Prédication de la pasteure Laurence Mottier, le 19 janvier 2025

Prédication de la pasteure Laurence Mottier, le 19 janvier 2025

Textes bibliques : Jean 2, 1-12 Esaïe 62,1-5 1 Co 12, 4-11

« Faites tout ce qu’il vous dira » Jean 2,5

Il y a des paroles qui font naître l’autre, qui l’autorisent ; des paroles qui initient un commencement ; qui provoquent et suscitent un nouveau champ de possibles ; « Faites tout ce qu’il vous dira », oui, il y a des paroles fertilisantes, comme il y a aussi des paroles, qui blessent, qui ferment, enferment et obturent l’autre, sans possibilité d’avenir. Des paroles qui assignent ou dévalorisent, quand d’autres permettent et donnent confiance.

La parole de la mère de Jésus aux personnes qui l’entourent, lors des noces de Cana, a la force d’une mise au monde, sans forceps, telle une proposition audacieuse et décalée. Car Jésus, lui, vient de la rabrouer en lui disant de se mêler de ses affaires à elle, plutôt qu’à lui.  Qu’y a t’il entre toi et moi ? De quoi te mêles-tu ? on entend la crainte, l’appréhension chez Jésus. « Je ne suis pas prêt. Arrête de me mettre la pression. Maman, tu m’énerves ».

Sempiternelle tension intrafamiliale, où le parent tente une parole qui n’est pas reçue, ni comprise, alors que l’enfant attend quelque chose qui ne vient pas et qui peut le/la laisser en déshérence. Contretemps, qui vont creuser les malentendus, nourrir l’agressivité, les ressentiments, les dissensions.

Là, sa mère ne se laisse pas démonter, car elle sait, elle a vu qui il est, mais elle n’a  pas besoin de lui prouver qu’elle a raison et qu’il devrait l’écouter. Elle parle à d’autres, autour, ouvrant le cercle d’un duo qui pourrait virer au duel stérile, tout en laissant entendre à son enfant qu’elle le sait capable de se lancer dans sa mission, de naître à sa vocation de fils, de Fils de Dieu. Et c’est sur sa parole à lui que l’eau se change en vin. 

S’il n’y a pas de récit de naissance dans l’Évangile Jean – prologue Au commencement était la Parole – j’ai envie de lire ce récit des noces à Cana comme un engendrement de la mère au fils. Une mise au monde. Sa mère – dont Jean tait le prénom étonnamment – n’est pas dépeinte dans son rôle biologique ni charnel mais dans son rôle symbolique tel le portique d’une parole inaugurale, qui donne naissance à Jésus le Messie. Sa mère l’incite et l’autorise, sans lui faire violence, ni le réprimander, ni le moquer. Un art parental, qui devrait nous inspirer.

Si les liens familiaux dans les Évangiles sont chargés d’ambiguïtés, si Jésus a l’audace de définir un nouveau type de famille autour de lui, non plus clanique, ethnique, étroitement religieuse, mais une famille de libre affiliation de cœur et d’esprit, il demeure néanmoins que la famille de Jésus est une donnée à prendre en compte. Car il est bien né et a grandi dans une famille humaine, une famille juive en Palestine occupée, une famille modeste, vivant dans les montagnes de Galilée, une famille, comme les autres, pétrie d’amour et de contradictions, berceau de son être au monde et premier lieu d’apprentissage de son métier d’homme.

Et si la part d’aliénation est présente dans nos liens familiaux, la part d’édification qu’ils apportent est aussi là, source de ce que nous devenons, de ce que nous pouvons déployer de nos potentialités et de ce que nous transmettons aux autres. Aliénation et agentivité, deux pôles entremêlés dans nos histoires familiales et humaines. Lutte incertaine pas toujours équilibrée, pas toujours équitable.

Ce premier signe chez Jean place la fête et la réjouissance des noces comme porte inaugurale de l’Évangile. Avons-nous assez pris en considération cette couleur si particulière ?

Dans la liesse, les chants, les rires et la danse, s’inscrit la Présence du Christ-Messie, et ce n’est ni au désert, ni dans une école de sagesse ni dans un palais ni au sommet d’une montagne solitaire qu’il lève le voile et entre en scène. Mais plutôt :

Dans une foule joyeuse, au cœur d’une union de corps et d’esprit entre un homme et une femme. Dans un temps qui transcende le quotidien et sa pénibilité. Permettant les excès, le défoulement, une intensité de rires, de cris, de mouvements, et le partage d’une abondance de biens.

Avant de tout spiritualiser et de tout désincarner, tant un certain christianisme moralisateur et castrateur nous a appris à craindre la jouissance, du plaisir, du désir, pouvons-nous entrer dans ce premier tableau ? Dans ces noces à Cana, où le Christ s’inscrit au cœur de nos besoins humains et d’une prodigalité manifeste, joyeuse, débordante ? J’y vois des visages rayonnants, des corps exultants, des paroles vibrantes, une musique vive ; la joie coule, comme le vin coule des jarres aux verres, comme les paroles coulent d’un visage à l’autre, d’un cœur à l’autre, dans une danse, pulsation de vie.

