Homélie du pasteur René Perret, le 3 mars 2024

Homélie du pasteur René Perret, le 3 mars 2024

Célébration à Grandchamp – dimanche 3 mars 2024
Exode 17,1-7 ; Romains 5,1-8 ; Jean 4,1-26

« Un jour, un vieux sage demanda à ses interlocuteurs : Où peut-on rencontrer Dieu ? Et le musulman parla de la mosquée, le juif du Mur des Lamentations. Un autre évoqua la nature quand elle est hospitalière. Le chrétien, timidement, se permit de citer le culte dominical. Chaque fois, le vieil homme hochait la tête. Aucune réponse ne le satisfaisait. Il reprit la parole : Tu rencontres Dieu chaque fois que tu lui ouvres la porte de ton cœur. »
Je trouve cette histoire intéressante pour ouvrir notre méditation sur ce récit d’Evangile aussi connu qu’intrigant. Il raconte une histoire qui ressemble tellement à la nôtre, finalement.

Bien sûr, les lieux et les circonstances de la rencontre ont changés ; mais cette soif qui tenaille la Samaritaine, cette soif qui la pousse à chercher de l’eau en plein midi, à l’ombre du regard des autres, cette soif ne dit-elle rien de notre soif ? de notre recherche d’eau vive ? de notre recherche de sens ? Bon, nous n’avons pas eu cinq maris / ou cinq femmes, et nous ne vivons pas non-marié-e avec le ou la sixième !
Ça, c’est pour forcer le trait, une caractéristique des récits d’Evangile, qui nous présente des gens plus « perdus », plus « pécheurs » que nous, plus loin de Dieu que nous le sommes. C’est pour dire : tu vois, si Dieu s’approche de quelqu’un de si loin de lui à vues humaines, combien plus il s’approche de toi qui ne lui est pas autant étranger !
Et en regardant avec quel non-jugement il parle avec cette Samaritaine, mieux : avec quel respect il accueille ses paroles, on peut bien être assoiffé de participer à un tel dialogue en profondeur avec lui !

J’ai entendu parler d’une jeune femme, extrêmement douée pour visiter les gens. Quand elle parlait avec un pensionnaire de home, à la cafétéria, insensiblement, les autres pensionnaires venaient se joindre à la conversation. Elle avait une telle qualité d’écoute, que la valeur de ce partage parvenait même à ceux qui regardaient la télé. Et ils convergeaient vers cette table où on pouvait déposer des bribes de son histoire, des réflexions longtemps enfouies, et où la compréhension d’une seule personne était comme une eau fraiche, qui désaltérait des soifs aussi diverses que tenaces.

C’est cette soif-là de rencontre qui anime Jésus, au-delà de la soif qu’il ressent au midi de ce jour.
Lui qui est l’Eau vive et jaillissante, il a besoin de quelqu’un qui l’accueille en ses profondeurs, comme un puits que l’on a désensablé. Et nous voyons avec quelle douceur, avec quel doigté il creuse en la Samaritaine les soifs qui l’habitent. Admirons la Samaritaine ! Il lui en faut, de la confiance, pour livrer ainsi ses questions les plus personnelles, pour se reconnaître dévoilée et mise en lumière en en éprouvant du soulagement plutôt que de la honte.

J’aime la remarque d’Alphonse Maillot sur la réponse de Jésus à la femme qui vient de lui avouer l’état de sa vie conjugale ; quand Jésus lui répond : Tu dis vrai.
« Le « Tu dis vrai » n’est pas sans ironie envers les éventuels lecteurs (que nous sommes, ndlr). Voilà une bonne confession (vraie) du péché (vrai). La bonne (et la vraie) parole n’est pas une parole orthodoxe, un catéchisme, mais celle qui fait la lumière (même celle des ombres !) sur soi. »

Cette Samaritaine a fait ce qu’elle a pu jusqu’ici pour vivre conjugalement, spirituellement, humainement.
Les autres la condamnent pour sa vie conjugale ; sa spiritualité est dépassée, selon Jésus, et même erronée, puisque « le salut vient des Juifs ». Mais tout cela n’a plus cours, puisqu’elle se trouve en présence de Jésus. Puisqu’elle l’acceptera comme « Celui qui vient de Dieu pour nous annoncer toutes choses », aucune condamnation ne l’empêche d’être désormais elle-même, une femme libérée, une femme ressourcée et plus, une source jaillissante pour ceux qui vont la rencontrer.

