Homélie par le pasteur Pierre Bühler le 26 mars

Homélie par le pasteur Pierre Bühler le 26 mars

Hébreux 10,32-39

(32) Mais souvenez-vous de vos débuts : à peine aviez-vous reçu la lumière que vous avez enduré un lourd et douloureux combat, (33) ici, donnés en spectacle sous les injures et les persécutions ; là, devenus solidaires de ceux qui subissaient de tels traitements. (34) Et, en effet, vous avez pris part à la souffrance des prisonniers et vous avez accepté avec joie la spoliation de vos biens, vous sachant en possession d’une fortune meilleure et durable. (35) Ne perdez pas votre assurance, elle obtient une grande récompense. (36) C’est d’endurance, en effet, que vous avez besoin, pour accomplir la volonté de Dieu et obtenir ainsi la réalisation de la promesse. (37) Car encore si peu, si peu de temps, et celui qui vient sera là, il ne tardera pas. (38) Mon juste par la foi vivra, mais s’il fait défection, mon âme ne trouve plus de satisfaction en lui. (39) Nous, nous ne sommes pas hommes à faire défection pour notre perte, mais hommes de foi pour le salut de nos âmes.

Matthieu 24,1-14

(1) Jésus était sorti du temple et s’en allait. Ses disciples s’avancèrent pour lui faire remarquer les constructions du temple. (2) Prenant la parole, il leur dit : « Vous voyez tout cela, n’est-ce pas ? En vérité, je vous le déclare, il ne restera pas ici pierre sur pierre : tout sera détruit. » (3) Comme il était assis, au mont des Oliviers, les disciples s’avancèrent vers lui, à l’écart, et lui dirent : « Dis-nous quand cela arrivera, et quel sera le signe de ton avènement et de la fin du monde. (4) Jésus leur répondit : « Prenez garde que personne ne vous égare. (5) Car beaucoup viendront en prenant mon nom ; ils diront : “C’est moi, le Messie”, et ils égareront bien des gens. (6) Vous allez entendre parler de guerres et de rumeurs de guerre. Attention ! Ne vous alarmez pas : il faut que cela arrive, mais ce n’est pas encore la fin. (7) Car on se dressera nation contre nation et royaume contre royaume ; il y aura en divers endroits des famines et des tremblements de terre. (8) Et tout cela sera le commencement des douleurs de l’enfantement. (9) Alors on vous livrera à la détresse, on vous tuera, vous serez haïs de tous les païens à cause de mon nom ; (10) et alors un grand nombre succomberont ; ils se livreront les uns les autres, ils se haïront entre eux. (11) Des faux prophètes surgiront en foule et égareront beaucoup d’hommes. (12) Par suite de l’iniquité croissante, l’amour du grand nombre se refroidira ; (13) mais celui qui tiendra jusqu’à la fin, celui-là sera sauvé. (14) Cette Bonne Nouvelle du Royaume sera proclamée dans le monde entier ; tous les païens auront là un témoignage. Et alors viendra la fin.

Chères sœurs, chers frères en Jésus-Christ,

Quand j’ai reçu de sœur Pascale ces deux textes difficiles prévus pour la célébration d’aujourd’hui, la crise du coronavirus était déjà la grande préoccupation, mais elle était encore lointaine, même si on la sentait se rapprocher inexorablement. Et aujourd’hui, elle est là, en Europe, frappant surtout l’Italie, l’Espagne, mais aussi la Suisse. Les cas de contamination sont en constante augmentation, de même que les morts. Un de mes cousins est mort du coronavirus la semaine passée. Si le virus infecte l’organisme de certains, il infecte aussi l’esprit de tous. Il nous obnubile et nous inquiète, au point où on ne pense plus qu’à lui. Il y a quelques jours, j’ai rencontré un voisin complètement atterré qui me disait, le visage ravagé : « C’est la fin du monde ! ».
Je me suis donc dit tout d’abord qu’il fallait prêcher sur le passage de Matthieu 24, qui appartient à ce qu’on appelle la petite apocalypse des évangiles synoptiques : un discours de Jésus sur la fin des temps, en réponse aux questions des disciples. D’ailleurs, plusieurs parallèles entre le texte et notre situation s’imposaient d’emblée : des faux prophètes qui égarent par de faux espoirs ou qui suscitent la panique, si bien que les gens font leurs provisions en pillant les magasins et en insultant les vendeuses ; des gouvernants qui dressent nation contre nation, comme Donald Trump qui, à coup de milliards, voulait réserver un vaccin allemand en préparation aux seuls malades des États-Unis ; des gens qui ne vous parlent que de guerre, comme le président Macron qui, s’adressant à son peuple, répète sans cesse « Nous sommes en guerre ». Et le texte dit encore : « et alors un grand nombre succomberont », évoquant ainsi les morts dont nous lisons chaque jour les statistiques, tétanisés, sidérés par l’évolution.

