Homélie du pasteur François de Charrière pour la fête des récoltes, le 5 octobre 2023

Homélie du pasteur François de Charrière pour la fête des récoltes, le 5 octobre 2023

Prédication de Deutéronome 16, 13-17

Trois fois par an, trois fêtes pour rencontrer Dieu, pour aller voir la face du SEIGNEUR.
La fête de la Pâque, ou fête des pains sans levain. Avec cette fête de la sortie d’Egypte, Israël avait conquis son existence politique. C’est la fête de la libération marquée par la puissance de l’action de Dieu: «Cheval et cavaliers à la mer, il les jeta!» chante Myriam. (Exode 15,21)
Puis vient la fête des sept semaines, 50 jours. C’est la fête de Chavouot, la pentecôte juive. Le peuple reçoit le don de la loi. Dieu parle et écrit les dix paroles de la Tora. Cela donne à Israël une identité spirituelle et intérieure. «Rien n’advient par la force ou la puissance mais par mon Esprit, dit le SEIGNEUR.» (Zacharie 4,6) Chavouot, Pentecôte centre le don de la loi sur Dieu lui-même. Et quand il est oublié, il n’y a plus de loi!
Ainsi, il est raconté que lorsque Moïse est descendu du Sinaï, la première fois avec les tables de la loi, et que le peuple, resté en-bas, fatigué par l’absence de Moïse avait construit un veau d’or. Et bien, l’écriture s’est effacée des tables, à l’instant même où le peuple adora le veau d’or, avant même que Moïse ne les brisa. Je trouve ce commentaire juif magnifique!
Là où l’auteur est renié ou méconnu, le texte lui-même s’évanouit et nulle force de la raison ne peut le retenir. La loi n’a pas d’existence en soi, elle est suspendue à son auteur au souffle de Dieu. C’est pour cela que la loi est bonne, libératrice et vivifiante, …comme Dieu! Célébrer la pentecôte juive, le don de la loi, c’est se tourner personnellement vers son auteur qui nous libère de toutes nos servitudes. La libération politique en quittant l’Egypte et la libération intérieure et spirituelle en respectant le loi. La loi libère quand on n’oublie pas qui est son auteur.

La troisième fête est la fête des Tentes. On se rappelle que dans le désert on vivait sous tentes. Et cette fête coïncide avec la fin des récoltes. Fête des Tentes ou fête des récoltes. « Sept jours durant tu feras un pèlerinage car le SEIGNEUR ton Dieu t’auras béni dans tous les produits de ton sol et dans toutes tes actions, et tu persévéreras dans l’état de joie» (Deutéronome 16,15).
Le caractère de cette fête est traditionnellement souligné dans la communauté juive par les «4 espèces» : une branche de palmier, deux branches de saule, trois branches de myrte et un beau fruit comme le cédrat, sorte de gros citron jaune. Et les tentes sont faites avec ces branchages.
Si les deux premières fêtes étaient marquées par la force politique et la profondeur spirituelle, comment qualifier cette fête? Comment la qualifier, quand la récolte a été bonne ou quand la récolte laisse présager la famine? Je la qualifie, fête de la simplicité ou fête de la fragilité. Fragilité des symboles avec de simples branchages. Fragilité de notre marche, nous sommes toujours dans le désert et pas encore arrivés. Les promesses de Dieu sont là et pas encore là. Fragilité de mon comportement. Quand la loi nous dit: «Tu ne tueras point!» nous sommes donc invités à défendre, soutenir et favoriser la vie. Aider à vivre, quel programme!! c’est une lutte difficile et permanente!!
Célébrer la fragilité alors et y voir malgré tout, la bénédiction de Dieu. « le SEIGNEUR ton Dieu t’auras béni dans tous les produits de ton sol!» Ça c’est la reconnaissance, la joie du partage avec tous : ton fils, ta fille, ton serviteur, ta servante, le lévite, l’émigré, l’orphelin et la veuve (Deut 16,14). Joie universelle des récoltes, pas de frontière ou de conditions au partage.
« le SEIGNEUR ton Dieu t’auras béni dans toutes tes actions!» Ça c’est nouveau, particuliers et original, regard en arrière: reconnaître ce que j’ai réussi à faire, reconnaître ce que j’ai réussi à vivre, à communiquer!
Vous le savez, nous ne sommes pas tendre avec nous même. Nous nous critiquons, nous nous dévalorisons, nous sommes insatisfaits. «Je suis nul!» Je m’en veux!» «J’arriverai jamais à traverser ce désert!»
Alors fais un pèlerinage intérieur et cherche dans tes actions la bénédiction de Dieu. Sois fier de ce que tu as réussi à faire et à offrir. Fête des Tentes: fête de la simplicité de ce que j’ai réussi à faire.
Et pour souligner ce travail intérieur qui me rassure, qui me donne confiance et m’invite à durer, Moïse nous dit: «tu persévéreras dans l’état de joie!» La joie de tes récoltes, la joie de tes réussites, restes-y, persévère, rumine-les, médite-les, analyse-les, reçois-les comme une nourriture qui t’aide à tenir dans ta traversée.