Alors que nous entrons dans la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens et des chrétiennes, un autre récit va nous occuper et nous nourrir, grâce à la méditation de la communauté œcuménique et mixte de Bose, qui a choisi dans ce même Évangile de Jean, le dernier signe opéré par Jésus, pour son ami Lazare, frère de Marthe et de Marie, ses amis et disciples.  « Jésus les aimait tous les trois » nous dit Jean. Lazare est mort et repose au tombeau depuis plusieurs jours ; tous et toutes pleurent, et Jésus aussi pleure…

Quel contraste : le premier signe à Cana se vit dans la joie, les rires et la danse et le dernier signe à Béthanie, dans le deuil, les larmes et la peine. Le premier dit un avenir, une promesse, une fécondité, le dernier une impasse, une perte, une absence irrémédiable.

A Marthe qui vient au-devant de Jésus, il dit « Je suis la Résurrection et la Vie ; la personne qui croit en moi ne mourra pas » et il lui demande : « Crois-tu cela ? »

Ce dernier signe annonce que la vie est plus forte que la mort, l’amitié plus forte que la désolation et la maladie, alors que le premier annonce que le meilleur est pour la fin, que l’abondance du don de Dieu déborde toutes nos peurs de manquer.

Ce qui m’a frappée en méditant ces textes, c’est que l’Évangile arrive à contretemps. A contretemps de ce qui est attendu et perçu comme normal, habituel.

Le Christ renverse la logique de la mort inéluctable en vie ressuscitée.

Le Christ renverse le sens de la fête, à l’image du bon vin versé à la fin.

 

Le Royaume de Dieu arrive comme un inattendu, un inespéré, une contre-affirmation qui bouleverse nos logiques et nos évidences.

L’Évangile arrive à contretemps dans la réalité de nos vies, dans son flux irréversible, dans son déterminisme. L’Évangile s’inscrit comme une liberté. L’Évangile est liberté.

Et je vois une chaîne de confiance, qui se tisse en perles de paroles, qui passent de la mère au fils qui débute à Cana, de Jésus à Christ, du Christ à ses disciples ses amis, à l’inconnu sur la route, à l’étrangère et au soldat romain ; une parole qui passe à sa disciple et amie Marthe dans une chaîne de confiance, ininterrompue, d’une foi, qui court, ensemence, vivifie, cherche un chemin, et ressuscite toutes choses :  crois-tu cela ?

L’Évangile va à rebours du bon sens et du sens commun et c’est tant mieux ! c’est notre chance et notre salut. Et il nous invite à entrer dans sa danse :

Nos paroles peuvent porter la vie et la libération de ce qui est encore enfoui chez l’autre !

Notre vie peut accueillir le regard et la parole d’autrui, même maladroite !

Dans nos relations sommeillent des germes insoupçonnés, à accueillir et qui vont féconder la vie.

Le pouvoir transformateur de l’Évangile est donné à notre monde, défiguré déshumanisé, ankylosé, angoissé, pétri de violences, de défiance et de peurs. Un pouvoir transformateur qui inspire la trêve à Gaza, qui inspire toutes les initiatives, petites et grandes qui mettent un terme à la mort et à la destruction. Pour rendre l’humain et le monde à sa dignité, à son intégrité.

Une vie plus forte que la mort travaille notre réalité, cette pâte du réel, ce contre quoi on se cogne.

Une vie en travail, plus forte que nos déroutes et nos découragements, nous est donnée et redonnée, non pas une fois pour toutes, mais chaque jour à nouveau ; une vie qui ensemence et engendre audace, confiance, joie.

Amen

Prédication du pasteur Marc Balz, le 29 décembre 2024

Prédication du pasteur Marc Balz, le 29 décembre 2024

St-Syméon

Es 40,1-11 ; 1 Jn 1,1-7 ; Luc 2,22-35

En lisant et en méditant ce texte, je n’arrête pas de m’étonner sur une tension, presque une contradiction, dans les propos du vieux et bienheureux Syméon.

Après le Magnificat de Marie, le Benedictus de Zacharie et le Gloria des anges, comment se fait-il que Syméon qui prononce le Nunc dimittis, cet hymne de paix qui est chanté aux complies, comment se fait-il que juste après, Syméon parle de glaive ?

Cheminons avec Syméon, et tentons de comprendre ce qui se passe en lui et provoque cette étonnante tension.

Syméon est prophète : l’Esprit Saint était sur lui (v. 25) dit le texte, manière pour Luc de le désigner comme tel.

De sa vie, on sait peu de choses, mais le texte nous dit qu’il est juste et pieux, ce qui laisse deviner tout le chemin qu’il a parcouru durant son existence jusqu’à devenir, au soir de ses jours, cet homme juste et pieux.

Il vit dans et par l’Esprit (qui est nommé 3x au début du récit), c’est donc un intime de Dieu, ce qu’indique aussi son nom, Syméon, « Dieu a entendu», à moins que lui ait entendu Dieu ?

Les bergers sont avertis par les anges dans le ciel, les mages le sont par l’étoile qui les guide, Syméon lui est averti au dedans de lui par l’Esprit Saint directement, et il entend : il verra le Christ avant de mourir.