Mais c’est soudain un petit passage de la fin de ce texte qui a attiré mon attention :
« l’amour du grand nombre se refroidira ; mais celui qui tiendra jusqu’à la fin, celui-là sera sauvé. » Une question d’amour, donc ? Un amour qui ne doit pas refroidir, qui doit tenir jusqu’au bout ? Et cela m’a fait me tourner vers le texte de l’épître aux Hébreux. À quoi bon une vision de la fin des temps si elle nous empêche de vivre au quotidien ? Dans le texte de l’épître, on ne parle que discrètement de celui qui doit venir à la fin des temps, mais on y parle concrètement d’un combat, d’une épreuve au quotidien, en appelant instamment à ne pas perdre l’assurance, à garder la confiance. Et c’est surtout le début du verset 16 qui s’est tout à coup imprimé dans mon esprit : « C’est d’endurance que vous avez besoin ». Et je me suis dit : oui, c’est ça, le message pour un temps de crise : « C’est d’endurance que vous avez besoin. »
Mais que veut dire « endurance » ? Ce substantif vient du verbe « endurer », qui provient du latin médiéval indurare, qui signifie « durcir, se durcir ». Il s’agit donc de renforcer sa résistance, pour ne pas se laisser toucher par les moindres difficultés, se faire une carapace, comme la tortue. Mais il y a un danger à trop se durcir : on peut se cuirasser, se blinder, au point de ne plus rien sentir. Or, il n’est pas sûr qu’un tel blindage permette de tenir sur la durée. Car si l’on veut endurer une crise, il faut aussi pouvoir durer, « tenir jusqu’à la fin », dit Matthieu. Or, à avoir trop de blindage, on peut aussi s’épuiser, comme ces chevaliers du Moyen-Âge qui croulaient parfois sous le poids de leurs armures.
Il est intéressant que « durée » a la même racine durare, indurare, que l’endurance. On pourrait donc dire que l’endurance sera un sage équilibre entre la dureté et la durée. Et le terme grec pour « endurance » dans notre texte vient de la racine menein, qui veut dire
« rester ». Si l’on veut donc durer, rester, tenir, il faut que la dureté laisse aussi de la place à la flexibilité, à une souplesse intérieure, et donc aussi à la fragilité.
En ces temps que nous sommes en train de vivre, nous sommes incertains, inquiets. Il serait vain de le nier. Pour le bien de notre endurance, il faut bien plutôt accepter pleinement cette incertitude. Elle fait partie de nous, nous rend fragiles. En l’acceptant, nous pouvons aussi l’intégrer, au lieu de la laisser se développer en une panique incontrôlée. L’endurance, c’est développer une distance, une liberté intérieure à l’égard de l’incertitude : nous la sentons, nous la laissons être là, mais elle ne nous domine pas. « Ne perdez pas votre assurance », dit l’épître aux Hébreux. Et comme le dit Ésaïe (30,15) : « Votre force est dans le calme et la confiance ».
Dans la panique, nous sommes rejetés sur nous-mêmes. Chacun ne pense plus qu’à lui- même, à se protéger, à se munir de ce qu’il faut. Et on risque de ne voir dans l’autre que le danger de la contamination. De vieux réflexes médiévaux peuvent renaître : il faut fuir les autres « comme la peste ». Mais cela génère la solitude. Et ce serait une illusion de croire que notre endurance profite de cette solitude, de l’enfermement en soi. L’épître aux Hébreux souligne plutôt que nous ne sommes pas seuls. L’endurance est soutenue par une promesse appelée à se réaliser toujours plus : il y a celui qui vient à nous, qui sera là, celui qui s’est déclaré avec nous, parmi nous. La promesse que Jésus, ce grand solidaire, vient à nous, permet à notre endurance de lutter contre la solitude du chacun pour soi.