«Tu persévèreras dans le joie car le SEIGNEUR t’auras béni dans toutes tes actions!»
Amen

Homélie du pasteur Raoul Pagnamenta, fête de la Toussaint, 1 novembre 2023

Homélie du pasteur Raoul Pagnamenta, fête de la Toussaint, 1 novembre 2023

Matthieu 5, 1-12

Pourquoi êtes-vous-chrétiens ?
Il se peut que vous ayez lu les évangiles.
Peut-être l’une ou l’autre parole de Jésus vous a frappé.
Des paroles qui vous montraient la vie autrement.
Ou peut-être vous avez rencontré une personne qui vivait de ces paroles.
Elle était différente des personnes que vous rencontrez d’habitude.
Plus douce, plus juste, plus disponible, plus vraie aussi.
Et cela vous a fait envie d’être comme elle.
Ou peut-être vous avez lu un ouvrage ou vu un film qui parlait d’une grande personnalité de la foi.
François d’Assise, Mère Theresa, Martin Luther King.
Vous avez découvert qu’on peut vivre pour autre chose que l’argent ou le pouvoir.
Et cela vous a fait envie de parcourir le même chemin.
Vous n’êtes pas venu à la foi par vous-même, c’est grâce à des humains qui vous ont précédé et qui ont vécu les valeurs de Jésus, de Paul et de Pierre.
Certains de ces humains sont devenus célèbres et ils vous ont impressionnés.
D’autres étaient des parents ou des amis proches.
Tous étaient nés de nouveau, nés d’autre chose que l’instinct de survie, nés d’une clairvoyance particulière qui vous a fait toucher à l’essentiel.
Une nuée de témoins, comme dit l’épître aux hébreux, ce que nous appelons la communion des saints, l’Église.

Cette façon particulière de voir qui vous a tant frappé est résumée dans les Béatitudes.

Les Béatitudes sont les premières paroles que Jésus prononce alors qu’il s’assied sur une colline pour enseigner.
Suit un long discours de la façon dont nous pouvons vivre les valeurs du Royaume de Dieu.

Si on lit attentivement on peut se rendre compte que Jésus ne parle pas à la foule.
Cet enseignement n’est pas pour tout le monde.
Jésus parle uniquement en présence de ses disciples.
La raison est simple.
Ses paroles ne sont pas faciles à avaler.
Quand il exhorte à donner l’autre joue lorsqu’on est frappé, à aimer son ennemi ou à renoncer à ses désirs s’ils nous séparent de nos frères et sœurs, il ne dit pas des choses qui vont de soi.
Dans un monde où pour survivre il faut se battre, il faut être le meilleur coûte que coûte, où il faut assurer son avenir, les paroles de Jésus sonnent étrangement.
Et pas n’importe qui peut les recevoir.
C’est pourquoi Jésus s’adresse uniquement à ses disciples.
Ils ont passé quelque temps avec lui. Ils ont appris à le connaitre et à lui faire confiance.
Ils l’ont vu vivre ses paroles et ils sentent qu’il y a une force, il y a une logique, une cohérence.
Ils sentent que Dieu est avec lui et lui font confiance.
Ils peuvent donc comprendre ce que Jésus veut dire et trouver le courage pour le vivre.

Les Béatitudes c’est un peu comme le préambule d’une constitution.
Au début du sermon sur la montagne elles posent le cadre.
Et ce cadre est la justice du royaume de Dieu.
Cette justice qu’il faut chercher avant toute chose, cette justice qui dépasse la justice des pharisiens.
Il ne s’agit pas d’être plus humain dans une logique de survie et de compétition, mais il s’agit de changer radicalement d’approche.