Et on arrive déjà au centre du récit, avec ce geste : Syméon ne prend pas l’enfant dans ses bras, comme le traduit la TOB ou la majorité de nos traductions en français, mais il reçoit l’enfant (edexato). Peut-être avec l’autorisation de ses parents, ou alors de Dieu directement, qui sait ? En tout cas, Syméon n’a rien demandé, et surtout il n’a rien pris : il reçoit dans ses bras l’enfant-Dieu. Personne avant lui, ni après lui, n’a vécu une telle chose : recevoir Jésus dans ses bras.

Silence

Jaillit alors du plus profond de son être le Nunc dimittis, qu’il prononce devant Marie et Joseph, et l’enfant Jésus (ils sont trois, mais quel auditoire !). Jésus vient combler sa vie, au point que la mort ne lui enlèvera rien (Bourguet). Et Syméon, qui s’attendait à la consolation de son peuple, découvre bien plus : il contemple en Jésus la lumière pour tous les peuples.

Ses yeux ont vu le salut.

L’oeuvre du compositeur estonien Arvo Pärt, Nunc dimittis (si vous ne connaissez pas, allez l’écouter, c’est admirable et bouleversant !), fait répéter à la soprano 3 fois le mot « oculi» : c’est le centre du texte pour lui. Et je me dis qu’il a peut-être raison.

Syméon a écouté ce que l’Esprit lui murmurait, il a reçu dans ses bras le Christ, et maintenant, ses yeux ont vu (comme Job qui dit : maintenant mes yeux t’ont vu. Job 42,5).

Intense moment de silence et d’émotion, après tant d’années d’attente. Durant toute sa vie, Syméon a espéré voir le Christ, et voilà qu’il accueille dans ses bras l’enfant et contemple en lui ce qui est de Dieu (Bourguet[1]). Cela lui suffit, il peut s’en aller en paix, il est exaucé – peut-être le seul exaucement de toute sa vie, mais cela lui suffit déjà, il est comblé.

Tout aurait pu s’arrêter là, mais il y a plus : voilà qu’il s’adresse maintenant non plus à Dieu mais directement à Marie : «il est là pour la chute ou le relèvement de beaucoup en Israël et pour être un signe contesté. Et toi-même, un glaive te transpercera l’âme » (vs. 34-35). Syméon voit – il voit – que l’œuvre publique du nouveau-né dans ses bras aura des conséquences personnelles pour chacun : il faudra se décider pour ne pas tomber. Israël lui-même devra saisir sa dernière chance… ou la manquer. Et Syméon voit peut-être l’entier du ministère de Jésus : libération, guérison, lumière, et aussi rejet et refus ; peut-être voit-il la croix, plantée dans l’âme de Marie, Jésus crucifié… même s’il sait qu’il sera la lumière qui brille sur tous les peuples.

Je reviens à mon étonnement du départ : pourquoi après la paix et le ravissement, le glaive et la croix ? J’observe que Syméon ne garde rien pour lui de ce qu’il a reçu de l’Esprit Saint. Il a une parole de père spirituel, il parle, il partage ce qu’il a reçu.

J’ai été étonné en lisant le texte, de voir que l’on traduit systématiquement le verset 25 «l’Esprit saint était sur lui», mais qu’on pouvait aussi traduire mot à mot : «l’Esprit était saint à travers lui». Et comme il n’y a aucune différence entre majuscule et minuscule dans les manuscrits, alors cela peut aussi désigner l’esprit de Syméon qui est devenu saint, qui devient saint à force de prière et d’adoration, jusqu’au point qu’il n’y a plus guère de différence entre l’Esprit Saint (avec majuscules) et son esprit à lui (Maître Eckhart n’aurait pas dit autre chose !).

Autant son esprit à lui, que son corps entier (ses oreilles, ses bras, ses yeux) sont habités de la présence de Dieu. Alors il peut y avoir en lui la place pour la paix et la lumière, comme pour le glaive et la souffrance (Bovon[2]). Syméon accueille en lui toute la complexité du monde et de la vie qui sont tellement contradictoires, il ne cherche pas à masquer ce qui est douloureux : au contraire, il assume. Ce qui en lui pouvait sembler divisé est maintenant relié, il se réconcilie avec lui-même.

Syméon peut alors d’en aller en paix.

Amen

[1]Daniel Bourguet, Rencontres avec Jésus (2003), pp. 83-102

[2]François Bovon, l’Evangile selon Saint Luc 1-9 (1991), pp. 138-148

Homélie du pasteur Serge Molla, le 15 décembre 2025

Homélie du pasteur Serge Molla, le 15 décembre 2025

So 3, 14-18a    Ph 4, 4-      Jn 1, 1-8.19-28

Au commencement, Dieu, dit la Genèse.

Au commencement était la Parole. Et la parole était Dieu, énonce l’évangile de Jean. Ou dans la traduction de Jean Grosjean: D’abord il y avait le langage, et le langage était chez Dieu.

Au commencement. D’abord. Ces mots ont l’air banal. Et pourtant, ces termes, comme le mot avent, évoquent une origine, marquent le début d’une histoire.

