Homélie par le pasteur Pierre-Yves Brandt pour Dimanche 26 avril 2020

Homélie par le pasteur Pierre-Yves Brandt pour Dimanche 26 avril 2020

« C’était la troisième fois que Jésus se manifesta à ses disciples depuis qu’il s’était relevéC'est le Seigneur d’entre les morts. » (Jn 21,14)

Chères sœurs, chers frères,

Le passage d’évangile que nous venons d’entendre raconte comment Jésus ressuscité apparut à ses disciples au bord de la mer de Tibériade. Ce récit rapporte que les disciples ne le reconnaissent pas tout de suite. D’après ce qu’en disent les Evangiles, les disciples qui se trouvent au bord de la mer de Tibériade ne sont pas les seuls à ne pas reconnaître Jésus lorsqu’il se manifeste après sa résurrection. Marie-Madeleine, la première personne à avoir vu Jésus ressuscité, avait elle-même commencé par le prendre pour le jardinier (Jn 20,14-18). Et les disciples d’Emmaüs avaient cheminé un long moment avec Jésus ressuscité avant de le reconnaître au moment où il avait rompu le pain (Lc 24).

Dans un cas comme dans l’autre, cela pouvait s’expliquer par le fait que c’était une première expérience : Marie-Madeleine ou les disciples d’Emmaüs ne s’attendaient pas à voir Jésus ressuscité parce que la résurrection ne faisait pas partie de ce qu’ils pensaient pouvoir expérimenter. C’était une première expérience, toute nouvelle pour eux.

Au contraire, les sept disciples qui sont au bord de la mer ce matin-là ne se trouvent pas en présence du Ressuscité pour la première fois. Pour certains, c’est la deuxième ou même la troisième fois que Jésus se manifeste à eux après sa résurrection. C’est du moins ce que nous pouvons déduire grâce à la mention dans le texte des noms de cinq des sept disciples qui sont au bord de la mer de Tibériade : Simon-Pierre, Thomas, Nathanaël et les fils de Zébédée . Selon l’Evangile de Jean, quatre d’entre eux avaient déjà vu Jésus le soir même de sa résurrection : ce sont Simon-Pierre, Nathanaël et Jacques et Jean, les fils de Zébédée (Jn 20,19-25). L’évangéliste raconte aussi que Thomas, l’un des Douze, n’était pas avec eux lors de la première apparition de Jésus mais qu’il était avec eux une semaine plus tard lors de la deuxième apparition. On peut donc en conclure que les quatre disciples mentionnés ont vu une deuxième fois Jésus ressuscité lorsque Jésus a proposé à Thomas qui doutait d’avancer son doigt dans ses mains percées et sa main dans son côté transpercé (Jn 20,24-29). C’est pourquoi le récit lu aujourd’hui peut préciser que ce qu’il raconte constitue la troisième apparition de Jésus à ses disciples, apparition dont furent donc témoins sept disciples, dont cinq font assurément partie des Douze, y compris Thomas. Ce qui frappe, donc, c’est que malgré ces expériences antérieures, les disciples ne reconnaissent pas tout de suite Jésus.

Autrement dit, on peut avoir rencontré Jésus ressuscité et ne pas le reconnaître lorsqu’il se manifeste à nouveau. Cela a de quoi surprendre. On pourrait en effet penser que la rencontre de Jésus ressuscité a tellement bouleversé la vie de ceux qui en avaient fait l’expérience que plus rien ne pouvait ensuite être pour eux comme avant.

Or, le récit de l’apparition de Jésus au bord de la mer de Tibériade ne nous raconte pas cela. Ce récit rapporte une manifestation du Ressuscité qui se situe quelques temps après le jour de Pâques où Marie-Madeleine, Pierre et le disciple que Jésus aimait avaient trouvé le tombeau vide par. C’est donc aussi quelques temps après l’apparition du Ressuscité à Marie-Madeleine puis sa double apparition, à une semaine d’intervalle, à ses disciples à Jérusalem.

Depuis ces événements, Pierre et six autres disciples, dont le disciple que Jésus aimait, sont retournés en Galilée. Le récit raconte qu’ils ont repris l’activité de pêche qui était l’occupation professionnelle de plusieurs d’entre eux avant qu’ils ne se mettent à suivre Jésus. Ils ont repris la vie d’avant. Pour un observateur extérieur, par exemple ceux habitaient Tibériade et qui connaissaient les disciples depuis longtemps, rien de permet de deviner que ces hommes qui ont repris leur activité de pêche ont vécu des événements aussi bouleversants que ceux du jour de Pâques et de la semaine qui a suivi.

