Homélie par le pasteur Guillaume Ndam Daniel, le 25 février 2021

Homélie par le pasteur Guillaume Ndam Daniel, le 25 février 2021

Jacques 3.1-18 et Matthieu 18.23-35

Le pardon généreux qui libère.

Il y a comme une grande tension dans l’air en ces temps incertains.
D’énormes injustices et des grandes inégalités sont étalées au grand jour avec cette pandémie, provoquant un vent de panique, nourrissant de grandes rivalités et révélant le besoin immense de libération et de paix. Il y a aussi une attention particulière à nos comptabilités, pas seulement à cause des déclarations d’impôts, mais liée à la conjoncture économique actuelle.

J’ai reçu un jour sur mon WhatsApp ce texte amusant, mais révélateur d’une certaine vérité.

« Nous sommes appelés à rendre compte de toutes nos actions tant sur Terre qu’au Ciel ».
TA NAISSANCE : C’est L’Ouverture de ton Bilan ou Ton Bilan d’ouverture.
Tout ce que tu obtiens est un Crédit dans ta vie.
Tout ce qui te quitte est un Débit dans ta vie.
Toutes les idées que tu développes sont pour toi des Actifs immobilisés.
Toutes tes mauvaises actions sont pour toi des Passifs ou dettes
Ton caractère représente ton Capital
Ton Bonheur quant a lui représente ton Profit.
Tes chagrins, tes douleurs, tes larmes sont tes Pertes.
Tes Connaissances et expériences de la vie sont ton Investissement
Ton âge représente tonAmortissement ou la Dépréciation de ta vie.
Ta Mort symbolisera La clôture de ton exercice.
A la fin de tous ces états comptables de ta vie : DIEU PROCÉDERA A L’AUDIT DE TA VIE. »

Certains de ces aspects de notre vie transparaissent dans ces deux textes bibliques.
Nous sommes au 4e des cinq discours de Jésus selon Matthieu. C’est-a-dire vers la fin de son ministère terrestre. Jésus raconte cette parabole pour illustrer son discours qui tourne autour de la comptabilité et de laréhabilitation. Dans les temps bibliques et à l’époque de Jésus, de sérieuses conséquences attendaient celui qui ne pouvait pas rembourser ses dettes. Son créancier pouvait l’obliger, lui et sa famille, à travailler jusqu’au remboursement du dernier sou. Il pouvait également le faire jeter en prison ou le vendre comme esclave avec toute sa famille et récupérer ainsi une partie de la dette. C’est ce qui pouvait arriver à ce serviteur qui se jeta par terre et se prosterna devant le maître, signe de dépouillement, car Il y avait une grande quantité d’argent en jeu. Dix milles talents dans le langage courant signifiait un nombre infini, incalculable. Le maître pris de compassion lui remis sa dette… Avoir compassion dans la version Chouraqui de la bible est traduit par « être pris aux entrailles ». …

Cette attitude symbolise le pardon généreux de Dieu. Le Seigneur est rempli de compassion, pris aux entrailles, envers le pécheur qui implore le pardon pour une dette qu’il n’est pas en mesure de payer. Cf Col 2.14. Le maître pris de compassion lui remit sa dette… c’est à dire le Laissa partir, ou laissa aller, en grec cela donne… le délier … en clair la dette est annulée.

Chers amis, avons-nous conscience , du nombre de fois par jour ou nous sommes déliés ? Combien de fois Dieu est-il pris aux entrailles devant nos trébuchements quotidiens lorsque nous supplions sa miséricorde? Comment accueillons-nous la générosité de Dieu ? Qu’en faisons nous ?

La suite de l’histoire est étonnante car il y a un retournement inattendu de la situation. En langage cinématographie on l’appelle, twist final (de l’anglais twist ending).