Ces mots se lient à la question de l’origine qui interpelle tant l’humain. Dès l’enfance, il s’interroge : qu’est-ce qu’il y avait avant moi ? Et ce ne sont pas des dates qui intéressent l’enfant, ni même des événements qu’il n’a pas vécus, ni seulement une explication. Ce que l’enfant désire connaître ardemment, tout comme l’adulte, ce n’est pas tellement comment il est arrivé là, mais surtout pourquoi ? Quelle en est la raison, quel en est le sens ? Il aspire à entendre raison et sens qui lui permettent de vivre. Pourquoi suis-je là ? Pourquoi êtes-vous là ? Pourquoi sommes-nous là, vivants ? – Tu es là en raison d’un engagement très fort, en raison d’un désir créateur. N’aimerait-on pas toujours s’entendre dire cela ? Mais cela bien des enfants ne l’entendent pas, de même que bien trop d’adultes n’ont pas reçu une telle réponse. Et les grands com-me les petits en souffrent très profondément.

Les premiers mots de l’évangile de Jean D’abord le langage et langage était chez Dieu sont donc une bonne nouvelle, qui énonce que c’est par le langage que tout ce qui est arrivé est arrivé, que rien de ce qui devient ne devient sans ce langage divin. Ce langage précède toute structure, toute vie. Aujourd’hui où nous savons combien l’enfant avant même sa naissance entend la voix de son l’entourage, combien cela peut marquer un être à devenir.

Et bien l’évangile ose affirmer qu’avant toute voix humaine une autre voix se fait entendre, un autre langage précède tout langage, celui de Dieu, qui au fond dit à tout être vivant comme à l’univers, tu es là en raison de mon désir.

Car tout langage véritable est affirmation d’un désir de relation, il dit un engagement offert, qui nous précède, vous, moi. Engagement qui veut donner sens à votre existence comme à mon parcours personnel. Ce langage qui vient avant tout être vivant, avant même la création tout entière, est un geste d’audace de Dieu. Vers quoi pointe-t-il ? Nul ne le saurait et le mystère resterait entier s’il n’y avait cette précision fonda-mentale : c’est dans ce langage que se trouve la vie.

C’est là la bonne nouvelle, la vie qui vient. En effet, pour l’évangile, vivre ne revient pas à n’assurer que des fonctions biologiques, ni même posséder, avoir toujours plus de biens, et être toujours moins. Ce n’est pas se croire seul dans un monde où l’absurdité semble parfois régner, où s’amoncellent aujourd’hui les nuages d’angoisse et de désespoir. Non, la vie qui vient n’a rien à voir avec ce qui résume, hélas, tant d’existence humaine. La vie qu’annonce ces premiers mots de l’évangile de Jean est une vie qui n’est pas fuite pas en avant, ni course dans tous les sens, mais une vie qui reçoit du sens. C’est une vie qui n’apparaît pas comme ça, en regard d’une date de naissance, mais qui s’inscrit dans une histoire qui a commencé bien avant, bien avant vous, bien avant moi.

D’abord il y avait le langage, et le langage était chez Dieu.

Mon existence, la vôtre ? Les voici donc situées en face de ce langage qui n’est pas seulement affaire de paroles, de mots. Ce langage, la nouvelle inouïe est qu’il s’incarne. Jésus va être langage de Dieu dans tout son être, pas seulement par ses paroles et ses paraboles. Ce langage, Jésus, va énoncer l’engagement de Dieu, son désir et sa volonté que l’emporte la vie.

Aussi, ce langage, cet engagement d’1 autre qui précède chaque être vivant pose une alternative. Votre existence, la mienne sera-t-elle comme mise en lumière à l’écoute de cette parole qui m’interpelle, à la rencontre de ce Dieu qui vient ? Ou au contraire votre existence, la mienne, resteront-elles dans l’ombre, enténébrées ? Car l’accueil ou le refus d’entendre ce langage est synonyme de lumière ou de ténèbres. Ce sont là les enjeux de la venue de Dieu qui précède tout être.

Ce langage de Dieu incarné n’appelle pas à se situer seulement les femmes et les hommes de son temps, de l’époque d’Hérode, de l’empereur César Auguste. Cette lumière n’éclaire pas que l’année ou naît un enfant prénommé Jésus, elle nous atteint nous aussi. Ce langage de Dieu incarné remet encore aujourd’hui tout en question. Hier, il a changé le calendrier occidental des hommes, puisqu’on se situe dans l’histoire, avant ou après Jésus Christ ? Mais aujour-d’hui, dans nos parcours, y a-t-il aussi en avant et après Jésus Christ ? un sans ou avec Jésus Christ ?

Si l’enjeu est si grand, c’est que la vie ou la mort ne se passe pas chez nous que dans les chambres d’hôpitaux, lorsqu’on suit sur un écran le rythme cardiaque d’un malade ou que l’on guette son dernier souffle. Ou ailleurs dans le monde : sur un champ de bataille, sur des embarcations fragiles, sur une route d’exil, au fond d’un cachot… L’enjeu des ténèbres et de lumière ne se joue pas seulement là où la sécheresse fait reculer la vie, où les inondations l’emportent. Non. L’enjeu nous concerne nous aussi, tant le désert des relations humaines avance aussi. On communique beaucoup, mais on communie bien peu. Pourquoi devons-nous – les mots employés sont révélateurs – nous mettre à fonctionner, à décrocher, à débrancher ? Si le langage humain cède le pas au langage technique, n’est-ce pas signe que l’humain perd du terrain et que la vie recule ?