Ce qui s’est passé là au bord de ce puits se reproduit aujourd’hui encore : quand nous acceptons ce dialogue avec ce Dieu qui a soif de nous ; quand ses questions à nos questions viennent nous rejoindre au cœur de qui nous sommes ; quand nous nous sentons à la fois dévoilés et retrouvés, accueillis, compris et pardonnés ; alors, nous vivons ce qu’a vécu la Samaritaine : une retrouvaille avec le cœur de notre cœur.
Quel apaisement, quelle libération, quel ressourcement, quel redressement que d’expérimenter, en soi et pour soi, comme le début d’une source jaillissante, la présence de celui qui nous dit : je le suis, ce Christ que tu attendais et qui t’annoncera toutes choses. Amen.

 

 

Homélie du pasteur Heiner Schubert, le 29 février 2024

Homélie du pasteur Heiner Schubert, le 29 février 2024

Mt 20, 29-34 Grandchamp 29.2.24
Le monde crie, chères sœurs, chers frères,
Le monde crie très fort. Il crie : « Pitié, pitié ! »
Mais très peu, trop peu de monde entend le cri.
Le monde crie : « Les hommes s’entretuent. Ils se haïssent. Ils se détestent. Ils se méprisent mutuellement. Pitié, pitié ! »
Le monde crie : « La nature souffre. Les mers, les forêts, les animaux souffrent ».
Le monde crie : « N’y a-t-il pas de dieu quelque part ? Qui peut nous sauver de nous-mêmes ? »
Jésus répond : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » Et le monde se tait. Silence. Il ne sait pas quoi dire. Et Jésus reprend : « Est-ce que je vais t’ouvrir les yeux ? »
Après un moment de silence, le monde répond : « Ah, ça. Ah, non. Merci, c’est gentil. Vaut mieux pas… »
Il ne veut pas ouvrir les yeux, le monde. Ouvrir les yeux, cela voudrait dire faire face.
Il faudrait regarder de près. Affronter des difficultés. Changer radicalement notre mode de vie, notre manière de nous organiser. Les mentalités. Se repentir.
Ouvrir les yeux entrainerait la métanoïa. Terme grec qui signifie « Changer radicalement ».
Mais le monde, apparemment, ne veut pas changer.
La tâche nous revient alors à nous qui connaissons Jésus. Tout d’abord, il nous faut crier sans cesse à Dieu. Crier à la place d’un monde qui se contente de hurler, mais qui, manifestement, ne veut pas ouvrir les yeux parce que, ouvrir les yeux voudrait dire affronter les inégalités et réduire drastiquement la consommation dans tous les domaines.
La tâche nous revient alors à nous qui crions et qui entendons ensuite Jésus dire : « Que veux-tu que je fasse ? »
La bonne réponse selon Matthieu, c’est, « Ouvre-moi les yeux ! ».
Quand nous les ouvrons, c’est la grande surprise.
Un grand soulagement d’abord :
Ah ! C’est le Christ qui a sauvé le monde. Ce n’est pas à moi de sauver le monde. Certes, je ne comprends pas comment il l’a fait, mais j’y crois fermement.
Parce que, si je suis libéré de la lourde et impossible tâche de sauver tout et tout le monde, je suis vraiment libre. Libre de changer ce que je peux changer et surtout libre de ne pas désespérer face à mon impuissance.
Quand j’aurai compris cela et quand, enfin, je me serai remis de mon étonnement, viendra alors le moment de vérité. Je commencerai à voir autrement, je serai renouvelé.
Dieu m’aura ouvert ce que l’épître aux Éphésiens appelle les yeux du cœur.
Quand on voit avec les yeux du cœur, on regarde autrement.
Nous vivons dans une période nébuleuse de l’histoire, la lumière devient pâle.
C’est la pénombre permanente. Il faut être vigilant, attentif.
Nous sommes constamment distraits pour ne plus voir l’essentiel,
c’est même le mot clé de notre époque : la distraction.
D’anciennes certitudes vacillent. Dans une telle situation, il faut soigner les yeux de son cœur. C’est eux seuls qui arrivent à discerner quelque chose dans la pénombre ambiante. Discerner ce que je peux faire et ce que je dois laisser à d’autres.
Si les yeux de notre cœur ne sont pas grand ouverts, nous échouons. Les tentations sont trop fortes. « Ouvre-moi les yeux ! » C’est la prière de chaque jour. C’est MA prière de chaque jour. Si Jésus a sauvé le monde à la croix une fois pour toutes, il doit sauver ma petite vie chaque jour des forces qui tirent dans toutes les directions possibles.
Matthieu ne cache pas que l’opposition se lève quand quelqu’un dit cette prière :
Dans le récit, les gens rabrouent les deux aveugles : « Taisez-vous ! » C’est un élément très important. Le monde n’aime pas les gens qui ont les yeux ouverts. Les hommes et les femmes aux yeux ouverts rappellent qu’une autre vie est possible. Une vie qui compte sur la présence de Dieu. Une vie plus modeste, plus satisfaisante aussi. Une vie respectueuse, discrète et disponible. Mais pour vivre cette vie, il faudrait changer radicalement.
Soyons honnêtes. Qui voudrait vraiment changer ?Amen 