Surtout que, pour ces hommes qui ont repris leur activité de pêche, pêcher n’est pas plus facile qu’avant. Le récit raconte que les disciples font l’expérience d’un échec : ils ne prennent aucun poisson. Et si l’on en croit l’évangéliste Luc, ce n’est pas la première fois : Pierre et ses compagnons étaient déjà rentrés complètement bredouille d’une pêche nocturne. C’était au moment où Jésus les avait appelés à le suivre, au début de sa prédication publique (Lc 5).

Le récit lu aujourd’hui raconte donc que les disciples se retrouvent à revivre après sa résurrection de Jésus des expériences aussi pénibles et cuisantes qu’avant d’avoir rencontré Jésus. Ils ont rencontré Jésus ressuscité et ils se retrouvent dans les mêmes difficultés qu’au départ de leur vie à sa suite. Au point qu’ils n’ont même pas quelques poissons à vendre ou à donner à un passant qui leur en demande. Voilà qui n’est pas facile à vivre quand on est un professionnel de la pêche.

Pâques a changé la face du monde, déclarera Pierre dans son discours aux Israélites venus à Jérusalem le jour de la Pentecôte. La mort a été définitivement vaincue. Mais voici que la vie quotidienne semble continuer d’être aussi frustrante, aussi âpre et peu gratifiante qu’avant. Et cette situation n’est pas due à un manque de foi des disciples, ou à une erreur de leur part. C’est simplement la réalité de tous les jours qui continue de comporter des difficultés, qui reste le lieu d’un combat. On pourrait même dire qu’elle reste le lieu des mêmes combats que ceux qu’il fallait affronter avant la venue de Jésus. Parce que la résurrection de Jésus ne change pas l’état du monde, mais change ce qu’on peut y vivre lorsque l’on s’appuie sur la parole du Ressuscité. Ce n’est pas parce que Jésus est ressuscité que la réalité quotidienne dans laquelle vivent ceux qui croient en sa résurrection s’ajusterait soudain comme par magie à leurs désirs. Cette réalité reste traversée par ses propres mouvements qui ne s’harmonisent pas forcément bien entre eux.

Pour ceux qui suivent Jésus et on foi en sa résurrection, la question est dès lors la suivante : lorsque la réalité dans laquelle nous vivons ne se plie pas à nos désirs, allons-nous le vivre comme une malédiction qui nous écrase ou allons-nous chercher comment faire alliance avec cette réalité qui résiste ?

La bonne nouvelle de Pâques, c’est que pour Dieu, quels que soient les échecs momentanés, rien n’est jamais définitivement perdu, hostile, disjoint. Pâques, c’est la bonne nouvelle que l’amour est plus fort que la mort. Et l’amour se manifeste entre autres par la patience et la persévérance, par la confiance qu’un chemin peut s’ouvrir.

Les disciples ont vécu la joie de Pâques et ils se retrouvent ensuite dans une situation tout aussi difficile qu’avant. Mais ils ne sont pas désespérés. Ils sont prêts à relancer les filets quand l’inconnu qui leur parle depuis le rivage le leur propose. Le récit dit qu’ils le font sans discuter, contrairement à ce qui avait été le cas de la part de Simon Pierre dans le récit situé au début de l’Evangile de Luc (Lc 5,5). Il y a une deuxième différence entre le récit rapporté au début de l’Evangile de Luc et le récit lu ce matin : lors de la première expérience de pêche surabondante, l’évangliste Luc avait rapporté que les filets s’étaient déchirés en raison de la grande quantité de poissons capturés (Lc 5,6) ; cette fois, au contraire, l’évangéliste Jean prend bien soin de souligner que les filets ne se déchirent pas (Jn 21,11). Ces petites différences entre les deux récits peuvent paraître insignifiantes. Elles soulignent pourtant un changement profond d’attitude qui se marque aussi dans la manière de réagir des disciples après qu’ils comprennent que celui qui les a renvoyés pêcher est le Seigneur. Dans le récit rapporté au début de l’Evangile de Luc, les disciples étaient pleins d’effroi et Simon Pierre s’était jeté aux pieds de Jésus en confessant son péché (Lc 5,8). Dans le texte lu aujourd’hui, au contraire, les disciples n’ont pas peur et Pierre n’a pas besoin de confesser son péché. Il se jette simplement à l’eau, dans le seul élan de celui qui est heureux de retrouver son Seigneur, qui est aussi son ami. Quelle transformation !