D’abord il y avait le langage, et le langage était chez Dieu. Et dans ce langage se trouve la vie.

Dès l’origine, le langage divin est là. Jésus l’incarne en mettant en lumière tout ce que j’ai perdu en réduisant le langage aux mots prononcés, écrits ou lus, alors qu’il touche l’ensemble de l’existence. Bien sûr, je parle, vous parlez avec des mots, mais plus encore avec des gestes, des postures, des silences, des attentes et des craintes. Tout en vous comme en moi est langage. Alors ce langage porte-t-il cette lumière divine ? Rend-il témoignage à cette lumière des-tinée à éclairer la vie dans ses moindres détails, pour ne pas dire recoins ?

La venue du Christ incarne ce langage divin qui porte en lui la vie, comme le devrait tout langage.

Alors vivre le temps de l’Avent et celui de Noël, c’est laisser un Autre parler et m’apprendre à parler. Non pas seulement avec des mots, car ceux-ci, si beaux soient-ils, sont trop souvent vides ou contraire à tous les corps qui parlent et qui énoncent tout autre chose.

Le langage que je veux apprendre met en lumière, que je veux apprendre de Dieu veut éclairer toute rencontre, toute relation. Il ne se contente pas de mots, mais doit se lire dans tout l’être. Jésus, langage de Dieu, incite ainsi à découvrir que le sens de la vie ne se trouve pas en nous-mêmes. Que la lumière n’est pas en nous-mêmes. Que nous ne sommes pas tout, que nous ne sommes pas rien.

Jésus, langage divin, annonce que la vie est toujours fruit d’une rencontre. Rencontrer, c’est toujours se mesurer à l’autre. Mais peut-être moins pour évaluer les forces en présence que pour se réjouir des diffé-rences et des richesses d’être à partager.

Amen

Homélie de Jean-Philippe Calame, le 7 décembre, fête de la mémoire de Mère Geneviève

Homélie de Jean-Philippe Calame, le 7 décembre, fête de la mémoire de Mère Geneviève

 I

« Nous vivons à une époque à la fois troublante et magnifique, une époque dangereuse où rien ne préserve l’âme ». C’est une parole de mère Geneviève, dont vous faites aujourd’hui mémoire, chères sœurs de Grandchamp.  Mère Geneviève résumait ainsi son regard sur le monde en 1938, avec la conscience d’un enjeu vital : « la vie spirituelle elle-même, toute vivante et même puissante a un caractère d’action dynamique, entrainante, très belle, mais par moment inquiétante, parce que l’être humain y joue un rôle de premier plan…. Et je pense que notre civilisation va mourir dans cette folie collective du bruit, de la vitesse, où aucun être ne peut penser. (…) Nous devons nous unir et nous aider à créer des forces calmes, des asiles de paix, des centres vitaux le silence des hommes appelle la parole créatrice de Dieu. C’est une question de vie ou de mort ».  Ainsi, il y a bientôt 90 ans, mère Geneviève en appelait, de tout son discernement, à l’éducation de cœurs capables d’écouter, dans le silence.

Aujourd’hui, une voix rejoint la sienne, et lance un appel plus pressant encore en raison de notre temps. Cette voix nous dit  : « La question la plus décisive que chacun peut se poser est peut-être la suivante : ai-je un cœur ? ». Ainsi nous interpelle le pape François, dans sa toute récente et très belle encyclique ayant pour titre « IL NOUS A AIMÉS ».        

Oui, mes sœurs, mes frères, Mère Geneviève en appelait à un cœur qui écoute ; et le pape François est amené à demander : avons-nous un cœur ?  Car, dit-il, « en voyant comment les nouvelles guerres se succèdent avec la complicité, la tolérance ou l’indifférence d’autres pays… nous sommes en droit de penser que la société mondiale est en train de perdre son cœur. (…)   Voir des grands-mères pleurer sans que cela nous soit intolérable est le signe d’un monde sans cœur ».

 

À celles et ceux qui perçoivent l’amour de Dieu, à celles et ceux qui prient et travaillent pour que cet amour soit reconnu et aimé, deux voix s’unissent pour indiquer le chemin. La première voix dit : « Maintiens en tout le silence intérieur, dispose ton cœur à écouter » ; la deuxième voix dit : « Approche ton cœur de celui du Christ, confie ton cœur au cœur du Seigneur qui aime de toute éternité ».

 

II

 

Ce que nous apprend notre siècle, c’est que même les bonnes volontés, même les ressources d’une créativité étonnante, risquent de se perdre, quand disparaît l’écoute de Dieu qui parle dans le silence. Car certaines découvertes sont détournées au profit de projets inhumains ; une énorme part des ressources sont dilapidées au bénéfice égoïste de quelques-uns ; la soif d’exister, de devenir quelqu’un, et même de dominer le monde inspire des choix de folie dont les conséquences, néfastes pour tous,  sont imprévisibles.