Ceux qui sont proclamés heureux dans les Béatitudes possèdent des qualités particulières.
Ces qualités sont parfois involontaires, données par les circonstances. On ne choisit pas toujours d’être pauvre, d’avoir faim et de pleurer.
D’autres qualités, par contre, on peut les cultiver, comme être doux, faire miséricorde, œuvrer pour la paix.
Ces qualités vont ensemble et ce sont les qualités du Royaume, ce sont les qualités de Dieu
Si les béatitudes peuvent être vécues, c’est parce qu’elles sont les qualités de Dieu.

Dieu qui est pauvre de tout ce que l’être humain désire, qui est doux, qui pleure sur l’état du monde, qui a faim et soif de justice, qui a un cœur simple et qui fait miséricorde.
C’est un dieu qui ne ressemble pas aux idoles de notre monde.
Un dieu qui ne peut pas être représenté comme Zeus ou Apollon.
Il n’a pas de muscles saillants, il meurt sur une croix.
Et pourtant il est puissant.
Plus puissant que nos idoles.
Sa puissance agit dans la douceur, dans l’amour, dans la simplicité.

Ce monde est le théâtre d’horreurs, de guerres, de crise climatique, de misère.
L’instinct de survie et de compétition ont amené le monde dans un chemin sans issue.
La force et la puissance que les humains vénèrent est en train de les tuer.

La force de Dieu par contre est une force de vie.
Une force qui agit dans les horreurs de notre monde et qui amène la vie et qui amène le Royaume.
C’est comme le brin d’herbe qui brise le goudron que les hommes ont posé.
Le brin d’herbe, pauvre, doux, assoiffé de vie est plus fort que le goudron de la mort.

Comme le brin d’herbe qui traverse le goudron à la recherche du soleil, ces béatitudes nous apportent des promesses.
Ces promesses sont au futur car elles ne sont pas encore réalisées.
Et pourtant ces promesses sont un miroir des qualités de Dieu.
Ces qualités qui ont en elles déjà la dynamique des promesses, ces qualités que nous sommes invités à vivre dans notre personne.
Aux doux sera donné la terre
Ceux qui ont faim et soif de justice seront exaucés
Ceux qui font miséricorde recevront miséricorde.
Il y a juste une promesse qui est au présent.
Elle est présente deux fois, au début et à la fin des Béatitudes.
C’est la promesse du royaume
Cette promesse est au présent.
Heureux les pauvres car le royaume de Dieu est à eux
Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume de Dieu est à eux.
C’est déjà une réalité.
Dieu agit par ces qualités
Et quand nous les incarnons, le royaume de Dieu prend place sur la terre.

Mais ce n’est pas facile.
A cause de notre instinct de survie et de notre besoin de nous battre pour vivre.
Car renoncer à l’instinct de survie, renoncer à se battre c’est angoissant.
Qu’est-ce qui va devenir de nous.
Même en tant que disciples nous avons peur de nous exposer de telle sorte.
La miséricorde ok, mais jusqu’à un certain point.
La justice ok, mais parfois il faut faire des compromis.
Il faut être raisonnable.

Je pense que le secret réside dans la première béatitude.
D’ailleurs c’est celle qui nous frappe le plus et qui nous dérange.
Heureux les pauvres en esprit.
En esprit.
C’est là que nous nous réfugions, que nous disons « ouf, ce n’est pas matériellement mais en esprit qu’il faut être pauvre. »
Mais en fait « en esprit » est plus radical.
Il ne s’agit pas d’être pauvre seulement matériellement, mais embrasser la pauvreté, l’accueillir dans la vie comme le signe du royaume.
Quand nous sommes dépouillés de tout, quand nous sommes prêts à renoncer à tout alors plus rien ne nous fera peur.
Nous n’aurons plus peur de perdre quelque chose car nous aurons déjà tout donné.

Dieu peut venir habiter dans nos vies et faire avancer son royaume.

C’est ce qu’a vécu St-François d’Assise,
c’est ce que nous vivons un peu aussi nous et des personnes que nous avons côtoyées et qui nous ont marqués.
C’est ce qu’apportent les saints de Dieu sur cette terre.
Une autre façon d’être, une façon d’être qui parait faible, mais qui en effet est forte.
La seule façon d’être qui est vraiment forte et porteuse de vie car en elle Dieu agit.
Heureux si vous pouvez vivre cela et faire partie de la communauté des saints. Amen

Prédication de la pasteure Aline Lasserre, le 26 octobre 2023

Prédication de la pasteure Aline Lasserre, le 26 octobre 2023

Prédication Luc 12,1 à 11. Ne craignez pas, le S-E vous inspirera…
Romains 12, 16 à 21 Ne te laisse pas vaincre par le mal.