Pour nous aussi, accueillir avec foi la bonne nouvelle de Pâques est le sujet d’une grande joie. Cela ne simplifie pas forcément notre réalité quotidienne, avec ses difficultés, ses combats. La situation actuelle de semi-confinement a de quoi atteindre notre moral et elle nous rend peut-être la vie particulièrement rude. Il pourrait y avoir de quoi se décourager. Accueillir la bonne nouvelle de la résurrection de Jésus, qui scelle la réconciliation définitive de Dieu avec nous, entraîne dans une autre dynamique : celle de la confiance et du courage. Le Seigneur est fidèle. Il prend soin de nous. Il ne transforme pas la réalité pour nous la rendre facile à vivre, mais il nous invite à ne pas désespérer et à apprendre de lui à la regarder autrement, avec un regard plein d’espérance. Il nous invite à ne pas baisser les bras mais à persévérer dans la confiance en Lui jusqu’au moment où nous faisons l’expérience que des chemins inattendus s’ouvrent au matin, après une nuit de combat. Ecoutons-le et fions-nous en Lui !

Homélie par le pasteur Pierre-André Pouly pour Dimanche 19 avril 2020

Homélie par le pasteur Pierre-André Pouly pour Dimanche 19 avril 2020

En contemplant les œuvres d’art parfois sublimes représentant cette scène de l’évangile, on peut trouver étrange leur insistance à mettre en évidence ce qui justement ne fait pas partie du texte : le geste concret de toucher ! Cette insistance a fait de cet élément le point décisif du récit, soit comme preuve de la résurrection corporelle de Jésus, soit comme prétexte pour blâmer la prétendue incrédulité de Thomas. Deux alternatives qui ne me satisfont guère.

Autre constatation décevante : Pensant s’appuyer sur un bon sens à toute épreuve, combien de fois ai-je entendu dire : « Moi, je suis comme Thomas : j’attends de voir pour croire ! » Or, il s’agit bien souvent d’une manière commode de justifier une incrédulité de principe, focalisant là aussi l’attention sur la vérification « de visu ».

La question pertinente à se poser est donc de savoir si, lors de sa rencontre avec le Ressuscité, Thomas est simplement confirmé dans un système de croyance donnant la priorité à la preuve visuelle, ou si ce principe du « voir pour croire » n’est pas au contraire mis en crise ? Dans ce cas, le sens de ce récit serait de placer dans une perspective nouvelle le lien entre voir et croire. En songeant à d’autres interlocuteurs de Jésus dans l’évangile de Jean, on réalise que Thomas ne serait pas le premier à être ainsi bousculé dans son système de croyance.

Avant lui, Nicodème pensait s’appuyer sur un bon sens à toute épreuve en affirmant qu’on ne saurait retourner dans le ventre de sa mère pour naître une seconde fois. Il va se trouver perplexe à l’écoute de Jésus l’invitant à « naître de nouveau » (Jn 3, 3).

La femme samaritaine au puit de Jacob sait, elle aussi, de façon certaine (en plus de tout ce qu’elle sait au sujet du messie et des lieux où il convient ou non d’adorer Dieu) que son interlocuteur ne saurait lui offrir de l’eau alors qu’il n’a pas même de quoi puiser et que le puit est profond (Jn 4, 11).

Enfin Marthe, elle aussi, alors que son frère Lazare vient de mourir, voit sa croyance en la résurrection à la fin des temps remise en question au profit de la relation immédiate avec celui qui lui parle et se présente à elle comme « la Résurrection et la Vie » (Jn 11, 25).

Pour Thomas, les mots de Jésus (v. 27) revêtent une importance décisive : « Cesse d’être incrédule et deviens un homme de foi ! » Le dynamisme de ce « deviens » (ginou) invite à passer d’un mode de connaissance à un autre, fondé non plus sur la conviction que chacun peut se forger au moyen d’éléments ayant à ses propres yeux valeur de preuves, mais fondé sur l’écoute et l’accueil d’une parole reçue d’un autre. Avec pour fruit la joie profonde d’un décentrement de soi dans l’écoute d’un autre. Une vie nouvelle commence avec l’écoute !