Homélie du pasteur François de Charrière, le 22 février 2024

Homélie du pasteur François de Charrière, le 22 février 2024

Prédication de Matthieu 18, 21-35

Mais qu’est-ce qui m’a pris? Je ne sais pas… et je m’en veux! !……Ça ne vous dis jamais arrivé ? Un geste, une parole, une attitude, bénine, grave ou terrible… qui m’entraine là où je ne voulais pas aller, aux conséquences néfastes pour moi et mon entourage. Mais qu’est-ce qui m’a pris?
Pourtant la journée avait bien commencé. Mon créancier, Basile, m’a demandé de passer dans son bureau. Je l’ai supplié et il m’a remis ma dette. Quatorze…j’en tremble encore tellement je n’arrive pas à articuler ce nombre! Quatorze millards. En plus il m’a dit, on va fêter ça. Je t’offre une semaine de vacances dans mon hôtel. Tu peux prendre avec toi qui tu veux: ta femme, ton fils et son copain, ta fille et son ami, tous. Vous pouvez rester une semaine ou plus, c’est vous qui décidez. Sur place c’est mon nouveau maître d’hôtel qui vous accueille: Jean-Marc, tu le connais ? – Quoi Jean-Marc mais ce n’est pas possible, s’il me voit, je vais passer une sale quart-d’heure et il a le couteau facile!
– Non ne t’en fait pas, il a changé, tu ne le reconnaîtras pas! Et tiens, sur ce papier, je te donne l’adresse de l’hôtel et le bon de réservation.
Sorti de chez Basile, je tenais fièrement mon bon de réservation et je croise Pierre. Alors là, la moutarde m’est montée au nez, ça a été plus fort que moi. Il me devait 100 balles tout de même! Alors j’ai fait trois fois le tour de son cou avec le papier que je tenais. On s’est tellement fâché que Jean-Marc est arrivé là je ne sais comment, il m’a blessé. Ces cents francs, il fallait bien que je les rende à Basile, tout de même!
Mais maintenant, tout est par terre, il n’y a plus de vacances et je suis à l’hôpital pour des mois.

J’ai raconté cette histoire pour me demander: qu’est-ce qui s’est passé dans le tête du débiteur sans pitié? Je perçois qu’il a au moins deux difficultés.
La première, il n’a pas pu recevoir ce don, cette remise de dette. Il s’imagine toujours qu’il faudra rembourser. Il est incapable de recevoir quelque chose, il faut toujours que ce soit lui qui fasse, agisse, rende, donne. Il n’arrive pas à se croire pardonné et ne perçoit pas le moins du monde que Basile, dont le nom signifie, roi, est vraiment ailleurs, dans un monde royal, céleste, libre, généreux, il est d’une souplesse incroyable.
S’imaginer pouvoir rembourser est une grande illusion. La parabole le dit en parlant de 10’000 talents soit près de 14 millards, si vous gagnez 30.- de l’heure. Le pardon est donc impossible. L’offenseur ne peut jamais réparer la blessure qu’il a faite et l’offensé doit avouer que sa vie ne peut plus être comme avant, il est marqué à vie. La blessure physique et/ou psychique sont impossible à annuler. Le débiteur sans pitié, quand il est chez le roi, est impardonnable.