S’il vient à nous, lui, nous pouvons aussi aller vers les autres. La règle de la distance sociale, qui nous met à deux mètres les uns des autres, la règle du confinement dans nos appartement, nos maisons, tout cela pourrait nous rendre apathiques, renforçant la solitude. Mais la solidité de notre endurance ne se nourrit pas de solitude, mais de solidarité. Et c’est peut-être un des grands enseignements de ce temps, à ne pas oublier trop vite : la crise que nous vivons suscite de nouvelles solidarités, de nouvelles sollicitudes pour celles et ceux qui sont plus exposés, plus fragiles que nous. Notre texte exprime cette solidarité en disant : « vous avez pris part à la souffrance des prisonniers », et il est vrai que nous devons être en souci aujourd’hui pour les prisonniers : comment lutter contre la contagion du coronavirus quand les prisons contiennent deux ou trois fois plus de prisonniers qu’il n’y a de places ? Il en va de même pour les requérants d’asile, les grands oubliés de la solidarité : les instances de l’asile sont interpellées pour appliquer les règles de confinement dans les centres, mais elles semblent être plus soucieuses de se munir de vitres en plexiglas pour continuer leurs auditions et leurs décisions de renvoi ! Et je n’ose même pas imaginer quels ravages le coronavirus pourra faire, est peut-être déjà en train de faire dans les camps surpeuplés des îles grecques, où des dizaines de milliers de personnes vivent entassés, malades, mal nourries, sans moyens d’hygiène. La solidarité doit être pour tous sans distinction, sans exclusion. Non, nous ne laisserons pas l’amour du grand nombre se refroidir !
Au vu de toute cette situation, nous pourrions succomber à la résignation, à un sentiment tragique d’impuissance. Mais cela nuirait fort à notre endurance. Nous avons besoin d’un ressort spirituel, qui nous redonne sans cesse le courage de vivre avec sérénité et confiance, la persévérance de faire ce que nous pouvons, chacune et chacun avec ses forces et ses faiblesses. Un conte originaire des Andes raconte qu’un grand feu ravage la forêt. Tous les animaux fuient et assistent à la catastrophe de loin, tétanisés. Sauf un colibri qui vole à la rivière, prend une goutte dans son bec et va la jeter dans les flammes, revient à la rivière, reprend une goutte, va la jeter dans les flammes, et ainsi de suite. Les autres animaux lui demandent : « Qu’est-ce que tu fais là ? » Sans s’arrêter, le colibri leur répond : « Je fais ce que je peux ! »
Ce ressort spirituel, qui nous permet de ne pas capituler, de continuer malgré tout, de trouver notre force dans ce « malgré tout », c’est l’humour. C’est lui qui nous donne cette liberté intérieure qui alimente l’endurance, c’est lui qui lui donne ce bon alliage de résistance et de souplesse que les psychologues, après les physiciens de la matière, appellent la résilience.
« À peine aviez-vous reçu la lumière que vous avez enduré un lourd et douloureux combat », dit l’épître aux Hébreux. Mais elle ne dit pas que cette lumière a disparu. Elle continue d’éclairer le combat, telle est la conviction qui soutient l’endurance. Cela, nous pouvons le vivre, sous un angle spirituel, dans la prière : en pouvant mettre des mots sur nos expériences, en pouvant les exprimer par des paroles qui nous ont été transmises et qui sont porteuses de lumière, nous pouvons laisser un peu de lumière se répandre dans le monde, pour illuminer les ténèbres des souffrants. J’en suis frappé, c’est ce que demande, dans l’ArcInfo de ce matin, le chirurgien des cœurs d’enfants René Prêtre, en s’adressant aux aînés : « Nous savons que vous aimeriez nous aider. Vous n’avez pourtant que ce confinement et peut-être vos prières à nous offrir. Mais, offrez-les-nous ! L’un et l’autre nous aident, l’un et l’autre nous sont importants. »
Mais le médecin appelle aussi les aînés, il nous appelle toutes et tous aussi, à la reconnaissance, une reconnaissance à l’égard de toutes et tous ceux qui travaillent sans répit au soin des malades. Et notre endurance, c’est aussi cette reconnaissance à l’égard de tout ce qui est fait pour nous, quotidiennement. C’est avec un humour émouvant que René Prêtre appelle à cette reconnaissance : « à 21h, applaudissez nos soldats qui, au front, se battent avec tant de bravoure. Moi, je le fais avec une grosse cloche d’alpage. Elle a été fondue à mon nom par le père d’un enfant à qui j’avais réparé le cœur. J’ai longtemps pensé qu’elle n’aurait qu’une valeur décorative, jusqu’à aujourd’hui où, tous les soirs, elle résonne de son grave carillon sur mon quartier. »
Chers frères et sœurs, « c’est d’endurance que vous avez besoin. » En cette fin de mars, notre endurance est à l’école du chemin de la Passion, de la montée vers Vendredi-Saint et Pâques. Mais nous devons nous préparer à des célébrations très particulières, et notre endurance devra se nourrir de simplicité. Les cultes se feront dans des cathédrales, des collégiales, des basiliques, des temples vides. L’épître aux Hébreux nous appelle à nous souvenir que nous sommes entourés d’une « nuée de témoins » (Hébr 12,1). Alors nous nous souviendrons de ces témoins de jadis qui ont célébré leurs cultes en des gestes simples, dans l’intimité, dans des maisons particulières, ou dans les catacombes, ou encore à l’affût dans les forêts des Cévennes, sous les ponts ou dans les grottes du Jura. Et peut-être que le message de Pâques retentira de manière d’autant plus élémentaire : « La mort a été engloutie dans la victoire. Mort, où est ta victoire ? Mort, où est ton aiguillon ? »
Amen, qu’il en soit ainsi.