En se laissant voir et toucher, Jésus ne cherche pas à apporter la preuve qu’un mort peut revenir à la vie. En se présentant à ses disciples et en se faisant reconnaître d’eux, c’est la relation établie avec chacun d’entre eux qu’il ressuscite. L’enjeu des apparitions du Ressuscité n’est pas de consacrer une sécurité rationnelle nourrie de preuves matérielles mais d’attester d’une victoire de la relation qui intègre désormais le pire, la réalité de la mort et de la séparation.

Si l’on me présente quelqu’un dont on m’a montré auparavant une photographie, je suis en mesure de vérifier qu’il s’agit bien de la même personne. Je vais lui dire par exemple : « Ah ! je vois que vous êtes bien Monsieur untel ». Thomas, lui, s’écrie : « Mon Seigneur et mon Dieu ! ». Ce cri n’a pas pour source le résultat d’une simple vérification d’identité. Les mots de Thomas jaillissent du cœur brûlant de la relation au Maître et Seigneur qu’il a choisi de suivre. C’est la lumière de la relation, ressuscitée par la parole et son écoute, qui ouvre à Thomas l’accès à un « voir » radicalement nouveau. « Dans ta lumière, nous voyons la lumière » dit le psaume (36,10).

Avant sa mort, Jésus avait déjà dit à Thomas : « Si vous me connaissiez, vous connaîtriez aussi mon Père. Dès à présent, vous le connaissez et vous l’avez vu » (Jn 14,7). « Celui qui m’a vu a vu le Père » ajoute Jésus à l’intention de Philippe (Jn 14,9). C’est à ce « voir » là que Thomas a la joie d’accéder en réponse à l’invitation de Jésus.

Ainsi, la nouvelle de la résurrection ne se transmet pas seulement dans la vision du tombeau vide mais aussi dans la vision du Ressuscité en personne. « En voyant le Seigneur, les disciples furent tout à la joie » (20, 20). « Nous avons vu le Seigneur », disent-ils à Thomas (20, 25).

Qu’est-ce que voir ? L’évangile invite à lier cette question à celle de la foi. Nous assistons alors à un véritable retournement : il ne s’agit plus de voir pour croire, mais au contraire de croire pour être en mesure de voir en Jésus ressuscité l’envoyé de Dieu en qui nous est offerte une relation dont rien, pas même la mort, ne peut nous priver. Or, dans ce récit (comme ce fut déjà le cas pour Marie de Magdala devant le tombeau vide), entre le voir et le croire, il y a la place pour une parole à écouter et à laquelle répondre par la foi. « Cesse d’être incrédule et deviens un homme de foi ! »

La vision seule ne suffit pas. Paradoxalement, l’écoute, oui ! Et il faut ajouter : avec l’aide du Saint Esprit. On est là au fondement même de la béatitude (v. 29) proclamant heureux ceux qui, sans avoir été parmi les témoins visuels, deviennent croyants grâce à la parole des témoins, à la parole de l’Evangile. Les deux participes présents (littéralement : « n’ayant pas vu mais croyant ») évoquent une attitude de foi s’inscrivant dans la durée.

Bienheureux désormais ceux et celles qui peuvent dire à Jésus « mon Seigneur et mon Dieu » dans une relation ne s’appuyant plus sur le contact visuel mais en se laissant conduire par l’Esprit Saint « vers la vérité tout entière » (Jn 16, 13), comme l’avait annoncé Jésus dans ses discours d’adieu. Dans la chronologie de l’évangile de Jean, cette béatitude vient après le don du Saint Esprit (20, 22) et accomplit les paroles de Jésus à son sujet.

Dans cette perspective, l’apôtre Paul tire les conséquences de ce nouveau mode de connaissance en l’appliquant à toute relation dans le Christ : « Ainsi, nous, dès maintenant, nous ne connaissons personne selon la chair ; même si nous avons connu le Christ selon la chair, maintenant nous ne le connaissons plus de cette manière » (II Cor 5,16).

Thomas, a écouté et, ce faisant, il a vu avec les yeux de la foi. Son expérience nous précède et ouvre une ère nouvelle. Il nous ouvre un temps dédié à l’écoute de l’Evangile comme une parole qui, dans l’Esprit, s’adresse à nous pour nous inviter à devenir croyants.

C’est avec cette ouverture que se termine l’Evangile (avant l’appendice du chap. 21) : « Ces signes ont été rapportés dans ce livre pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour que, en croyant, vous ayez la vie en son nom » (20, 31).