Sa deuxième difficulté: il a en lui une puissance qui le déborde. Il s’en veut, ça a été plus fort que lui. Il aimerait empêcher ce débordement donc étrangler tout ce qui vit, plutôt que de transfigurer ce qui le déborde. Il étrangle Pierre plutôt que d’étrangler volcan qui jaillit en lui, plutôt que de transformer son volcan en lumière. La gorge, c’est ce qui est traversé par la respiration, par l’haleine de vie, par le souffle de l’Esprit-Saint. Il étrangle sa vie divine par son attitude calculatrice. Il veux garder le pouvoir sur sa dette, plutôt que de laisser aller et en être libérée. Aidé dans ce moment-là de crise, il aurait transformé sa rage, cet étranglement en libération de vie, en pardon royal, céleste comme Basile.

Mais qu’est-ce qui m’a pris? Ça m’a échappé! Quand cela nous arrive, c’est peut-être que j’étrangle moi aussi ? J’étrangle un plus de vie divine en moi. Le pardon est un travail intérieur où j’ai besoin d’être aidé, guidé pour transfigurer mes côtés ombres intérieures, travailler sur la violence de mes animaux internes qui me maltraitent, me pardonner mon énergie néfaste.

A partir de là, qu’est-ce que le pardon ? Cette parabole nous présente les deux moments d’un Seigneur. Au début il est qualifié de roi. Il vit dans le royaume des relations vivantes, il est divin. Il a un accueil sans borne, d’une générosité sans faille, il est inoffensable. Et dans cette liberté sans borne, il libère celui qui lui devait 14 millards. Rembourser est impossible, pardonner est totalement hors de portée pour un humain. Il n’y a qu’un roi qui puisse le vivre, pardonner c’est royal, immensément libérateur pour l’offenseur et l’offensé. C’est pourquoi dans mon histoire j’ai ajouté Jean-Marc le violent devenu méconnaissable disait Basile.

Et puis, deuxième moment du Seigneur. On lui rapporte l’attitude du débiteur sans pitié qui réclame ses 100 francs. Alors quoi, ce maître pardonne une fois mais pas deux? Alors que Jésus vient de demander de pardonner 77 fois 7 fois ! La parabole le dit explicitement, le deuxième pardon refusé par ce Seigneur fait qu’il n’est plus dans le royaume, il est qualifié de maître, il n’a plus rien de royal, il devient dictateur.
C’est intéressant que ce soit justement le même qui une fois pardonne et la deuxième fois pas. Pour nous signifier que le pardon n’est pas évident, et que le point de bascule entre les deux attitudes est fragile.
Ce n’est pas dans le texte mais ici j’ai un regard sur les compagnons du débiteur sans pitié. Ils ont manqué de responsabilité. Ils ont assisté à la scène de l’étranglement sans s’interposer, ni raisonner l’étrangleur, il leur a manqué une parole. Je trouve leur attitude lâche et passive. Suis-je le gardien de mon frère, devraient-ils se demander ? – Oui, Messieurs!

Il n’y a pas de méthode pour pardonner, c’est un long chemin spirituel où nous nous aidons les uns les autres. Un chemin de divinisation: Dieu s’est fait humain pour que l’humain devienne Dieu!

