Petite préparation en vue du voyage à Philippe

Paul écrit une lettre aux gens de Philippe, une ville de Macédoine en Grèce. Cette ville est devenue une colonie romaine en 42 après Jésus-Christ. Mais ses indigènes parlent encore le grec (et non latin). Paul qui écrit en grec, qu’ils peuvent donc tous comprendre. Paul est en captivité, mais malgré la séparation physique il reste communion avec cette communauté. Il leur fait confiance, tout comme les Philippiens lui ont accordé le leur. Ces liens de tendresse très forts permettent la franchise. Paul peut écrire sans détour et sans prendre trop de précautions oratoires.
Du point de vue religieux, il existe à Philippe une grande variété de croyances. Mais comme dans toute ville colonisée par les Romains, il faut rendre un culte à l’empereur. Cet acte d’allégeance est obligatoire. Les Philippiens vivent donc une situation difficile, puisqu’ils contestent la suprématie de l’empereur. Confesser le Christ comme Seigneur universel ne peut que susciter menaces et oppositions à l’encontre des chrétiens, car l’empereur doit lui aussi vénéré comme Seigneur. Il faut donc trouver des moyens de résister aux pressions extérieures.
De plus, la cohésion communautaire est mise à rude épreuve, en raison de factions aux convictions contrastées. Elles ont pourtant pour point commun de contester la vision universaliste de l’Évangile[1] que Paul défend. Selon l’apôtre, tout un chacun peut recevoir L’Évangile qui est un don de Dieu, et ceci sans condition préalable. L’Évangile implique que le croyant se sache accepté tel qu’il est : Dieu nous prend en considération, dans notre être le plus profond. Il nous offre son Esprit qui donne estime et considération. Ainsi, l’Évangile paulinien implique la mise en pratique de l’amour du prochain, c’est-à-dire a prise en considération autrui et de ses besoins.

Première escale :
Philippiens 2, 1-11 : s’estimer les uns et les autres

Dans le début du chapitre 2 (v. 1), Paul mentionne la communion dans l’Esprit. Seul ce lien permet d’instaurer de nouvelles relations. Paul insiste ici sur l’idée de partager un plein accord, au-delà des interprétations qui peuvent différer. (Nous reprendrons cet aspect dans la méditation pour dimanche après-midi).
L’introduction (v. 1-5) à l’hymne dédié au Christ (v. 6-11) est consacrée au thème sous-jacent de l’estime de soi et des autres. Or cette notion est une réalité curieuse. Il n’existe pas d’appareil de mesure pour évaluer l’estime. Quand on parle d’estime, on renvoie aux sentiments d’admiration ou de rejet. L’estime est de l’ordre de la relation. Bref quand on parle d’estime, on navigue à vue !

« Ne faites rien par rivalité, rien par gloriole, mais, avec humilité, considérez les autres comme supérieurs à vous. Que chacun ne regarde pas à soi seulement, mais aussi aux autres. Comportez-vous ainsi entre vous, comme on le fait en Jésus-Christ » (Phil 2, 3-5)
Comportez-vous, littéralement : soyez bien disposé les uns à l’égard des autres. Cette exhortation revient 10 fois dans la lettre aux Philippiens. C’est dire si elle est importante.

« Avec humilité, considérez les autres comme supérieurs à vous » (v. 3)
Soyons clair : Paul ne demande pas que nous nous méprisions nous-mêmes que nous nous rabaissions, ni d’ailleurs que nous nous élevions au-dessus des autres. L’apôtre prône l’humilité. Cette dernière s’oppose à toute forme d’humiliation. Elle combat le mépris de l’autre comme de soi-même, mépris qui engendre honte et perte de confiance. L’humiliation est contraire à l’Esprit de Dieu et contraire à l’amour du prochain.
Le terme humilité vient de humus, la terre. Être humble c’est donc savoir que l’on appartient à au monde des humains. Il ne s’agit pas de vouloir être ce que l’on n’est pas : un surhomme ou une superwoman. Nous ne sommes pas au-dessus ni en-dessous des autres. Notre sentiment de supériorité ou d’infériorité doivent être transformés en esprit d’amour et de service pour le prochain.
Paul ouvre ainsi une piste pour éviter de se juger soi-même, soit trop sévèrement, soit en s’exaltant. Et pour ce faire. L’apôtre propose un moyen particulier : « Que chacun ne regarde pas à soi seulement mais aussi aux autres » (Phil 2, 4). Il faut donc nous décentrer de notre moi. Le « seulement » est important. Il ne s’agit pas de se nier soi-même et de s’oublier complètement, mais il s’agit de quitter ce que l’on appelle si justement l’amour propre, c’est-à-dire l’amour inconsidéré que l’on se porte à soi-même. A mon sens, cette capacité de se décentrer est déjà un don de l’Esprit. La structure relationnelle proposée dans ce verset empêche d’une part la rumination sur soi-même et d’autre part la rage envers autrui. La parole à autrui, vers autrui et pour autrui, libère.
Le décentrement et la possibilité de quitter une préoccupation excessive de ce que nous sommes devient possible. Mais il nécessite que l’on abandonne la logique binaire qui compare deux entités. Cette logique de comparaison provoque rivalité, jalousie ou gloire indue. Pour dépasser ce type de sentiments, Paul invite à une logique ternaire : regarder à Jésus Christ, aux autres et à soi. En portant nos regards sur le Christ, nous sommes appelés à entrer dans son abaissement (vivre une vie de service) et son élévation (vivre une vie dans la confiance auprès de Dieu).

Escapade libre pour emprunter des ruelles personnelles
Proposition de méditation

Je me souviens de temps forts vécus en Église (retraite, étude biblique, célébration, lecture biblique personnelle, etc.) qui m’ont procuré de la joie et d’où je suis ressorti en me disant : Voilà qui m’a vraiment aidé. Voilà un mot, une phrase, une attitude, qui m’a aidé à découvrir un aspect du visage du Christ. Voilà un mot, une phrase, une attitude, qui m’a aidé à surmonter un sentiment de vide et de rejet.

Que le Souffle de Dieu crée en vous un nouvel élan vers les autres.

 

 

[1] Pour rappel : le mot Évangile désigne la bonne nouvelle de la venue de Dieu en Jésus-Christ mort et ressuscité. Le terme est donc plus large que la mentions des Évangiles bibliques : Matthieu ; Marc, Luc et Jean.