Aujourd’hui, alors que nous sommes abreuvés de toutes parts d’images dont la fiabilité s’avère de plus en plus incertaine, ce récit invite à nous garder de dissocier la vision de l’écoute et de la relation qu’elle permet, aussi bien avec le Christ qu’avec notre prochain. Ce récit nous invite ainsi à choisir et à cultiver le fondement d’une vision dont le discernement et l’amour constituent un témoignage urgent à apporter pour notre temps.

Amen.

 

Homélie par le pasteur Nicolas Charrière pour jeudi 16 avril 2020

Homélie par le pasteur Nicolas Charrière pour jeudi 16 avril 2020

Jean 20, 11-18

Il est impressionnant que la Résurrection chez Jean soit racontée en prenant autant en compte ce qu’est une vie humaine. Qu’il faille raconter la Vie nouvelle et la mort vaincue en parlant de larmes, de questions, de retournements, d’interpellations, de tâtonnements, de tendresse…

Devant le tombeau de Pâques, il y a place pour nos larmes, toutes les larmes humaines, et leur cortège de questions: nos « on me l’a enlevé », « je l’ai perdu », nos « je ne sais pas… ». Les larmes qui, avec Marie de Magdala, disent nos attachements, ce qui compte pour nous, ce qui fait mal parce que la perte, l’impuissance, la souffrance… Les larmes qui sont les nôtres et sont le signe de notre profonde et belle humanité.

Devant le tombeau de Pâques, il y a aussi ces anges capables d’accueillir les larmes et d’en être touchés. Capables de poser la question: « Pourquoi pleures-tu? » D’entrer en relation, loin de l’indifférence, pour faire de la place à celui ou celle qui souffre et lui donner la parole. Pour qu’il, elle, puisse mettre en récit ce qui lui arrive, nommer. Des anges, messagers de Dieu, que nous pouvons devenir à notre tour lorsque nous prenons le temps d’être avec celle ou celui qui pleure. Une entrée en relation qui est signe de notre profonde et belle humanité.

Devant le tombeau de Pâques, il y a aussi ces retournements de vie qui nous font tourner le dos à l’espace de la mort qu’est le tombeau pour chercher comment continuer de vivre malgré tout.

Ce premier retournement qui nous fait passer d’une vision du monde à une autre, lorsque tout à coup, grâce à une présence, nous sortons de la noirceur pour entrevoir la lumière. Et cet autre retournement qui nous rappelle qui nous sommes, qui nous redonne une identité d’êtres uniques et aimés. « Marie ». Chacun, chacune de nous, chacun des humains. Appelé-e par notre nom. Cette capacité d’évoluer, de changer, de grandir qui est signe de notre profonde et belle humanité.

Devant le tombeau de Pâques, il y a ces étonnements qui font que tout à coup ou peu à peu, au gré du dévoilement de la présence du Christ, notre monde intérieur et extérieur prend une autre couleur, un autre sens. Comme Marie, je redeviens quelqu’un, un vivant. Comme pour Marie, celui qui était mort devient celui qui est vivant, et que je peux appeler par le nom que je lui donnais lorsqu’il cheminait avec moi: « Rabbouni »… Cette capacité d’étonnement et de découverte qui est signe de notre profonde et belle humanité.

Marie, comme nous, devra encore prendre la mesure du changement que ce passage aura provoqué: Jésus n’est plus le maître terrestre qu’elle a connu. Mais elle découvrira par lui que désormais, Dieu devient son Dieu à elle, comme il est le Dieu de Jésus, et que cette relation personnelle dit un engagement et un amour qui sont uniques.

Au tombeau de Pâques se récapitule notre humanité devant Dieu. Et ces différents passages, qui reviennent toujours à nouveau, différemment, brassés dans nos existences, non pas dans une progression linéaire, mais assortis d’une promesse: tu es semblable à Marie de Magdala. Tu es dans la présence du Vivant.

Avec tes retournements qui sont autant de manières de voir autrement le monde, ta vie, Dieu, au gré des rencontres et des événements.

Avec tes larmes qui sont les marques de ce qui compte pour toi.

Avec les présences qui te sont données, comme autant d’anges qui sont passerelles pour retrouver la présence du Christ qui ne t’a jamais quitté.

Avec tes questions et les paroles que tu reçois.