Quelques nouvelles

Quelques nouvelles

MERCI pour tous vos gestes et vos messages de communion. Vos prières et vos pensés nous soutiennent et nous encouragent !

Et… si vous nous entendez tousser ou éternuer pendant la prière, ne vous faites pas de soucis! À côté du coronavirus, il y  a aussi la saison des allergies et des petits rhumes normaux. Nous prenons toutes les précautions recommandées très au sérieux, et donc isolons une soeur qui commence un rhume ou une allergie, pour être sûre, et ensuite elle revient à la chapelle.

Après les premiers renoncements difficiles : la fermeture d’accueil, le renoncement aux eucharisties et puis le renoncement aux prières communes ouvertes, nous sommes en train de nous ajuster à la situation.

Dispersées dans toute la chapelle nous pouvons continuer avec nos prières communes. Nous rendons grâce pour la transmission en direct de nos prières qui nous met en communion avec tant de personnes. Comme nous l’avons exprimé : La proximité dans la prière ne dépend pas de la proximité physique (même si ce n’est pas la même chose). La prière est un lien au-delà de tout, qui se renforce parfois par l’absence physique, et nous unit toujours.

Le monde a urgement besoin de la prière et dans cette « retraite imposée » que nous vivons, la prière nous devient de plus en plus essentielle.

Jusqu’à nouvel avis nous ajoutons une prière silencieuse de 15h à 15h30.

Nous ne pouvons pas accueillir dans la chapelle pendant les moments de prière mais la chapelle reste ouverte pour la prière individuelle de :

8h15 à 12h
12h45 à 14h45
15h45 à 17h45

Nous réfléchissons comment continuer avec notre accueil et nos retraites autrement. Petit à petit nous allons développer le contenu sur notre site. Nous essayons de rendre disponible le plus possible de la structure de nos prières. (Mais nous n’allons peut-être pas toujours pouvoir suivre les changements… )

La célébration de l’eucharistie jeudi soir est remplacée par une prière du soir mais nous avons voulu donner une couleur spéciale à la prière du matin le dimanche. En signe de ce temps de jeûne nous mettons un calice et une patène vides sur l’autel et nous lisons une homélie écrite par un/une pasteur-e.

Ce temps demande notre créativité et ensemble nous pouvons essayer d’entrer dans cette « retraite imposée ». Peut-être qu’il y aura des fruits inattendus ?

Homélie du 22 mars 2020 par le pasteur Jean-Louis L’Eplattenier

Homélie du 22 mars 2020 par le pasteur Jean-Louis L’Eplattenier

Jn 6, 1 – 15

Dimanche dernier, avec Jésus et la Samaritaine, au puits de Jacob, nous avons vécu la rencontre de deux soifs qui s’attendaient, comme si l’eau cherchait la soif pour abreuver le corps de l’un et l’âme de l’autre.

Aujourd’hui, face à cet autre besoin vital = le pain, en multipliant à l’infini le pique-nique d’un enfant, Jésus nous dit sa sollicitude face à l’urgence, jusque dans le détail : il y a beaucoup d’herbe, Jésus fait asseoir tout le monde ; Marc, dans son évangile, précise que sur l’herbe verte, les gens s’étendent par rangées de cent et de cinquante !

Jésus nous redit aussi, bien sûr, que rien ne lui est impossible.

Au désert, les hébreux ont fait l’expérience du miracle de la manne, abondante, mais au jour le jour. Ici, il n’y a pas assez de mots pour dire la démesure de la générosité de Jésus : Il leur en donne autant qu’ils en désiraient et il en reste douze paniers.

On ne peut pas accueillir cet évangile, sans faire référence à l’enseignement que Jésus en donne à la foule qui le poursuit et qui négocie = « Je suis le Pain de Vie », dit-il.