Amen
Grandchamp le 22 février 2024
François de Charrière

Homélie du pasteur Claude Fuchs, le 25 février 2024

Homélie du pasteur Claude Fuchs, le 25 février 2024

Nous voir avec les yeux de Dieu
Luc 9. 28-36

Ils pensaient bien connaître Jésus, Pierre, Jacques et Jean, les trois que Jésus avait pris avec lui pour l’accompagner sur la montagne. Cela faisait déjà des mois qu’ils le suivaient. Ils étaient fascinés de sa personne, par tout à la fois l’autorité et la bonté qui émanaient de lui, par ces merveilleuses guérisons qui témoignaient de la présence presque à toucher du doigt autour de lui de ce Royaume de Dieu que Jésus proclamait.
Ce jour-là pourtant, il leur a été donné de connaître Jésus sous une lumière encore toute nouvelle, de le connaître jusqu’au cœur, jusqu’au centre de sa personne : « Pendant qu’il priait, l’aspect de son visage changea et son vêtement devint d’une blancheur éclatante. » Ils ont pu voir Jésus à la lumière, avec les yeux même de Dieu.
Et qu’est-ce qui leur a été révélé ? Quel est-il le cœur de la personne de Jésus ? Le cœur de sa personne, c’est tout d’abord l’authentique tradition de son peuple dont il vit, ce sont Moïse et Elie avec qui il est en dialogue, mais surtout la présence et l’amour de Dieu qui l’entourent de toute part comme un étincellement de lumière. Et c’est cette voix qui de la nuée met comme en paroles cette vision : « Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai élu, écoutez-le ! »

Parfois je me demande moi aussi qui je suis au fond, au cœur de moi-même. Je sais bien des choses à mon propos, bien des choses de ma vie, de mon caractère, de mes forces et de mes faiblesses, de mes victoires et de mes échecs. Et je sais que bien plus encore demeurera toujours caché dans mon subconscient. Sachant tout cela, parfois pense que finalement ce que j’ai fait de ma vie n’est pas trop mal. Mais parfois aussi, devant les abîmes que j’entrevois au fond de moi-même, je me sens insupportable. Alors quelle est la vérité sur moi-même ? Qui suis-je vraiment ?

Cette question un seul est en mesure d’y répondre : celui qui m’a créé et qui seul me connaît vraiment. La vérité dernière sur moi-même c’est ce que lui dit de moi. Si je veux savoir qui je suis au fond, au cœur de moi-même, il faut que j’apprenne à me regarder avec les yeux de Dieu.
Or comment Dieu me voit-il ? Que dit-il de moi ? Ce que Dieu dit de moi c’est : « Tu es mon fils bien-aimé, celui que j’ai choisi » – « Tu es ma fille bien-aimée, celle que j’ai choisie » Qui que tu puisses être encore par ailleurs, quelles que puissent être tes forces ou tes faiblesses, quelles que puissent être tes victoires ou tes défaites, ton obéissance ou tes manquements, depuis toujours je t’ai aimé et je t’aimerai toujours. Le cœur de ce qui peut être dit de moi comme de chacun et de chacune d’entre nous trouve son expression dans cet amour de Dieu dont nous vivons et qui nous entoure à chaque instant de notre vie comme une lumière plus étincelante même que le soleil. Dans l’éblouissement de cette lumière, tout le reste, je ne dirais pas que cela n’a plus aucune importance, mais tout le reste n’est en tous cas pas l’essentiel de ce qu’il y a à dire sur moi.
Savoir cela m’aidera à m’accepter, les jours où je risque de désespérer de moi-même. Savoir cela m’aidera à apprendre à m’aimer moi-même malgré toutes mes faiblesses. Je n’aurai plus besoin de me faire des illusions, ni sur mes victoires ni sur mes défaites. Elles sont là, c’est vrai, mais elles ne sont pas l’essentiel. Ni chez moi, ni d’ailleurs chez mon prochain. Lui aussi, elle aussi a ses forces et ses faiblesses, et il m’arrive d’en souffrir. Mais pour lui aussi, pour elle aussi, elles ne sont pas l’essentiel. L’essentiel c’est que nous sommes tous les enfants bien-aimés de Dieu entourés de tous côtés de la lumière de son amour. Et savoir cela pourra de plus nous motiver et nous aider à devenir de plus en plus ce que déjà nous sommes aux yeux de Dieu. Amen.

Grandchamp le 25 février 2024 Claude Fuchs

 

Homélie du pasteur Serge Molla, le 11 février 2024

Homélie du pasteur Serge Molla, le 11 février 2024

Gn 12, 1-9 ; 1 Co 13 ; Lc 18, 31-43.