Avec cet appel à vivre malgré le mal et la mort, à vivre avec Dieu. Et que ton chemin devienne proclamation de celui qui est la Résurrection et la Vie.

Alléluia!

 

Homélie par le pasteur Jean-Philippe Calame pour Lundi de Pâques, 13 avril 2020

Homélie par le pasteur Jean-Philippe Calame pour Lundi de Pâques, 13 avril 2020

Toutes portes étant closes.

JEAN 20, 19-23

Le soir venu, en ce premier jour de la semaine,
alors que les portes du lieu où se trouvaient les disciples
étaient verrouillées par crainte des Juifs,
Jésus vint, et il était là au milieu d’eux.
Il leur dit : « La paix soit avec vous ! »

Après cette parole, il leur montra ses mains et son côté.
Les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur.

Jésus leur dit de nouveau : « La paix soit avec vous !
De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie. »

Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et il leur dit : « Recevez l’Esprit Saint
À qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis ;
à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus. »

I

Aujourd’hui, à la fin de cette retraite, nous voulons, frères et sœurs, accueillir la présence de Jésus Ressuscité comme une caractéristique essentielle de notre existence terrestre : « Toutes portes étant closes, Jésus vint, et il était là au milieu d’eux. »

Jésus est ressuscité ! Il est vraiment ressuscité ! Cela veut dire que rien ne peut empêcher Jésus Vivant de nous être présent. Rien ne peut l’empêcher d’ ouvrir toute circonstance à la vie qu’il partage avec le Père dans la communion de l’Esprit.

Toute situation d’enfermement peut devenir un lieu où Lui, vient nous visiter. Je pense en particulier à chaque personne aux prises avec les angoisses, avec une dépression, avec toute autre situation intérieure ou extérieure qui nous entoure de portes fermées.
Aucun obstacle ne peut être si grand ou si profond que Jésus Ressuscité soit empêché de nous rejoindre. Aucune circonstance ne peut le dissuader d’être présent à ce que nous vivons ou éprouvons. La mort elle-même ne l’a pas fait changer de cap. Il faut dire à l’inverse que parce qu’il a été nié à mort, Jésus sait encore plus radicalement que quiconque, ce que signifient les prisons intérieures ou extérieures dans lesquelles nous pouvons nous trouver. Parce qu’il est descendu aux enfers, aucune situation n’est privée de sa présence.

Ce matin inaugure la continuation de Pâques dans notre vie quotidienne, et l’évangile affirme que dans le monde où nous allons chaque jour, Jésus est tout-présent à chacune de ses créatures humaines.

« Toutes portes étant closes, Jésus vint, et il était là au milieu d’eux »… et il est en ce moment avec chacun-e en particulier, dans tous les milieux fermés, confinés pour quelque raison que ce soit.

L’apôtre Paul le proclame avec la vigueur de sa foi : « J’en ai la certitude : ni la mort ni la vie (et ses circonstances) , ni les anges ni les Principautés célestes, ni le présent ni l’avenir, ni les Puissances, ni les hauteurs, ni les abîmes, ni aucune autre créature, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui est dans le Christ Jésus notre Seigneur. »

II

C’est donc pour tous, c’est donc pour vous en particulier, Frères et Soeurs, que Jésus Ressuscité ouvre la bouche, Lui le Verbe Créateur. C’est pour tous, et c’est à vous qu’il a dit : « La paix soit avec vous ! ».
La paix que Jésus communique ici n’est pas d’abord un sentiment intérieur, une situation stable ou un environnement confortable. Tout cela est bien sûr grandement désirable et peut nous advenir parfois comme conséquence de ce que Jésus donne.
Mais la paix dont Jésus parle est une réalité plus vaste et plus solide. Vous avez entendu : Jésus relie la paix qu’il donne à l’événement qui a concentré sur lui toute la violence, sa mort sur la croix, dont il montre les traces sur ses mains et son côté.
Imaginez un guerrier d’autrefois. Il revient après la victoire, et il montre à ses amis son bouclier, transpercé en différents endroits. Chacun comprend qu’il a combattu valeureusement et chacun sait qu’il pourra faire confiance à cet homme qui n’a pas craint de s’exposer.
Cette analogie, que l’on doit à saint Bernard de Clairvaux, dit combien est fiable Jésus ressuscité et combien lui appartient la paix, comme prix de sa lutte, comme chef d’oeuvre de sa mission. Il apporte la paix, celle que rien ni personne ne pourra jamais lui contester ou lui ravir. Il est la paix en Personne, la paix qui réjouit le Père, la paix véritable que Dieu a confirmée par la résurrection, la paix dont l’Esprit saint est le porteur, lui qui est force, consolation, énergie – l’Esprit de si grande humilité qu’il communique cette paix du Christ dans un souffle venant s’unir à notre respiration.