Nous voici devant un autre endettement totalement disproportionné, avec une issue dramatique car ce qui va suivre est terrible. On aurait pu s’attendre à une suite logique et cohérente de pardon et de compassion. Ce même serviteur, pardonné par son maître n’est pas à mesure de faire de même à son compagnon qu’il connaissait bien. Puisqu’ils sont compagnons…. Mais non. C’est comme s’il n’avait pas d’entrailles,… insensibles. Devant certaines horreurs endémiques et ubuesques, je me demande si certaines personnes ont encore des entrailles sensibles ! 

Nous ne savons pourquoi ce serviteur était si endetté ! Avait il perdu en bourse ? Ou subit les conséquences insidieuses de certains emprunts comme pour la plupart des pays en voie de développement. On vous aide en vous plongeant dans un endettement pluri centenaire et systémique. Par ailleurs, parfois, selon ce que nous avons vécu, traversé, nos entrailles peuvent être abimées et devenir inactives, nous entrainant dans une spirale sans fin de la violence. Comme par exemple en Birmanie avec toutes les manifestations multiformes ,… ou en Éthiopie …

Ce n’était pas le cas de ce premier serviteur qui venait d’être comblé d’une si grande miséricorde et refuse d’imiter son maître et pour 100 deniers, conduira son compagnon en prison. Cent deniers, 100 pièces d’argents, étaient l‘équivalent de 3 mois de salaire. Toute fois, c’était des peanuts…. C’était important mais dérisoire en comparaison de ce qui avait été remis au premier serviteur. Ce serviteur aurait dû délier son compagnon. Il aurait dû réfléchir avant d’agir. Un proverbe africain dit : « il ne faut pas entrer dans la rivière sans connaître la profondeur ». Il jeta son compagnon en prison sans savoir ce qui pouvait suivre.

Chers amis, un manque de pardon constitue une offense à l’égard d’autrui et davantage si nous avons été pardonné nous mêmes. Le pardon est le don parfait par dessus tout. Quand il est donné et accueilli, il redonne vie à l’autre et à la relation. Quand on aime, on pardonne sans compter. Il n y a pas de comptabilité en matière de pardon. 7×70=infini

Celui qui a fait l’expérience d’avoir été pardonné par Dieu ne fait que rendre à son frère ou à sa sœur, du fond du cœur, ce qu’il a lui même reçu. Notre passif envers Dieu à cause de notre péché est comparable à celui du premier serviteur ; il est énorme. Il est impossible de nous en acquitter quelles que soient nos bonnes œuvres.

Mais Dieu dans sa miséricorde et sa générosité nous laisse aller totalement.

Comment, ayant reçu un tel pardon, ne pas nous montrer charitable vis-à-vis de nos semblables ? Osons nous interroger sur ces dettes à remettre, ces pardons à donner en actes, en paroles.

Parlant de la parole et de la langue, nous savons que sans la parole nous ne serions pas les humains. La parole transmet la vie, elle dit l’amour et permet d’entrer en dialogue. Mais la parole peut aussi blesser, lorsqu’elle n’est plus que monologue, ou transforme l’autre en objet. Elle peut aussi tuer lorsqu’elle condamne et exclut. Elle peut emprisonner et retenir le pardon. Le pardon dans sa dimension transcendantale a un lien avec la sagesse d’en haut. En remplaçant le mot « sagesse d’en haut » par le pardon, le verset 17 de Jacques 3 prend une autre dimension.

Jacques 3.17 « le pardon est tout d’abord pur, ensuite porteur de paix, doux,  conciliant, plein de compassion et de bons fruits, il est sans parti pris et sans hypocrisie ».

Chers amis, Nous sommes tous des mendiants devant Dieu, comme avait coutume de dire Martin Luther. Nous ne pouvons pas envisager le paiement  de notre dette.