Jésus nous rejoint dans notre humanité fragile, dépendante de son travail, et des fruits de la terre. N’est-ce pas ce que nous demandons, quand nous prions : « Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour ? »…… le pain de la survie, au jour le jour pour restaurer les forces du corps et de l’âme, pour nous et pour notre monde. Notre prière rejoint la demande de la Samaritaine : « donne-moi cette eau pour que je n’aie plus soif » et celle de la foule : « donne-nous toujours de ce pain-là. »

Notre monde est habité de faims et de soifs, sans fin = faim de pain : celui de l’amour, de la confiance, du pardon, de la vérité ; soif d’eau, de vie, de justice, de paix : comment cet Évangile peut-il être une bonne nouvelle pour nos frères et sœurs affamés et assoiffés ?

Je me souviens que Dieu ne fait rien sans nous ; Il a faim et soif de notre communion avec Lui et avec nos frères et sœurs en humanité, pour aller à la rencontre des précarités qui défigurent l’ordre de la Création.

Quant aux douze paniers, rassemblant les morceaux qui restent, afin que « rien ne soit perdu », j’aime croire qu’ils servent à nourrir l’Église, jusqu’à la fin des temps.

C’est étrange de parler d’Eucharistie alors que nous en sommes privés ; peut-être est-ce donné de vivre un temps de jeûne, rendant plus évident le manque et la fête dont nous sommes privés, un temps de jeûne réveillant et stimulant une communion et une solidarité très humaine, que l’Esprit Saint habite avec force et douceur.

Jésus nourrit notre faim spirituelle, et, paradoxalement cette faim engendre une faim de Dieu qui ne saurait être comblée = une faim et une soif qui exacerbent le désir de communion avec Dieu, qui fait dire au psalmiste :

Dieu, tu es mon Dieu, je te cherche dès l’aube.
Mon âme a soif de toi, mon corps soupire après toi,
comme une terre sèche, aride, sans eau ;
mon âme se presse contre toi…
Amen.

Introductions pour les prières du matin et du soir – carême

Introductions pour les prières du matin et du soir – carême

SAMEDI SOIR

Revenez au Seigneur votre Dieu
–– Car il est tendresse et pitié

Enseigne-moi à faire tes volontés,
–– Car c’est toi mon Dieu ;
Que ton souffle de bonté me conduise
–– Par une terre unie. 

À cause de ton nom, Seigneur,
–– Fais que je vive en ta justice ;
Tire de l’oppression mon âme
–– Car moi je suis ton serviteur. 

Digne est l’Agneau immolé de recevoir la puissance, la richesse, la sagesse,
–– La force, l’honneur, la gloire et la louange. Amen

DIMANCHE MATIN

Revenez au Seigneur, il a pitié de vous,
–– A notre Dieu, il est large en pardon.

Enseigne-moi, Seigneur, tes voies,
––Afin que je marche en ta vérité.
Rassemble mon cœur pour qu’il te craigne,
––Car toi, Seigneur, tu m’aides et me consoles.

Je te rends grâce, Dieu mon Maître, de tout cœur,
––Je rendrai gloire à ton nom à jamais,
Car ton amour est grand pour moi,
––Tu m’as tiré du plus profond des enfers.

A celui qui siège sur le trône et à l’Agneau,
––Louange, honneur, gloire et puissance dans les siècles des siècles. Amen.

DIMANCHE SOIR

Revenez au Seigneur votre Dieu
–– Car il est tendresse et pitié

Au jour de l’angoisse, je t’appelle,
–– Car tu me réponds, ô mon Maître ;
Entre les dieux, pas un comme toi,
–– Rien qui ressemble à tes œuvres.

Tous les peuples viendront t’adorer,
–– O Maître, et rendre gloire à ton nom ;
Car tu es grand et tu fais des merveilles,
–– Toi, Dieu, et toi seul.

Digne est l’Agneau immolé de recevoir la puissance, la richesse, la sagesse,
–– La force, l’honneur, la gloire et la louange. Amen

LUNDI SOIR

Revenez au Seigneur votre Dieu
–– Car il est tendresse et pitié

O toi, Dieu de tendresse et de pitié.
–– O Maître, lent à la colère,
Plein d’amour et plein de vérité
–– Tourne-toi vers moi, pitié pour moi.

Donne à ton serviteur ta force,
–– Et ton salut au fils de ta servante ;
Fais pour moi un signe de bonté,
–– Car toi, Seigneur, tu m’aides et me consoles. 