La foule est dense, très nombreuse, Luc la décrit ainsi : « des myriades de la foule qui se marchent sur les pieds ». Cette foule rassemblée attend et espère … car les temps sont rudes et inquiétants. Jésus s’adresse en priorité à ses disciples, parce que ce sont eux qui, à son image devront prendre soin de cette foule comme il le fait, Lui, maintenant en prenant soin d’eux.
A tous ceux qui sont là présents ce jour-là et à nous tous assemblés ici en cette chapelle, le Seigneur dit : Ne craignez pas ceux qui ne peuvent tuer que le corps… Qui d’autre que lui pourrait dire une telle parole ?
Assurément personne. Jésus est le seul à pouvoir le formuler ainsi parce qu’il a l’autorité pour le dire, nous enracinant en Dieu qui est le seul garant de toute vie.
Face à l’inquiétude en nous et autour de nous, souvent nous faisons appel à la confiance. A celui qui évoque sa peur, nous disons : « ne t’en fais pas, ça va aller », alors même que nous pensons que le chemin sera rude. Cela part de nos bonnes intentions mais parfois peut-être aussi de notre lassitude devant l’inquiétude perpétuelle de l’angoissé à qui nous disons, « arrête de te faire du souci, cela n’y changera rien… »
Mais le seul qui puisse nous établir en confiance solide et véritable, c’est le Seigneur. Et dans nos tentatives d’apaisement, de réconfort ou de soutien dans l’angoisse, c’est à lui que nous pourrons recourir, c’est en tous cas ainsi que Jésus l’enseigne ce jour-là.

Jésus donne à ses disciples le fondement de leur sécurité et les conditions de cette sécurité.