Dans sa compassion, sa grande générosité et par sa grâce souveraine, Le Seigneur a payé notre dette et nous accorde par Jésus un pardon total et gratuit. Si Dieu nous comble de ses grâces et de son pardon, ce n’est pas seulement pour que nous en jouissions en égoïstes, mais c’est afin qu’à son exemple nous devenions généreux pour les autres :

  • Généreux en miséricorde et en patience
  • Généreux en bonté et en bienveillance.
  • Généreux en charité, avec les biens que nous avons reçus
  • Généreux dans toutes nos activités spirituelles pour l’édification et le bien de ceux qui nous entourent.

C’est ce pardon généreux qui nous libère et permet tant de résurrection de bonheur. 

En ces temps de carême, quand nous prendrons la parole veillons à ce que ce soit pour dire du bien, et non pour maudire et emprisonner .

En ce temps de carême, donnons, aimons, Investissons et pardonnons avec abondance même confrontés à des situations mortelles dans notre vie.

Sachons qu’au bout de ce chemin de Pâques, le péché du monde sera balayé par la fidélité d’un Dieu de pardon et d’amour.

Amen.

 

Homélie par le pasteur Hyonou Paik pour le dimanche 14 février 2021

Homélie par le pasteur Hyonou Paik pour le dimanche 14 février 2021

Lc 18,31-43

Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ? Pour le dire de manière plus générale, qu’est-ce que vous attendez de celui ou celle qui se met devant vous à ce moment précis qu’on appelle le temps de l’homélie, du sermon ou de la prédication ?

Un enseignement sur le texte biblique ? Des informations nécessaires qui vous permettraient de le comprendre théologiquement ? Cinq minutes d’homélie, dix minutes de sermon, quinze minutes de prédication, même plus de trente minutes de témoignage évangélique ne seront pas suffisants. En plus, quelques bons commentaires et ouvrages théologiques vous apprendront beaucoup plus et mieux qu’un pauvre pasteur comme moi.

Attendez-vous un moment de rafraîchissement, d’enrichissement ou d’encouragement ? Vous vous êtes peut-être dit : « Tiens, c’est Hyonou ce matin. Qu’est-ce qu’il va nous raconter aujourd’hui ? Une anecdote de sa femme peut-être ? » Il est vrai qu’il fait du bien parfois d’entendre des histoires qui nous touchent, nous émeuvent, nous bousculent, nous réconfortent, mais nous savons que des histoires drôles ou émouvantes, en plus édifiantes, on en trouve aussi partout ailleurs. Personnellement, j’ai l’impression d’avoir beaucoup plus entendu et retenu des phrases vraiment poétiques et percutantes dans les romans de mes écrivains préférés ou dans des feuilletons coréens que dans des homélies.

Alors, qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ? Qu’est-ce que nous voulons faire à ce moment précis qu’on appelle le temps de l’homélie ?

Peut-être espérez-vous entendre – comme moi quand je me retrouve sur les bancs d’une église – des affirmations et des interrogations, puisées et mises en lumière à partir d’un texte biblique, apportant un éclairage sur notre vie, notre existence ? Voulons-nous saisir la question que Jésus pose à cet aveugle-mendiant de Jéricho pour nous-mêmes : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » et trouver une réponse à cette question ? Autrement dit, voulons-nous savoir ce que c’est le salut pour moi, pour nous ? Voulons-nous oser nous demander encore une fois : Qu’est-ce qui me manque pour être pleinement moi-même devant Dieu ?

En parallèle à cette question du salut, il y a aussi une deuxième question qui surgit chaque fois que nous lisons les Écritures dans la prière et avec sincérité devant Dieu. C’est la question : « Que devons-nous faire ? » Tout comme les foules, des collecteurs d’impôts, et des militaires qui affluaient vers Jean le Baptiste en quête d’une vie en vérité, nous demandons : « Que nous faut-il donc faire ? » (Lc 3,10-14). Tout comme ces trois mille personnes qui ont eu le cœur bouleversé d’entendre le discours de Pierre au jour de Pentecôte, nous nous disons : « Que ferons-nous, mon frère ? Que ferons-nous, ma sœur ? » (Ac 2,37).