Digne est l’Agneau immolé de recevoir la puissance, la richesse, la sagesse,
–– La force, l’honneur, la gloire et la louange. Amen

MARDI MATIN

Revenez au Seigneur, il a pitié de vous,
–– A notre Dieu, il est large en pardon.

Heureux qui est absous de son péché,
acquitté de sa faute ;
–– Heureux l’homme  à qui le Seigneur
n’impute aucun tort.

Je me taisais et mes os se consumaient
à gémir tout le jour ;
–– La nuit, le jour ta main
pesait sur moi.

Mon cœur était changé en un chaume
au plein feu de l’été ;
–– Ma faute, je te l’ai fait connaître,
je n’ai point caché mon tort.

J’ai dit : j’irai au Seigneur
confesser ma faute ;
–– Et toi, tu as absous mon tort,
pardonné mon péché.

A celui qui siège sur le trône et à l’Agneau,
––Louange, honneur, gloire et puissance dans les siècles des siècles. Amen.

MARDI SOIR

Revenez au Seigneur votre Dieu
–– Car il est tendresse et pitié

Ma faute, je te l’ai fait connaître,
je n’ai point caché mon trot ;
–– j’ai dit : j’irai au Seigneur
confesser ma faute.

Et toi, tu as absous mon tort,
pardonné mon péché ;
–– Aussi chacun des tiens te prie
à l’heure de l’angoisse.

Que vienne à déborder les grandes eaux,
Elles ne peuvent m’atteindre :
–– tu es pour moi un refuge,
de l’angoisse tu me gardes.

Digne est l’Agneau immolé de recevoir la puissance, la richesse, la sagesse,
–– La force, l’honneur, la gloire et la louange. Amen

MERCREDI MATIN

Revenez au Seigneur, il a pitié de vous,
–– A notre Dieu, il est large en pardon.

Pitié pour moi, Seigneur, en ta bonté,
–– En ta tendresse efface mon péché
Lave-moi de toute ma faute
–– Et de mes torts, Seigneur, purifie-moi.

Car mon péché, moi, je le connais,
–– Ma faute est devant moi sans relâche ;
Contre toi, toi seul, j’ai péché,
–– Ce qui est mal à tes yeux, je l’ai fait.

A celui qui siège sur le trône et à l’Agneau,
–– Louange, honneur, gloire et puissance dans les siècles des siècles. Amen.

MERCREDI SOIR

Revenez au Seigneur votre Dieu
–– Car il est tendresse et pitié

Tu aimes la vérité au fond du cœur,
–– Instruis-moi des profondeurs de la sagesse ;
Purifie-moi avec l’hysope : je serai net ;
–– Lave-moi : je serai blanc plus que neige.

Rends-moi le son de la joie et de la fête,
–– Et qu’ils dansent, les os que tu broyas ;
Détourne ta face de mes fautes,
–– Efface de moi tous mes péchés.

Digne est l’Agneau immolé de recevoir la puissance, la richesse, la sagesse,
–– La force, l’honneur, la gloire et la louange. Amen

JEUDI MATIN

Revenez au Seigneur, il a pitié de vous,
–– A notre Dieu, il est large en pardon.

O Dieu, crée pour moi un cœur pur,
–– Restaure en ma poitrine un esprit ferme ;
Ne me repousse pas loin de ta face,
–– Ne retire pas de moi ton Esprit saint.

Rends-moi la joie de ton salut,
–– Assure en moi un esprit magnanime ;
Aux pécheurs j’enseignerai tes voies,
–– A toi se rendront les égarés.

A celui qui siège sur le trône et à l’Agneau,
––Louange, honneur, gloire et puissance dans les siècles des siècles. Amen.

JEUDI SOIR

Revenez au Seigneur votre Dieu
–– Car il est tendresse et pitié 

Tu ne prendrais aucun plaisir au sacrifice,
–– Si j’offre un holocauste, tu n’en veux pas ;
Mon sacrifice, c’est un esprit brisé,
–– D’un cœur broyé tu n’as point de mépris.

Veuille accorder à Sion le bonheur,
–– Et rebâtir Jérusalem en ses murailles.
Tu te plairas aux justes sacrifices,
–– Totale oblation sur ton autel. 

Digne est l’Agneau immolé de recevoir la puissance, la richesse, la sagesse,
–– La force, l’honneur, la gloire et la louange. Amen

VENDREDI MATIN

Revenez au Seigneur, il a pitié de vous,
–– A notre Dieu, il est large en pardon.

