Homélie par le pasteur Jean-Philippe Calame pour Lundi de Pâques, 13 avril 2020
Toutes portes étant closes.
JEAN 20, 19-23
Le soir venu, en ce premier jour de la semaine,
alors que les portes du lieu où se trouvaient les disciples
étaient verrouillées par crainte des Juifs,
Jésus vint, et il était là au milieu d’eux.
Il leur dit : « La paix soit avec vous ! »
Après cette parole, il leur montra ses mains et son côté.
Les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur.
Jésus leur dit de nouveau : « La paix soit avec vous !
De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie. »
Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et il leur dit : « Recevez l’Esprit Saint
À qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis ;
à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus. »
I
Aujourd’hui, à la fin de cette retraite, nous voulons, frères et sœurs, accueillir la présence de Jésus Ressuscité comme une caractéristique essentielle de notre existence terrestre : « Toutes portes étant closes, Jésus vint, et il était là au milieu d’eux. »
Jésus est ressuscité ! Il est vraiment ressuscité ! Cela veut dire que rien ne peut empêcher Jésus Vivant de nous être présent. Rien ne peut l’empêcher d’ ouvrir toute circonstance à la vie qu’il partage avec le Père dans la communion de l’Esprit.
Toute situation d’enfermement peut devenir un lieu où Lui, vient nous visiter. Je pense en particulier à chaque personne aux prises avec les angoisses, avec une dépression, avec toute autre situation intérieure ou extérieure qui nous entoure de portes fermées.
Aucun obstacle ne peut être si grand ou si profond que Jésus Ressuscité soit empêché de nous rejoindre. Aucune circonstance ne peut le dissuader d’être présent à ce que nous vivons ou éprouvons. La mort elle-même ne l’a pas fait changer de cap. Il faut dire à l’inverse que parce qu’il a été nié à mort, Jésus sait encore plus radicalement que quiconque, ce que signifient les prisons intérieures ou extérieures dans lesquelles nous pouvons nous trouver. Parce qu’il est descendu aux enfers, aucune situation n’est privée de sa présence.
Ce matin inaugure la continuation de Pâques dans notre vie quotidienne, et l’évangile affirme que dans le monde où nous allons chaque jour, Jésus est tout-présent à chacune de ses créatures humaines.
« Toutes portes étant closes, Jésus vint, et il était là au milieu d’eux »… et il est en ce moment avec chacun-e en particulier, dans tous les milieux fermés, confinés pour quelque raison que ce soit.
L’apôtre Paul le proclame avec la vigueur de sa foi : « J’en ai la certitude : ni la mort ni la vie (et ses circonstances) , ni les anges ni les Principautés célestes, ni le présent ni l’avenir, ni les Puissances, ni les hauteurs, ni les abîmes, ni aucune autre créature, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui est dans le Christ Jésus notre Seigneur. »
II
C’est donc pour tous, c’est donc pour vous en particulier, Frères et Soeurs, que Jésus Ressuscité ouvre la bouche, Lui le Verbe Créateur. C’est pour tous, et c’est à vous qu’il a dit : « La paix soit avec vous ! ».
La paix que Jésus communique ici n’est pas d’abord un sentiment intérieur, une situation stable ou un environnement confortable. Tout cela est bien sûr grandement désirable et peut nous advenir parfois comme conséquence de ce que Jésus donne.
Mais la paix dont Jésus parle est une réalité plus vaste et plus solide. Vous avez entendu : Jésus relie la paix qu’il donne à l’événement qui a concentré sur lui toute la violence, sa mort sur la croix, dont il montre les traces sur ses mains et son côté.
Imaginez un guerrier d’autrefois. Il revient après la victoire, et il montre à ses amis son bouclier, transpercé en différents endroits. Chacun comprend qu’il a combattu valeureusement et chacun sait qu’il pourra faire confiance à cet homme qui n’a pas craint de s’exposer.