Souvenons-nous bien, surtout face aux angoisses, que la paix dont Jésus parle est plus certaine que tout ce que nous pouvons ressentir, et qu’elle est plus vaste que nous ne pouvons l’imaginer. La paix que Jésus établit dépasse l’expérience de que nous appelons « paix », et elle tient en réserve des dimensions au-delà de ce que notre intelligence peut imaginer ou concevoir.
Elle est une force pour oser et pour opérer une sortie. Jésus donne la paix pour envoyer ses disciples. Il précise qu’il envoie ses disciples de la même manière que le Père l’a envoyé. Cela suggère que le Fils est lui-même « sorti » avec cette paix comme force. Le Fils est venu dans le monde avec la paix, avec la bénédiction du Père pour pratiquer à cette paix un espace en ce monde.
Cette même et unique mission, le Fils la poursuit par ses disciples, ses frères d’aujourd’hui : « La paix soit avec vous !  De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie. »

Jésus nous communique la paix… pas seulement comme un baume, un apaisement, une présence consolatrice dans le présent où nous sommes. C’est cela aussi, mais c’est plus que cela. Cette paix représente une force, elle est un appel à aller de l’avant, c’est une embauche pour aller où Jésus nous conduira.

 Car Jésus ne nous sauve pas seulement en venant à nous. Il nous propose d’aller avec lui. Avec notre libre consentement il va nous conduire de passage en passage, au-delà des frontières que nous avons mises nous-même.

« Suivre Jésus, nous rappelait Fr. François de Taizé, n’est pas en notre pouvoir, mais c’est à recevoir » . Il écrivait :

« C’est comme si Jésus nous disait : « Pour me suivre, ne comptez pas sur vous-mêmes (c’est mon œuvre). Entrer dans une vie à ma suite est aussi impossible que se faire naître à nouveau. Laisser les points d’appui que nous nous sommes faits, renoncer au besoin de tout prévoir et se refuser à un chemin de facilité, qui peut dire qu’il est fait pour cela ? Toutefois auprès de moi ( Jésus), cet impossible devient possible. Là où je suis, souffle l’Esprit et son souffle fait vivre selon les critères du Royaume, car il apporte une nouvelle façon d’être. Qui me suit passe par un enfantement. C’est aussi douloureux qu’une naissance humaine, mais le bonheur qui en découle n’est pas moins grand. Car on participe déjà à une nouvelle création. »1

* * * *

Frères et Soeurs, la Règle de la Communauté des sœurs diaconesses de Reuilly donne le ton pour aller dans l’aujourd’hui du monde dans l’esprit de la nouvelle création. Ce sera notre envoi.

Servez le Seigneur, servez le temps présent. Soyez attentifs à ce temps.
Soyez une bénédiction pour les hommes et les femmes de ce temps.

Bénissez le Seigneur !
Bénissez les hommes et les femmes de ce temps.
Bénissez et ne maudissez pas.
Réjouissez-vous avec ceux qui se réjouissent
et pleurez avec ceux qui pleurent.

Servez le Seigneur !
Faites le bien devant les hommes de ce temps
avec les hommes de ce temps.

Ne vous laissez pas vaincre sous le mal de ce temps
Mais surmontez le mal par le bien.
D’un esprit fervent,

servez le Seigneur. 2

1Fr. FRANCOIS, de Taizé, Suivre le Christ et se faire disciple. Réflexions bibliques, Les Presses de Taizé, 2014, p.169.
2Règle de Reuilly (d’après Romain 12), texte cité dans Soeur MYRIAM, Continuer l’Évangile. Méditations pour les dimanches et les fêtes, Éd. Olivetan, Lyon, 2008, p. 201.
Homélie par le pasteur Nicolas Charrière pour jeudi 16 avril 2020

Lundi de Pâques

« Amour confirmé, passage créé : c’est la Pâque de Jésus ! »

Retraite de Pâques autrement

Lundi de Pâques - Le Christ est ressuscité, Alléluia !