Des profondeurs je crie vers toi, Seigneur :
écoute mon appel !
––Que ton oreille se fasse attentive
au cri de ma prière 

Si tu retiens les fautes, Seigneur,
Qui donc subsistera ?
–– Mais près de toi se trouve le pardon :
je te crains et j’espère. 

Mon âme attend le Seigneur,
Je suis sûr de sa parole ;
–– Mon âme attend plus sûrement le Seigneur
qu’un veilleur n’attend l’aurore 

Puisque auprès du Seigneur est la grâce,
L’abondance du rachat
–– D’est lui qui rachètera Israël
de toutes ses fautes.

A celui qui siège sur le trône et à l’Agneau,
–– Louange, honneur, gloire et puissance dans les siècles des siècles. Amen.

VENDREDI SOIR

Revenez au Seigneur votre Dieu
–– Car il est tendresse et pitié 

Seigneur, écoute ma prière
–– Tu es fidèle, réponds-moi, tu es juste ;
Ne cite pas en jugement ton serviteur
–– Nul vivant n’est justifié devant toi. 

L’ennemi pourchasse mon âme,
–– Contre terre il écrase ma vie ;
Il me fait habiter dans les ténèbres,
–– Comme ceux qui sont morts à jamais. 

Le souffle en moi s’éteint,
–– Mon cœur au fond de moi s’épouvante.
Délivre-moi de tous mes ennemis,
–– Seigneur, c’est vers toi que j’ai fui. 

Digne est l’Agneau immolé de recevoir la puissance, la richesse, la sagesse,
–– La force, l’honneur, la gloire et la louange. Amen 

SAMEDI MATIN

Revenez au Seigneur, il a pitié de vous,
–– A notre Dieu, il est large en pardon.                                                                      

Je me redis toutes tes œuvres,
–– Sur l’ouvrage de tes mains je médite ;
Je tends les mains vers toi,
–– Mon âme est une terre assoiffée de toi. 

Viens vite, réponds-moi Seigneur,
–– Je suis au bout de souffle ;
Ne cache pas loin de moi ta face,
–– Je serais de ceux qui tombent dans la fosse.

Fais que j’entende au matin ton amour,
–– Car je compte sur toi ;
Fais que je sache la route à suivre,
–– Car vers toi j’élève mon âme. 

A celui qui siège sur le trône et à l’Agneau,
–– Louange, honneur, gloire et puissance dans les siècles des siècles. Amen.

Homélie par la pasteure Lucette Woungly-Massaga 5 mars 2020

Homélie par la pasteure Lucette Woungly-Massaga 5 mars 2020

Jc 3,1-18; Mt 18,21-35

Nous venons d’entendre 2 prédications (ou enseignements) – et vous voudriez que j’ajoute une 3e? Il y a celle de Jésus, avec sa parabole bien connue du serviteur impitoyable. Celle de l’épître de Jacques est moins connue, mais pas moins parlante, avec sa rafale d’images hautes en couleurs pour mettre en garde contre les désastres que peut provoquer la langue, quand elle n’est pas tenue en bride! Comment voulez-vous que j’en rajoute, alors que l’apôtre dit d’emblée:1Ne vous mettez pas tous à enseigner, mes frères [mes sœurs]. Vous savez avec quelle sévérité nous serons jugés, 2tant nous trébuchons tous. Si quelqu’un ne trébuche pas lorsqu’il parle, il est un homme parfait? Je suis loin d’être parfiate, et encore moins un homme parfait! Je n’ai donc pas préparé une prédication, mais simplement essayé de partager un peu de ce qui m’est venu à l’esprit en me mettant à l’écoute des 2 textes mis ensemble. Un 1er constat: les deux s’adressent à des personnes engagées, qui suivent Jésus le Christ.

La langue est un petit membre aux grands effets, semblable à un peu de feu qui suffit pour faire flamber une vaste forêt ! … Avec elle nous bénissons le Seigneur et Père ; avec elle aussi nous maudissons les humains, qui sont à l’image de Dieu … Mes frères [et sœurs], il ne doit pas en être ainsi (v.5. 9s). Oh, si seulement aucune parole blessante ou médisante ne sortait jamais de ma bouche! Mais ça m’arrive, bien malgré moi. Que faire?

Regarder du côté de la source, suggère notre passage. Or la source, nous apprend le psalmiste, c’est le cœur: Le parleur de vérité en son cœur ne diffame pas de sa langue (Ps 15,2s, trad° A.Chouraqui). Selon la Bible, le coeur est le siège non seulement de tous les sentiments, mais encore de l’intelligence, de l’imagination, de la sagesse, et pour l’apôtre Paul aussi de l’Esprit-Saint.