Dans cet écrit, Luc s’adresse à sa communauté qui se trouve confrontée à la mort. Ce sont les temps de persécutions des chrétiens, Luc se réfère au Christ qui lui-même a affronté la mort et qui par sa résurrection a manifesté que la mort n’est pas la fin de tout pour celui qui croit.
« Ne craignez pas ceux qui ne peuvent tuer que le corps, mais craignez celui qui a le pouvoir de jeter dans le néant… » ou dit autrement, ne craignez pas la mort infligée par les humains, mais craignez de vous séparer définitivement de Dieu.
Je ne sais pas comment cela résonne en vous, mais en moi c’est compliqué, parce qu’à la fois je me dis que, bien sûr, la Vie de Dieu avec un grand V est plus précieuse que tout. Pourtant dans mon quotidien, je mesure tous les efforts qui sont faits pour préserver au maximum cette vie ici-bas, parfois jusqu’à l’absurde, en nous faisant prendre toutes sortes de mesures visant à réduire les risques à un point zéro, au détriment du déploiement de la vie. De plus, moi ici, je ne suis pas menacée de mort.
Les destinataires de cet écrit le sont concrètement, Jésus, qui l’a vécu, sait que ses disciples vivront le même rejet, alors il vient, comme toujours, les équiper. A nous tous, il indique que le danger qui nous menace bien davantage que la mort que peuvent nous infliger les humains, le danger le plus grand c’est notre infidélité, c’est de le quitter Lui.
Voilà ce qui est à craindre.
Même celles et ceux qui ne reconnaîtraient pas mon ministère dit Jésus, cela ne sera pas si grave, mais ne pas reconnaître l’agir de Dieu en vous, sa présence au coeur de vos vies, voici le plus grand danger.
Si vous refusez cette présence que Dieu manifeste en vos cœurs par son Esprit, alors oui vous vous serez coupés de celui-là seul qui peut vous venir en aide. Vous resterez dans l’inquiétude de savoir que dire, que faire, parce que tout seuls vous n’avez pas les moyens de vous procurer la paix.
Jésus n’appelle pas ses disciples à une confiance aveugle, il les équipe de manière à comprendre et à vivre de cette confiance que lui-même puise à sa source.
Jésus l’assure, Dieu veille sur les moineaux, il sait combien nous avons de cheveux sur notre tête. Qu’est-ce à dire si ce n’est que Dieu tient l’entier de sa création entre ses mains et qu’il en est le Veilleur, cela seul devrait restaurer notre confiance profonde.
Jésus nous en a donné le modèle, par sa vie et sa mort sur la croix.
Il nous appartient de puiser à la bonne source et cela Jésus à nouveau nous l’indique, soyez vigilants, veillez à ce qui vous nourrit.
Ne vous nourrissez pas du levain des Pharisiens, eux qui disent et ne font pas, eux qui vous égarent en une voie hypocrite mais apprenez à discerner à la suite de qui vous marchez. Il ne suffit pas que le discours soit religieux pour qu’il soit fidèle.
Cet appel à la vigilance résonne pour moi comme l’interpellation adressée à nous tous qui témoignons de l’Evangile, sommes-nous de celles et de ceux qui mènent à la source ou qui égarent ceux qui nous sont confiés ?
Tous mettons-nous ensemble à l’écoute de l’Esprit qui était promis aux disciples pour les inspirer lors des interrogatoires qu’ils auraient à affronter.
Aujourd’hui encore, dans tous les lieux de nos incertitudes, de nos réflexions ou de nos confrontations, souvenons-nous de cette promesse de l’assistance de l’Esprit.
C’est sur nous tous que le Seigneur compte pour rester vigilants et résistants face au mal, comme le formulait Paul à la communauté de Rome, « ne te laisse pas vaincre par le mal ».
Pour moi cela évoque la résistance au mal par tous les moyens qui nous sont donnés. C’est notre vigilance politique par rapport aux partis attisant les propos de haine ; c’est notre vigilance sociale en veillant au bien de ceux qui nous entourent, particulièrement des plus faibles. C’est aussi notre vigilance spirituelle en veillant à notre ancrage dans une confiance profonde et sans cesse à cultiver.
Je terminerai par ces mots du grand théologien Karl Barth, qui à la veille de sa mort affirmait ceci :
« Oui le monde est sombre. IL ne faut surtout pas rester la tête basse ! Jamais !
Car on gouverne, pas seulement à Moscou ou à Washington ou à Pékin, mais aussi de tout en haut, du ciel. Dieu gouverne.
C’est pour cela que je n’ai pas de crainte. Restons optimistes même dans les instants les plus sombres ! Ne laissons pas sombrer l’espérance, l’espérance pour tous les êtres humains, pour le monde des peuples tout entier ! Dieu ne nous laisse pas tomber, ni un seul d’entre nous, ni nous tous dans son ensemble ! On gouverne (es wird regiert). »
Amen.

Aline Lasserre, Grandchamp 26 octobre 2023

Homélie du pasteur Jean-Philippe Calame, le 29 octobre 2023

Homélie du pasteur Jean-Philippe Calame, le 29 octobre 2023

Ex. 22,21-27 / 1 Th. 1,5-10 / Mt. 22,34-40

Les pharisiens viennent à Jésus pour lui tendre un piège.
En quoi consiste ce piège ?
Il s’agit de faire dire à Jésus qu’un commandement est plus grand que les autres. C’est un piège, parce que lorsque les rabbins parlaient de la multitude de commandements et de prescriptions, c’était surtout pour souligner que tous avaient une égale importance, du plus petit jusqu’au plus grand. La tradition dit par exemple :  « de même que celui qui transgresse tous les commandements rejette le joug et rompt l’alliance et dévoile sa face contre la loi, pareillement celui qui transgresse un seul commandement rejette le joug, dévoile sa face contre la loi et rompt l’alliance » ; ou encore : «  que le commandement léger te soit aussi cher que le commandement grave ». La tradition affirme donc que si l’on néglige un commandement, on manque de respect à l’égard de l’ensemble de la loi.

Les pharisiens demandent donc à Jésus : « Maître, quel est le plus grand commandement » ?