En ces temps troublés où les nuages s’amoncellent, une question semble légitime, celle de savoir ce qui restera en dernier ressort de tout ce bruit et cette fureur du monde, alors que tant de craintes et d’angoisses minent tout espoir et sapent toute espérance. La seule réponse qui paraît s’imposer, c’est RIEN. Il ne restera rien. Pourtant l’incroyable et seule vraie réponse qui s’offre à nous ce matin est la suivante : une seule chose restera, l’amour. Tout le reste passe et passera. L’apôtre Paul ne tergiverse pas à ce sujet, il ne se fait aucune illusion : tout disparaîtra à l’exception de l’amour.
Cette affirmation est formidable à entendre dans le contexte actuel et paraît en même tps d’une naïveté sans pareille au regard de la souffrance qui monte de la création toute entière due au réchauffe-ment climatique, ou à la suite des morts innombrables de civils ou de militaires que sèment les guerres ou à l’anxiété qui de-vient contagieuse ou encore du cynisme qui habitent certains grands de la politique ou de l’économie.
Autant relever que devant une telle affirmation – tout disparaîtra à l’exception de l’amour -, je revêts les traits de l’aveugle dont parle Luc, car je suis incapable de voir et de considérer la force et la puissance et l’éternité de l’amour. J’en parle bien sûr, mais est-ce que je crois vraiment que l’amour… ? Et si j’y croyais véritablement, est-ce que l’amour n’infuserait pas tout mon être et mon agir ? Je parle souvent de l’amour, mais j’en fais quelque chose d’idéal et de lointain, sans en rendre témoignage, ou si peu. J’envie et pense aux gens imprégnés d’amour comme l’aveugle songe aux voyants, tout en se disant qu’il n’a pas cette chance. Seulement ici, l’aveugle, c’est moi qui dois voir mes yeux se déciller. C’est moi qui dois impérativement recouvrer la vue et ne plus me laisser prendre ni envahir par l’état mortifère et déprimant du monde alentour.
Oui, ce cri de l’aveugle, c’est avant tout le mien, tant je reconnais ma cécité devant la force, la puissance et l’éternité de l’amour. Pourquoi cela ? Parce que j’en ai fait de la guimauve et permis qu’on le confonde avec de bons sentiments. Mais si tel était le cas, Paul n’écrirait en ouverture de sa réflexion : Je pourrais transmettre des messages reçus de la part de Dieu, posséder toute la connaissance et comprendre tous les mystères, je pourrais avoir la foi capable de déplacer des montagnes, si je n’ai pas d’amour, je ne suis rien ! Vous avez bien entendu RIEN ! Voilà qui réfute sans appel l’ensemble des définitions pour lesquels l’amour se joue d’abord dans les sentiments, le dévouement et le sacrifice, dans la solidarité et la fraternité, le service et l’action. Tout ce qu’on désigne effectivement par amour peut en être dénué, non parce qu’il y aurait une petite part d’égoïsme dans tout cela, mais parce que l’amour est tout autre chose que ce que nous entendons habituellement. Il n’est pas non plus dans la relation bienveillante de pers à pers, ni dans l’intérêt qu’on porte aux individus. Non. Ce dont parle Paul dans sa lettre, c’est de quelque chose de beaucoup plus radical que de la gentilles-se, de la sympathie ou du bisousnours organisé, voire institutionnalisé.
Une fois de plus, l’Ecriture bi bouleverse, voire renverse nos conceptions, dans lesquelles on oppose amour et vérité, comme si la seconde était objective, impersonnelle à l’inverse de l’amour qui ne serait que subjectivité. Alors que Paul rappelle précisément que l’amour met sa joie dans la vérité. Un amour qui n’embrasserait que le domaine personnel et abandonnerait le domaine objectif, un tel amour ne serait pas celui auquel Paul veut rendre attentif.