L’homme, la femme de notre siècle a-t-il un cœur ? L’homme, la femme de notre siècle se réfère-t-il encore à son cœur ? L’homme, la femme de notre temps ont-ils appris à faire usage de leur cœur ? Le cœur est ce lieu intime où peut se réaliser une unité de l’être. Le cœur   est ce lieu central où le silence et l’écoute viennent nourrir  un choix radical : le choix d’aimer la vie et de la soutenir sur les pas de Jésus.

Chez les personnes lucides et de bonne volonté surgit alors une question : « Comment puis-je me fier à mon cœur, quand celui-ci a été blessé, malmené ? » ou encore : « Comment puis-je m’orienter et choisir quand je découvre mon cœur habité de mouvements contradictoires ? ».  Ainsi, à certaines périodes, le découragement frappe à la porte.

On comprend alors que Jésus insiste, avec force et douceur :  « Vous qui ployez sous le fardeau, venez à moi. Mettez-vous à mon école, car Je suis doux et humble de cœur ». Jésus offre donc son propre cœur comme lieu d’école pour notre cœur. Ce qui faisait dire à sainte Thérèse de l’Enfant Jésus :

« L’attitude la plus appropriée

est de placer la confiance du cœur hors de soi-même,

en la miséricorde infinie d’un Dieu qui aime sans limites

et qui a tout donné sur la Croix de Jésus-Christ ».

 

III

La résistance au découragement, et bientôt même une joie, peuvent s’affermir au profond du cœur humain lorsque nous sommes pour ainsi dire mis en contact avec l’amour qui habite le cœur  notre Dieu.  Toute une lignée de témoins nous prennent ici par la main.

C’est d’abord Jean, qui discerne l’absolu de cet amour de Jésus à l’occasion d’un geste de violence gratuite, un acte de non sens et de rage : « Les autorités religieuses demandèrent à Pilate

 

qu’on enlève les corps des crucifiés après leur avoir brisé les jambes. Les soldats allèrent donc briser les jambes du premier, puis de l’autre homme crucifié avec Jésus.

Quand ils arrivèrent à Jésus, voyant qu’il était déjà mort, ils ne lui brisèrent pas les jambes, …mais un des soldats avec sa lance lui perça le côté ; et aussitôt, il en sortit du sang et de l’eau ».

 

À cet acte brutal de mépris à l’égard d’un mort, Jean oppose la vision d’une brèche ouverte pour une conversion possible des cœurs : « Cela arriva pour que s’accomplisse l’Écriture ; un passage dit en effet : Ils lèveront les yeux vers celui qu’ils ont transpercé ».

Dans ce même événement d’une blessure inutile faite à Jésus déjà mort, sainte Catherine de Sienne apprend à discerner l’annonce que Jésus nous a aimés plus encore que sa mort ne pouvait le montrer. « Je t’ai montré que c’est infiniment que je vous aime ! plus que mes souffrances n’ont pu le dire.»

 

Saint Augustin écrit que Jean, le disciple bien-aimé, lorsqu’il pencha la tête sur la poitrine de Jésus, s’est approché du lieu secret de la sagesse. En disant cela, saint Augustin ne partage pas simplement une contemplation intellectuelle d’une vérité théologique, mais il évoque l’union intime vécue avec le Seigneur, le cœur comme symbole et lieu de la rencontre profonde avec Jésus.

 

 

 

Saint Bonaventure et saint Bernard comparent le côté ouvert de Jésus à un creux dans une muraille. Nous voici invités à nous y réfugier comme la colombe. Au plus près du cœur du Seigneur, il s’agit de vivre concrètement le fait de demeurer en sa présence, dans son amitié.

« Lève-toi donc, âme amie du Christ et sois la colombe qui a fait son nid dans le mur d’une grotte, sois le moineau qui a trouvé une maison et ne cesse de la garder, sois la tourterelle qui cache les petits de son chaste amour dans cette ouverture sacrée ».

 

Ces saints témoins nous entrainent vers une compréhension concrète de l’alliance proposée par Jésus : « Demeurez en moi, comme moi en vous ». Que représente cette alliance, que représente ce cœur à cœur entre nous et Jésus, quand il est question de pardonner, de croire, de s’abandonner ?

Nous le savons bien, pour accorder un pardon qui est au-delà de notre portée, nous allons nous appuyer sur la force de pardon de Jésus, à la manière dont un surfeur sait se placer pour profiter de l’extraordinaire force de la vague.

De même pour la foi, pour la confiance. Notre confiance, si modeste soit-elle, nous pouvons la glisser dans la confiance sans faille de Jésus envers son Père et notre Père.

Que peut signifier s’abandonner à Dieu pour un cœur qui a souffert d’abandon ? Ai-je un cœur ?  Que répondre, quand tant de fois je pourrais perdre cœur ?

Les deux voix que nous avons écoutées au début nous redisent : 

« Fais du silence un ami ; dispose ton cœur à écouter ».

« Approche ton cœur de celui du Christ, qui aime de toute éternité ».

 

Quant à la voix des anciens, elle nous encourage de manière simple et concrète :

À chaque aube, fais descendre ton intelligence dans ton cœur,

et vis tout le jour en présence du Seigneur.