Jésus ne tombe pas dans le piège. Certes, il parle d’un grand commandement, et même il le qualifie de premier. Mais ce n’est pas au sens d’une hiérarchie ! Sa réponse exclut que l’on fasse une hiérarchie entre les commandements. Bien plutôt, Jésus réunit tous les commandements, et garde l’importance de chacun, mais il met à neuf le regard que nous portons sur l’ensemble des commandements en déclarant que l’amour envers Dieu doit imprégner la pratique de chaque commandement. Ce que dit Jésus, c’est que tout doit être commandé par l’amour envers Dieu, un amour qui mobilise toute la personne, son cœur, ses pensées, toute son énergie et ses capacités. Chaque commandement place donc l’être humain devant Dieu. Car chaque commandement, du plus petit au plus grand, peut être une occasion d’aimer Dieu réellement.
Ainsi, dans la bouche de Jésus le premier commandement ne signifie pas le premier ou le plus haut par rapport aux autres mais c’est le commandement qui donne le ton pour tous les accomplir ! Il est le premier en importance par son contenu : l’amour envers Dieu. Et c’est l’amour envers Dieu qui donne signification à tous les commandements ; c’est par amour pour Dieu que l’on observe chaque commandement, du plus léger au plus grave.

Vous le voyez, les pharisiens pensaient pouvoir prendre Jésus en défaut de fidélité par rapport à la loi, en lui faisant dire que telle prescription plus importante et par conséquent que d’autres seraient de moindre importance, mais par sa réponse Jésus leur donne en fait une double exhortation :
« a) Souvenez-vous d’aimer Dieu, d’un amour entier, total, du fond de votre être et de tout votre cœur. Dieu vous a donné la vie, Dieu vous enseigne à protéger et favoriser cette vie par le respect des commandements ;
b) et chaque commandement, observez-le par amour pour Dieu – et non par contrainte, ni pour alimenter une quelconque prétention de votre part face à Dieu ».

 

Ensuite, à mes yeux, Jésus crée la surprise en plaçant l’amour envers le prochain au même degré d’importance que l’amour envers Dieu ! Il dit : « Un second commandement est tout aussi important : tu aimeras ton prochain comme toi-même ».
Bien sûr il y a une différence : l’amour pour Dieu prend d’autres formes que l’amour pour le prochain, car Dieu est le tout Autre et le prochain n’est pas Dieu. Mais aux yeux de Jésus, ces deux amours ont une égale gravité. Aimer le prochain est aussi urgent que d’aimer Dieu !
L’amour du prochain doit mobiliser notre personne tout entière, tout comme doit le faire le service de Dieu. Notre attention aux autres être humains est placée au même rang que la considération pour Dieu. Tel est le cœur de la volonté de Dieu. La volonté de Dieu culmine dans ces deux commandements ; l’amour envers Dieu et l’amour pour autrui, et c’est ce qui donne sens à toute autre ordonnance.

On voit bien qu’ici Jésus ne donne pas seulement un enseignements de morale. Il nous fait faire une vraie découverte, il nous fait une révélation : à savoir qu’il est dans la nature de Dieu, que c’est le propre de Dieu d’attribuer autant d’importance à l’être humain qu’à lui-même. Davantage : c’est le propre de Dieu, c’est dans sa nature de se donner à tel point que la vie de l’être humain passe avant la sienne, comme on le voit en Jésus.

 

 

Voilà qui fait surgir des questions. En voici une : mes sœurs, mes frères, à l’évidence, c’est par amour pour Dieu que nous participons au culte, à la liturgie. Mais voilà que Jésus place au même rang l’urgence d’aimer son prochain…
Dès lors : est-ce que je viens vivre le culte et participer à la Cène pour moi ou pour faire corps avec mes frères et sœurs ?
Est-ce que je vis le culte et participe à la communion avant tout pour nourrir et affermir ma relation avec Dieu ? ou est-ce que je vis le culte et participe à la communion pour que Dieu nourrisse et affermisse en moi un amour entier pour mes frères et sœurs  ?

Il y a certainement là du chemin à faire ! Il y a là certainement une marge de progression, comme on dit en certains milieux !

Oui, la Cène nous est donnée par le Seigneur en particulier comme viatique, pour qu’en chemin grandisse et s’approfondisse avec la même urgence notre amour envers le prochain et notre amour envers Dieu.
Mais seul Dieu, qui s’est abaissé jusqu’à nous nous enseigne à élever le prochain au même niveau que nous.

Ce n’est donc pas un hasard si notre Seigneur donne le commandement de nous mettre ensemble autour de sa table. Dans la Cène se reflète ainsi le projet, le dessein de Dieu : nous établir frères et sœurs, et de nous faire croître comme une seule et même famille.
À sa table, il nous ouvre la porte vers sa propre vie. Et l’amour qui circule entre le Père, le Fils, L’Esprit Saint veut nourrir l’amour réciproque entre les frères et sœurs d’un même sang, le sang de Jésus-Christ. Amen.