Une conviction forte, inspirée et sans appel, sous-tend sa réflexion : Dieu est amour. Dieu lui-même, et non pas tel comportement, tel sentiment, tel geste ou telle action. Aussi, seul celui qui connaît Dieu connaît l’amour. Ce n’est donc pas l’amour qui me fait connaître Dieu, mais l’inverse. C’est Dieu qui me révèle l’amour véritable, tant l’amour est d’abord son comportement et non le nôtre. Ce que toute l’Ecriture biblique ne cesse de rappeler.
L’amour divin est ainsi fondement, origine, de tout amour. L’amour désigne donc ce mouvement divin en faveur de l’ê hum et qui revêt un visage en Jésus. Aimer veut alors dire laisser transformer par Dieu son existence toute entière.
Aussi n’est-il pas étonnant que Paul énonce que l’amour dépasse la connaissance, toujours limitée, toujours en développement et à reprendre. Elle est partout ce qui ressemble à l’amour au sens où elle a aussi pour objet autrui. Elle qui veut saisir, comprendre et expliquer le monde, voire l’univers. Pourtant même si les con-naissances développées au cours des siècles sont immenses, force est de constater que l’horizon d’une terre apaisée où l’emporterait la fraternité humaine, cet horizon ne cesse de reculer. A la manière de la marée, l’horreur et le tragique reviennent encore et encore ronger les espoirs d’un monde où paix et justice s’embrasseraient. Et qu’on ne vienne pas me dire que tout cela arrive par méconnaissance ! Ce n’est pas vrai : l’être humain sait pertinemment ce qu’il fait lorsqu’il produit à outrance des tonnes de matériaux destinés à réduire en cendres et tuer, alors que tant d’hommes et de femmes continuent à croire que la violence est extérieure à eux, que ce sont eux, là-bas, qui en sont habités, et eux, là-bas, seulement. Autant dire que tous les savoirs accumulés, toutes ces connaissances engrangées n’y changent rien ou si peu. Je ne les dénigre pas, tant il en est qui élèvent, apaisent et guérissent, mais je souligne avec Paul qu’à l’inverse de l’amour, bien des savoirs ne portent pas en eux la vie, ou tout du moins ces savoirs n’instaurent ni paix, ni équité, ni fraternité durables.
Interrogé, troublé et déplacé par la réflexion de Paul et me souvenant du récit relatif à un aveugle, je réalise que pas de doute, l’aveugle, c’est moi, c’est vous, c’est nous qui voulons crier Seigneur, que je retrouve la vue. Crier pour enfin sortir du piège de la connaissance qui bâtirait la paix et des espoirs toujours déçus. Donne-moi de discerner ta présence et ne jamais perdre de vue que seul l’amour ne disparaîtra jamais.
Mais Paul ne se contente pas de dénoncer le caractère limité de la connaissance, il écarte tout autant les prophéties qui ne seront plus d’actualité, alors même que les médias en sont friands. Rendez-vous cpte, même la foi et l’espérance sont considérées comme inférieures à l’amour. Pour-quoi ? Parce que la foi confondue avec un doctrine qui sépare ou exclut ou la prophétie avec une connaissance de l’avenir ne veulent que développer le contrôle des autres et du monde.
Alors si seul l’amour est aussi fort et vrai que le souligne Paul et qu’il a faculté de ne jamais disparaître, alors oui, je crie à l’instar de l’aveugle Jésus, fils de David, aie pitié de moi ! Seigneur, que je retrouve la vue !
Que je cesse de croire que l’amour n’est qu’un idéal qui ne sert finalement à rien sur le plan global…
Que je cesse de croire que l’amour dépend d’abord de moi, de mon ouverture, de ma bonne volonté…
Que je cesse de croire tout ce qui renforce mon aveuglement et augmente ma cécité à l’action de Dieu, à la promesse de Dieu amour qui ne disparaîtra jamais !
Oui Seigneur, que je retrouve la vue pour ne plus user à longueur de journée du mot amour, comme s’il m’habitait et dictait chaque instant de mon existence.
Que je retrouve la vue pour que Toi qui es amour vif en moi, et qu’ainsi toute rencontre s’éclaire.
Que je retrouve la vue pour que l’espérance, fondée en Toi amour qui ne peut disparaître, quelles que soient les exactions indicibles dont l’être humain est capable, pour que cette espérance nourrisse à nouveau le monde d’aujourd’hui.
Amen