À tout moment, mets ton cœur en celui de Jésus-Christ,

et vis tout dans sa confiance envers le Père.

 

Amen.

 

Prédication par Yves Bourquin, le 24 novembre 2024

Prédication par Yves Bourquin, le 24 novembre 2024

Mes chères soeurs,

Qu’est-ce que la vérité ? C’est ainsi que se termine le dialogue absurde entre Jésus et Pilate. J’aimerais que vous ayez dans votre tête l’image de ce Pilate, secouant légèrement la tête de dépit en prononçant ces quelques mots… Qu’est-ce que la vérité ?

Ce petit dialogue a une portée immense, car deux réalités inconciliables s’y affrontent. La vérité avec un petit v, celle des humains, celle du monde, celle que l’on peut espérer atteindre par la philosophie, qui cherche la sagesse… et de l’autre côté la Vérité avec un V majuscule, qui fait irruption au milieu de ce procès, dont l’enjeu est l’entier de l’Evangile et qui mènera à la mort du Christ.

La vérité est le sujet même de ma prédication d’aujourd’hui.

Laissez-moi vous dire une chose, si les deux hommes, Jésus et Pilate, avaient réussi à s’entendre au sujet de la vérité, il n’y aurait point eu d’Evangile ! C’est aussi simple que ça. Car l’Evangile atteint son accomplissement dans la mort et la résurrection de Jésus, et toutes les conséquences cosmiques et mondaines que cet événement a eu.

Admettons que les deux hommes, tout humains qu’ils sont se soient assis pour se mettre d’accord. Pilate aurait exposé à Jésus sa vision de sa vérité, « tu vois je suis un chef de guerre romain, je dois faire régner l’ordre, c’est mon devoir, je suis souverain ici, etc. bla bla bla » Et Jésus lui aurait rétorqué, « tu vois, je suis un révolutionnaire, je veux faire connaitre Dieu, et comme mon royaume n’est pas de ce monde, eh bien ma vérité ne vient, en fait, pas te faire ombrage, nous pouvons cohabiter ici, en ce monde, tu t’occupes de tes plates-bandes, je m’occupe des miennes »… Les deux hommes auraient fait « top là », l’accord aurait été conclu et personne ne serait mort… Sauf qu’il n’y aurait pas eu d’Evangile, pas eu de résurrection.

Car, il fallait que le Fils de l’Homme passe par la mort. Jésus n’a de cesse de le répéter tout au long des quatre Evangiles.

C’est pour cette raison que le dialogue entre Pilate et Jésus est aussi absurde, lu de l’extérieur, car les deux protagonistes ne parlent pas de la même chose, ni quand il évoque le sens de la Royauté, ni lorsqu’ils exposent ce qu’est la vérité. Pilate voit la vérité comme la chose la plus subjective qui soit, la plus relative, et pour lui le royaume se vit dans le pouvoir et l’oppression. Pour Jésus, la Vérité est tout autre et son Royaume n’est pas de ce monde.

Pilate parle en minuscule, Jésus en majuscule. Et c’est de dépit que Pilate va le livrer au Juifs, car au moins les juifs parlent à peu près le même langage. Même s’ils ne sont pas d’accord avec la Vérité de Jésus-Christ, et donc la considèrent eux aussi comme une vérité relative, au moins ils savent sur quel plan elle se révèle, et que ce plan n’est pas de ce monde, c’est une vérité ultime, indépassable !

C’est pour cette raison que Jésus demande à Pilate s’il dit cela de lui-même ou si d’autres l’ont dit de lui, lorsqu’il est question de la royauté de Jésus… C’est juste pour savoir si le dialogue va pouvoir s’élever vers la vérité ultime ou en rester à la vérité relative… Visiblement Pilate est de ceux qui relativise la vérité. Ce n’est pas un spirituel.

Bien, mes amis, vous l’avez compris deux mondes s’opposent, la vérité avec un petit v et la Vérité ultime. Nous sommes toutes et tous capables de disserter sur la vérité relative, c’est le propre des relations humaines, de la philosophie et même de la science. Lorsque deux personnes se disputent, dans un couple ou même une communauté de sœurs, elles confrontent leurs vérités subjectives, lorsqu’un philosophe disserte, il fait de même, il confronte des visions différentes, et même Einstein a montré que les lois pourtant a priori immuables de la physique dans certaines conditions devenaient relatives.

Donc, la vérité subjective, on voit tous ce que c’est ! Mais qu’en est-il de la Vérité avec un V majuscule ?

Entrons donc dans le vif du sujet. Je vais essayer avec mes humbles mots, de vous parler de la Vérité, avec un grand V.

Tout d’abord, la Vérité est une irruption, ce n’est pas un chemin de pensées, une théorie. C’est une révélation qui brise les cadres établis et ébranle les certitudes humaines. Cette vérité fait tomber les écailles qui couvrent nos yeux aveugles.

En cela l’image de la Jérusalem céleste est extraordinaire. Elle surgit, vient, et change tout. Elle est là. (l’Amen vient aux milieu des nuées)

Elle fait irruption dans l’histoire humaine, tant sur le plan de la grande Histoire, comme de celui chacune de nos petites histoires individuelles.

