la vie, en particulier au contact de ceux que lui-même appelles désormais « ses frères »…. Que signifie aller dans le monde, aller dans le quotidien en son Nom?
Un quatrième acte nous l’annonce. Observons la manière très étrange avec laquelle Jésus ressuscité a ouvert le temps qui nous concerne encore aujourd’hui, le temps que nous vivons maintenant et jusqu’à son retour.
Au moment même où Jésus ressuscité mettait fin à la période de ses apparitions, il a affirmé à ses disciples : « Quant à moi, je suis avec vous tous les jours » ! Il part, et il affirme sa présence. Serait-ce comme l’infirmière qui quitte la chambre en disant : « Je reviens ! » ?
C’est plutôt que Jésus demande à ses disciples d’enseigner, et que de cet enseignement il sera lui-même le contenu et le constant soutien. Cet enseignement n’est autre que celui d’une vie en alliance avec Dieu.
Une possibilité s’ouvre à chacun : le choix de poursuivre dès maintenant l’existence humaine en adhérant à la manière dont Jésus a accompli la volonté de Dieu, en particulier envers les plus humbles et les plus oubliés.
L’enseignement confié aux disciples a pour effet de donner place, dans la trame compliquée des relations humaines, à un espace qui appartient à Dieu, celui d’une communion avec Lui et entre tous.
L’enseignement confié aux disciples a pour effet d’accueillir, au sein même de l’histoire qui se poursuit, un temps qui appartient à Dieu, celui où est mise en pratique sa miséricorde.
« Faites des disciples toutes les nations : … enseignez-leur à observer tout ce que je vous ai commandé ».
Observer les commandements de Jésus signifie désirer connaître la totalité de sa Personne et de sa façon d’habiter l’existence. Connaître Jésus donne faim et soif de le rejoindre parce qu’il est Celui qui rend humaine l’existence.
« Quant à moi, je suis avec vous tous les jours » ! Oui, par l’enseignement confié aux disciples, Jésus maintient ouverte la brèche qu’il a pratiquée.
Mais, frères et sœurs, … peut-on vraiment dire que, par la résurrection de Jésus, quelque chose est entré dans le monde, qui est capable à terme de le modifier de fond en comble ?
Permettez-moi une analogie. Pour nous qui en sommes témoins, la résurrection de Jésus nous place devant un choix comparable à celui qui se posera quand prendra fin la période de confinement que nous connaissons. Le choix sera : voulons-nous garder tel ou tel enseignement de ces événements ? Voulons-nous au contraire fermer au plus vite la parenthèse et poursuivre la vie de la même manière qu’avant ?
Dans la situation douloureuse générée par la pandémie, sur le versant positif nous sommes reconnaissants des diverses formes créatives que revêt rapidement l’entraide, la solidarité, le soutien. Un rapport différent s’établit entre jeunes et aînés. Des élèves découvrent dans la personne de leurs enseignants des adultes à leurs côtés, capables de se remettre eux-mêmes à l’école pour trouver de nouveaux moyens, afin de les aider.
Il est heureux aussi d’entendre, dans la bouche de telle femme ou de tel homme politiques, une exhortation à construire ensemble, qui s’appuie sur la responsabilité de chacune, de chacun, une affirmation claire qu’il s’agit de donner la priorité à la vie elle-même, de porter une attention première à ceux qui sont fragiles, parce que le but est d’aller vers l’avenir ensemble. Il a même été répété que nous devons apprendre à vivre jour après jour, pour discerner le moment et la manière d’agir.
Ce versant positif, ces priorités déclarées et mises en actes quel sera leur avenir ?
Pâques annonce et offre la fin d’un confinement fondamental : celui d’un monde individuel ou collectif clos sur lui-même, qui agit tantôt comme s’il était orphelin, tantôt avec autosuffisance et prétention, s’autogérant suivant des règles du jeu qui répandent comme une pandémie injustices, déséquilibres et désolation.
L’apôtre Paul a mis beaucoup d’énergie à exhorter les chrétiens à ne pas reprendre la vie d’avant, à ne pas poursuivre leur existence comme si la vie terrestre de Jésus n’avait été qu’une parenthèse.
La Pâque de Jésus change notre statut. Notre vie dit ou dira si nous assimilons l’espérance qui a été déployée pour tous, ou si nous nous comportons en ennemis de la croix ; si nous accueillons la grâce et vivons avec le Ressuscité ou si notre confiance repose sur des appuis illusoires.
Le pire pour l’humanité serait qu’elle se croie ou qu’elle se maintienne « confinée, à l’écart de Dieu ».
Ayez donc de l’empressement. Vite, allez dire : « Le Christ est ressuscité d’entre les morts ». Dans les détresses comme dans les plus hautes joies, soyez contagieux de la vie qui n’a pas de fin !
Heureuse et sainte Fête de Pâques !