Homélie du pasteur Jean-Louis L’Eplattenier, le 4 février 2024

Homélie du pasteur Jean-Louis L’Eplattenier, le 4 février 2024

Lectures : Gen. 9, 8-17, 2 Co. 11, 29 + 12, 10, Ev. selon St. Luc, 8, 4-15
L’Evangile, une fois encore, nous rappelle que Dieu sème la Vie et l’Amour, à tout va !
S’il fallait une image pour illustrer ce geste, je pense au « semeur » de Van Gogh : on y voit un homme au geste large, la main ouverte, et, l’éclairant : un grand soleil : symbole de Dieu, qui, par son éclat, habite le ciel et la terre.
La semence n’est pas réservée au pré-carré, elle est jetée sans compter et sans fin, destinée à tous les terrains, en tout temps d’ailleurs il est dit que tous l’ont entendue ou même accueillie.
Comme Dieu ne fait rien sans nous, Il nous a confié le relais = la responsabilité de poursuivre l’œuvre engendrée en nous, en étant, à notre tour et à sa suite, semeurs de vie et d’amour : là se jouent notre fidélité, notre obéissance.
Les mystères douloureux, les épines qui font mal, les coups de gel et de grêle qui blessent, les injustices qui découragent mais aussi l’aisance trompeuse, les tentations peuvent être autant de risques que notre terre intérieure se dénature, même un cœur loyal et bon  est à risque; mais j’aime croire à la fidélité infatigable du semeur qui poursuit sa démarche sans relâche, débroussaillant les champs encombrés, rendant fertiles les terres devenues incultes, par son Souffle de Vie et d’Amour rendant sa véritable identité à notre être profond.
Il arrive que le semeur ait affaire à des cas singuliers comme Paul, ce passionné de Dieu, qui se vante d’avoir tout vu, tout vécu, plus et mieux que le reste de l’humanité ; mais sa fougue doit être évangélisée et elle l’est au prix d’un effondrement tel, qu’il ne sait pas dire si ça s’est passé dans son corps, avec son corps ou hors de son corps.
Il consacrait sa vie à diffuser la loi de Dieu, mais en persécutant Jésus. Alors, c’est Jésus lui-même, parole vivante de Dieu, qui le rappelle à l’ordre : un peu douloureusement, en lui révélant une fragilité qui s’imposera à lui, présence désagréable, écharde dans la chair, ange de Satan lui rappelant que la force qui doit l’animer est à puiser à cette source de Vie et d’Amour qu’est le Christ ; la force de sa fragilité, c’est Dieu qui sème, et la semence, c’est le Christ.
Le Semeur est sorti pour semer la Vie et l’Amour. Mais l’Écriture nous parle aussi de la désolation de Dieu se repentant d’avoir créé l’être humain = face à la violence, à la perversion, au désordre, Dieu décide d’en finir ; mais Il ne peut pas se renier ; avec Noé, homme intègre et pieux, avec sa famille et le monde animal, Il prévoit un avenir et redonne à l’humanité le cadeau de poursuivre l’œuvre créatrice des origines, en l’assurant de Sa bénédiction, une nouvelle alliance, dont le signe est l’arc-en-ciel ! En fait, l’arc est un instrument de guerre ! Mais Dieu le suspend dans le ciel et le transfigure en arc-en-ciel, aux couleurs essentielles, celles de la Vie et de l’Amour, confirmant son alliance avec la Création ! L’arc-en-ciel : une parabole qui nous réjouit toutes les fois qu’il se déploie, rappelant la présence de la Lumière, sa priorité heureuse, sa beauté.
Notre monde en grande souffrance, rappelle tellement le temps de la tour de Babel : on y escalade le ciel, on tue la vie, on meurt de faim, tout est à l’extrême, au superlatif : comme une rivale à l’arche de Noé, on vient de mettre à l’eau un paquebot baptisé = « icône des mers » ! Avec l’équipage = 9000 personnes à bord, 360 mètres de long, 7 étages, etc. On utilise le langage religieux pour dire l’indécent.
Dieu n’aura peut-être pas besoin de se donner la peine d’imaginer un nouveau déluge : les hommes vont bien se charger de faire sauter la planète, mais le dernier mot appartiendra à Dieu parce qu’Il ne se renie jamais !
Ne sachant qu’aimer, Il a suspendu son arc à l’arbre de la croix, l’arc-en-ciel de Pâques : l’Amour et la Vie, au siècle des siècles.
Amen.