Seigneur Dieu,
qui nous fais passer de la mort à la vie dans le mystère de l Pâque,
poursuis toujours l’œuvre de ta grâce :
que l’Eglise se renouvelle dans les sacrements de l’Alliance
et que nous parvenions à la joie du Royaume
dont tu nous donnes déjà le goût sur la terre
par Jésus, le Christ, notre Seigneur.
Amen

Introduction à la liturgie

Le Temps Pascal – accueillir le don

Ô toi qui dors, éveille-toi ! Lève-toi d’entre les morts ! Sur toi brillera la lumière, Jésus Christ ! Alléluia !

Nous nous trouvons au terme de notre retraite. Nous avons suivi le Christ dans son passage, traversé pour nous tous. Nous avons partagé les mêmes célébrations, médité les mêmes prières, dans une communion transcendant les distances. Merci au pasteur Jean-Philippe Calame de nous avoir préparé les médiations et les homélies si riches ! Le moment est venu maintenant de se dire au-revoir en quelque sorte, en se demandant : comment continuer après ce temps fort ?

Dans l’année liturgique la fête de Pâques ouvre le temps pascal, c’est-à-dire les 40 jours nous séparant de l’Ascension, suivis du temps jusqu’à la Pentecôte. Nous cheminons ainsi de la Résurrection à l’effusion de l’Esprit.
Dans l’Evangile de St Jean ces deux événements n’en font qu’un puisque le Christ ressuscité, trouvant ses disciples enfermés dans une pièce, souffle sur eux le Saint Esprit. La liturgie de l’Eglise suit donc plutôt la tradition de l‘Evangéliste Luc, qui introduit 40 jours d’apparitions de Jésus entre sa résurrection et son ascension. Sagesse pédagogique pour nous donner le temps de méditer l’incompréhensible réalité de Pâques. Si la réaction des premiers témoins de la résurrection passait en effet par l’incrédulité et la peur, il faut reconnaître qu’il en va souvent de même pour nous. Nous avons besoin de temps pour réaliser l’impact du mystère de Pâques dans notre vie, et accueillir la manière dont la Vie nouvelle se manifeste en nous. En communauté, comme pour une Pâque prolongée, nous lisons pendant deux semaines tous les récits de la résurrection. Ainsi laissons-nous la bonne nouvelle de la Vie plus forte que la mort s’enraciner progressivement en nous. Le Christ ressuscité apparaissant quand il veut et où il veut, nous ne pouvons rien faire d’autre que nous disposer à reconnaître sa venue, à entendre la Parole qu’il nous adresse, à son heure.

Cette année beaucoup d’entre nous vivent confinés chez eux. Au fond, cette situation ne ressemble-t-elle pas un peu à celle des disciples enfermés dans leur maison le jour de Pâques, ou encore rassemblés dans la chambre haute pour prier et louer le Seigneur en attendant le St Esprit ?  Ce confinement nous donne finalement l’occasion de ne pas tout de suite replonger dans la vie quotidienne comme si rien ne s’était passé ! Nous pouvons choisir d’en faire l’occasion de relire le passage que nous venons de vivre, d’en recueillir les fruits, de laisser s’épanouir en nous ce qui nous a été donné pendant ces jours de retraite, paisiblement et librement, selon la forme qui convient à chacun. Ce peut être en se ménageant un temps régulier de recueillement, ou en méditant des textes bibliques (vous trouverez des exemples de références sur notre liste des lectures quotidiennes), ou en reprenant ses notes de retraite, ou encore en partageant avec d’autres sur ce qui a été vécu, etc.

Normalement, à la fin d’une retraite, nous vivons un partage de notre vécu. Cette année avec la retraite que nous proposons en ligne, cela ne sera guère possible. Mais si vous le souhaitez vous pouvez nous écrire pour nous dire comment vous avez vécu cette nouvelle forme de retraite à accueil@grandchamp.org. Même si nous ne pouvons pas répondre personnellement à tous les partages nous les lirons avec intérêt.

Nous vous souhaitons une bonne continuation de votre chemin avec le Ressuscité ! Qu’Il rejoigne chacun là où il est, dans la situation actuelle suscitant tant d’incertitudes. Nous restons en communion dans la prière – en attendant le jour où une rencontre face à face sera de nouveau possible !

Lundi de Pâques

7:30 Prière du matin
12:15 Prière de midi
18:30 Prière du soir

Merci !

 Le Christ est ressuscité.
Alléluia !
Il est vraiment ressuscité.
Alléluia !