L’ennui, c’est qu’il n’y a pas parmi nous Jean le Baptiste, ni Pierre, ni Jésus – même si nous croyons que le Christ est mystérieusement présent[*]. En tout cas, je ne me prends pas pour l’un d’eux. Je me sens plutôt comme un de ces disciples qui ont entendu une parole de Jésus on ne peut plus explicite mais qui n’ont rien compris. Jésus annonce le sort qui l’attend à Jérusalem à l’instar du serviteur souffrant dont le prophète Esaïe avait parlé, et l’espérance de la résurrection. Mais ses disciples restent comme aveugles devant un tableau, comme sourds devant un discours, comme indifférents devant une vérité qui éclate. Dans la description de l’évangéliste Luc, ils restent même muets ; il sont incapables de rétorquer à Jésus en disant : « Mais qu’est-ce que tu veux dire ? Je ne comprends pas ! ». Aucun échange, aucune réaction qui suscite un quelconque partage. Ils ne comprennent rien ; ils n’ont donc pas à changer quoi que ce soit.

C’est aussi le danger de toute parole que nous connaissons bien ou, plus exactement, de la parole que nous croyons bien connaître. Je dis danger, mais en réalité c’est sans doute le destin inévitable de toute parole qui vaut vraiment la peine d’être entendue et comprise, c’est-à-dire la vérité de notre vie, la vérité sur notre vie. « Trahison », « moqueries », « outrages », « crachats », « flagellation », « mort » et « résurrection », tout cela, les disciples savent ce que c’est ou ils croient savoir ce que c’est, mais le sens véritable de toutes ces réalités en la personne de Jésus le Christ, ils ne le comprendront qu’à la lumière de Pâques. « Maladie », « isolement », « distance », « injustice », « pauvreté », « violence », « haine », « indifférence », « mort » et « résurrection », tout cela, nous savons ce que c’est ou nous croyons savoir ce que c’est, mais le pourquoi de toutes ces réalités, nous ne le comprendrons qu’à la lumière de Pâques, à la lumière du Royaume à venir.

Mais en attendant, voulons-nous être comme ces disciples interloqués ? Aveugles, sourds et muets ? L’aveugle-mendiant de Jéricho nous montre une autre voie. Contrairement aux disciples, il sait, il reconnaît qu’il est aveugle, et il veut en être guéri. Il n’est pas sourd car il entend les gens le rabrouer, et en réaction, il crie de plus belle. Mais surtout, il n’est pas muet. Il appelle le Christ, et il entre en relation avec lui en répondant à sa parole. La foi n’est pas quelque chose qu’on possède. La foi, la vraie, est quelque chose qu’on partage. La foi de l’aveugle-mendiant, qui est devenue aussi celle du Christ, l’a sauvé. Et cet événement de la foi n’est pas sans conséquence. Comme disait Dieu par le prophète Esaïe, « ma parole, du moment qu’elle sort de ma bouche, elle ne retourne pas vers moi sans résultat, sans avoir exécuté ce qui me plaît et fait aboutir ce pour quoi je l’avais envoyée » (Es 55,11). La pauvre parole humaine transformée en la Parole de Dieu comme un événement, transforme la foule autour du Christ en un peuple de louange.

Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ? Nous n’avons que notre pauvre parole humaine pour appeler, crier, prier. Mais Dieu vient à notre secours. C’est notre foi. Et par cette foi, Dieu nous donne d’être un peuple de louange déjà dans ce monde. C’est notre vocation. Un jour, nous verrons à la lumière de Dieu le sens de tout ce qui nous est arrivé et arrive, mêmes des anecdotes les plus futiles et insignifiantes que je n’oserais même pas vous raconter pour capter votre attention au début d’une homélie. C’est notre espérance.

 

[*] Une petite discussion avec sr. Dana après l’eucharistie me permet d’apporter cette précision.