Cette analogie, que l’on doit à saint Bernard de Clairvaux, dit combien est fiable Jésus ressuscité et combien lui appartient la paix, comme prix de sa lutte, comme chef d’oeuvre de sa mission. Il apporte la paix, celle que rien ni personne ne pourra jamais lui contester ou lui ravir. Il est la paix en Personne, la paix qui réjouit le Père, la paix véritable que Dieu a confirmée par la résurrection, la paix dont l’Esprit saint est le porteur, lui qui est force, consolation, énergie – l’Esprit de si grande humilité qu’il communique cette paix du Christ dans un souffle venant s’unir à notre respiration.
Souvenons-nous bien, surtout face aux angoisses, que la paix dont Jésus parle est plus certaine que tout ce que nous pouvons ressentir, et qu’elle est plus vaste que nous ne pouvons l’imaginer. La paix que Jésus établit dépasse l’expérience de que nous appelons « paix », et elle tient en réserve des dimensions au-delà de ce que notre intelligence peut imaginer ou concevoir.
Elle est une force pour oser et pour opérer une sortie. Jésus donne la paix pour envoyer ses disciples. Il précise qu’il envoie ses disciples de la même manière que le Père l’a envoyé. Cela suggère que le Fils est lui-même « sorti » avec cette paix comme force. Le Fils est venu dans le monde avec la paix, avec la bénédiction du Père pour pratiquer à cette paix un espace en ce monde.
Cette même et unique mission, le Fils la poursuit par ses disciples, ses frères d’aujourd’hui : « La paix soit avec vous ! De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie. »
Jésus nous communique la paix… pas seulement comme un baume, un apaisement, une présence consolatrice dans le présent où nous sommes. C’est cela aussi, mais c’est plus que cela. Cette paix représente une force, elle est un appel à aller de l’avant, c’est une embauche pour aller où Jésus nous conduira.
Car Jésus ne nous sauve pas seulement en venant à nous. Il nous propose d’aller avec lui. Avec notre libre consentement il va nous conduire de passage en passage, au-delà des frontières que nous avons mises nous-même.
« Suivre Jésus, nous rappelait Fr. François de Taizé, n’est pas en notre pouvoir, mais c’est à recevoir » . Il écrivait :
« C’est comme si Jésus nous disait : « Pour me suivre, ne comptez pas sur vous-mêmes (c’est mon œuvre). Entrer dans une vie à ma suite est aussi impossible que se faire naître à nouveau. Laisser les points d’appui que nous nous sommes faits, renoncer au besoin de tout prévoir et se refuser à un chemin de facilité, qui peut dire qu’il est fait pour cela ? Toutefois auprès de moi ( Jésus), cet impossible devient possible. Là où je suis, souffle l’Esprit et son souffle fait vivre selon les critères du Royaume, car il apporte une nouvelle façon d’être. Qui me suit passe par un enfantement. C’est aussi douloureux qu’une naissance humaine, mais le bonheur qui en découle n’est pas moins grand. Car on participe déjà à une nouvelle création. »1
* * * *
Frères et Soeurs, la Règle de la Communauté des sœurs diaconesses de Reuilly donne le ton pour aller dans l’aujourd’hui du monde dans l’esprit de la nouvelle création. Ce sera notre envoi.
Servez le Seigneur, servez le temps présent. Soyez attentifs à ce temps.
Soyez une bénédiction pour les hommes et les femmes de ce temps.
Bénissez le Seigneur !
Bénissez les hommes et les femmes de ce temps.
Bénissez et ne maudissez pas.
Réjouissez-vous avec ceux qui se réjouissent
et pleurez avec ceux qui pleurent.
Servez le Seigneur !
Faites le bien devant les hommes de ce temps
avec les hommes de ce temps.
Ne vous laissez pas vaincre sous le mal de ce temps
Mais surmontez le mal par le bien.
D’un esprit fervent,
servez le Seigneur. 2