La mise en garde est très sévère:14… si vous avez le cœur plein d’aigre jalousie et d’esprit de rivalité, … ne nuisez pas à la vérité par vos mensonges. 15Cette sagesse-là ne vient pas d’en haut ; elle est terrestre, animale, démoniaque. Malheur à moi: alors que je désire ardemment suivre le Christ et être proche de lui, tout particulièrement en ce temps de Carême, il m’arrive de parler et d’agir selon la sagesse terrestre – Que faire? Y aurait-il deux sagesses qui cohabitent dans mon cœur? L’apôtre semble l’exclure: 11la source produit-elle le doux et l’amer par le même orifice ? – Alors suis-je condamnée? que faire?

Et si ma question était mal posée? En effet, même si nous avons été revêtus de Christ par le baptême (Gal 3,27), et lui appartenons, nous restons des humains, nous appartenons aussi à la terre. Comme humains, nous apprenons des règles de vie, des lois du vivre ensemble établies par la société, et ces lois de l’habitat, de l’oiko-nomos, l’économie sont marquées par la sagesse humaine, terrestre. Dès le bas âge, nous apprenons chez nous à calculer et à nous comparer aux autres (à être premier en classe, à gagner), et cela suscite envie et rivalités. Nous sommes formatés pour être compétitif, performant, pour décrocher un meilleur poste, pour réussir. Et réussir se définit selon les critères de l’économie marchande, avec le profit maximal érigé en absolu. Tout est monnayable, calculé.

Cette sagesse terrestre nous colle à la peau, et elle reste tapie au fond de notre cœur. Pas seulement aux Occidentaux du 21e siècle que nous sommes! Combien de fois pardonnerai-je [à mon frère] ? Jusqu’à sept fois ? demandait Pierre. Lui, un des premiers à avoir tout quitté pour suivre Jésus, à être convaincu par la Bonne Nouvelle du Royaume et à s’engager avec enthousiasme, prêt à donner sa vie, il pose cette question tout humaine! Vous connaissez la réponse en parabole de Jésus: Il en va du Royaume des cieux comme d’un roi qui, …27pris de pitié, remit sa dette à un serviteur qui lui devait 10’000 talents, et qui prétendait TOUT rembourser. Et le roi le laissa aller. L’autre jour, ce tableau m’a éblouie comme un éclair et s’est imposé comme la réponse à mon questionnement: une image simple et puissante à laquelle recourir toujours à nouveau pour me rappeler que je suis invitée à vivre la réalité du Royaume au quotidien. Rappel à me brancher et rebrancher sur la sagesse d’en haut et non plus sur la terrestre avec ses calculs, envies, jalousies et rivalités.

10’000 talents, ce sont 60 millions de jours de travail, plus de 150’000 années !… Qui arrive à se représenter ça? Moi pas! On est bien là à un tout autre niveau que la sagesse terrestre, avec ses savants calculs de pertes et profit!

Si tu connaissais le don de Dieu et qui est celui qui te parle (Jn4,10). Le Royaume est régi par la sagesse d’en haut, celle de la grâce inconditionnelle, par amour, avec son économie de la gratuité, de la générosité, du don. Si cela a dû être rappelé à Pierre, le grand apôtre, alors tout n’est pas perdu pour moi qui me laisse parfois entraîner par la sagesse terrestre, voir démoniaque!

Comme les Israélites étaient sauvés de la morsure du serpent en regardant le serpent d’airain, je peux regarder à cette image quand ma sagesse terrestre veut s’imposer dans mon cœur, avec la croix en filigrane: Face au Maître pris de pitié, face au don de la vie-avec-Dieu reçu gratuitement, comment ne pas pardonner? En pensant à ce capital inépuisable de grâce et d’amour reçu, comment puis-je encore m’enliser dans des calculs, envies, rivalités, jalousies, au lieu de revenir toujours à nouveau à cet amour m’y plonger, pour vivre selon la sagesse d’en haut, dans la liberté des enfants de Dieu?

Cette parabole m’invite à ramener mon regard inlassablement sur le don de Dieu, sur la vie, la passion, la croix de Jésus, le Christ. Ce temps de Carême ne nous est-il pas offert pour que nous puissions prendre le temps de contempler le don de Dieu, l’accueillir, le connaître de mieux en mieux? Pour être à l’écoute de la sagesse d’en haut et vivre le Royaume de Dieu au milieu de nous au quotidien?

A toutes et tous, un temps de Carême béni. AMEN.