C’est une rencontre transformatrice, un moment où l’humain est confronté à quelque chose de plus grand que lui, qui le pousse à réévaluer tout son être.

Dans une perspective « cosmique », l’irruption de la Vérité de Jésus-Christ marque la fin d’un ordre ancien et le début d’une réalité nouvelle. « Un ciel nouveau et une terre nouvelle » (Apocalypse 21,1)

Cette irruption dérange et réconforte à la fois. Elle n’est jamais confortable. Elle dérange les puissants, expose les mensonges, renverse les fausses sécurités. Elle ne craint pas de dénoncer, ce qui est « de fausses excuses » ou de « faux Dieu ». L’argent partira avec nous dans notre tombe, le pouvoir également.

En même temps, la Vérité apporte une paix inébranlable à ceux qui l’accueillent et procure une solidité.

L’irruption de la Vérité n’est pas une invasion brutale, mais c’est un acte d’amour radicalmotivé par le désir de Dieu de réconcilier toute chose avec lui.

Donc, la Vérité est un surgissement transformateur ultime, que personne ne peut découvrir par lui-même sans l’aide de Dieu. En un instant, tout se transforme et la vie, ma vie, prend un sens nouveau.

Et, de cette action transformatrice, vont découler toute une série de choses nouvelles, qui en sont les fruits :

Le premier fruit, c’est que la Vie va prendre du sens. La quête de la première place, la quête de l’argent, etc. vont passer au second plan, et n’être recherchés plus que comme des moyens pour que rayonne la Vérité. La Vie va prendre du sens car non seulement elle trouve son but, mais chaque être trouve sa dignité dans le fait d’être fils et de fille de Dieu.

Le deuxième fruit de la Vérité, c’est la justice. Le fait que nous sommes toutes et tous filles et fils de Dieu et que notre Père, nous aime toutes et tous d’un même amour, nous oblige positivement à nous mettre au service des uns et des autres. Nous sommes égaux en valeur aux yeux de Dieu, par l’amour qu’il nous porte à chacun, chacune.

Cette égalité dans l’amour, n’ôte pas les différences qui sont entre nous, mais les transforme en autant de moyens, de charismes, que Dieu donne pour faire advenir son Règne dans ce monde. C’est pour ça que la Vérité amène au partage, à l’entraide, à la paix… qui sont des fondements de justice. Les humains doivent se soutenir et être complémentaires les uns, les autres.

Le troisième fruit de la Vérité ultime est la liberté. La Vérité supprime les esclavages. En fait, à bien y regarder, un roi peut être bien plus esclave des autres que ne l’est l’esclave qui est à son service. Un riche peut être très malheureux et donc être à plaindre.

En ayant vaincu la mort, Jésus supprime la peur ultime de l’homme. La mort, ce n’est pas grave, ça se traverse…

Et l’humain libéré de cette peur, parle librement de la Vérité. Il dénonce l’injustice, en dépit des conséquences. Il affronte même ceux qui ont le pouvoir de le mettre à mort ou de l’emprisonner. Car sa liberté vient de la Vérité. Il y a tant d’exemples de ce genre de foi dans l’histoire du salut. Vous y avez déjà réfléchi : pour quelle vérité seriez-vous prêts ou prêtes à donner votre vie ?

Enfin, l’avènement de la Vérité a pour quatrième fruit espérance. C’est grâce à la Vérité ultime qu’on croit encore en l’avenir du monde et que certaines et certains se battent encore pour que le Royaume advienne.

L’adversaire de la Vérité, n’est pas le mensonge, bien au contraire… Le mensonge est un adversaire de pacotille. Le grand adversaire de la vérité, c’est la dilution de cette vérité en un mirage fait de multiples petites vérité relatives. Comme ce que croit Pilate. C’est le relativisme, qui mène au désespoir, au « à quoi bon »… De toutes manière, ça ne sert à rien.

Voilà, mes chers amis, frères et sœurs, ce n’était pas une mince prédication, n’est-ce pas ?

Alors avant de conclure, j’ai encore un mot à vous dire, important. La Vérité ultime n’est et ne sera jamais un fondamentalisme. Car tout fondamentalisme n’est rien d’autre que de croire qu’une vérité avec un petit v est la Vérité ultime. Oh non, la Vérité dont témoigne le Christ ne se possède pas, elle est donnée, elle est pure grâce. Pour vous donner un exemple concret, il y a la même différence entre la Vérité et un fondamentalisme qu’entre un acte d’amour et un viol. L’un est un don partagé, l’autre est tout bonnement un abus ! un abus spirituel avant tout.

Le signe que la Vérité est à l’œuvre se repère simplement lorsque des humains, réunis ensemble, se parlent, s’écoutent et se respectent avec l’intention ferme de créer ensemble et avec Dieu au milieu d’eux, un monde meilleur de justice, d’amour, d’espérance et de paix, prémisse du Royaume de Dieu. « Car, comme le dit l’Evangile, dans Matthieu, là où deux ou trois sont réunis en mon nom, (au nom de la Vérité) je suis au milieu d’eux ».

Amen