Homélie par le pasteur Nicolas Charrière pour le 3 septembre 2020

Homélie par le pasteur Nicolas Charrière pour le 3 septembre 2020

Evangile : Mc 13, 14-27

Il arrive que nous soyons confrontés à des situations de détresse incommensurable. Que ce qui nous apparaît comme le plus sacré, le lieu qui dit la présence de Dieu en nous et pour nous, soit profané. Que ce qui constitue notre ressource la plus profonde, notre manière d’accéder à Dieu, d’être en lien avec lui, soit foulée aux pieds. C’était le Temple pour les Juifs du temps de Jésus. Cela peut être nos églises ou chapelles aujourd’hui. Nos icônes. Nos Ecritures, nos eucharisties. Cela peut aussi être notre corps lorsqu’il est violé, meurtri. Cela peut être notre image de nous-mêmes lorsqu’elle est bafouée. Notre intériorité lorsqu’elle n’est plus respectée.

Alors c’est comme si « l’Abominable Dévastateur », l’abomination de la désolation, faisait son œuvre en nous, s’attaquant à nos ressources spirituelles elles-mêmes. Et pour survivre et tenir le coup, pour résister aussi, il nous faut fuir. Quitter les sécurités, quitter le connu, ne pas se retourner en arrière sous peine de finir pétrifiés, comme la femme de Loth, dans l’impossibilité de se mouvoir. Et espérer avoir suffisamment de forces pour tenir bon dans ces temps bouleversants et difficiles.

Pour tenir le coup et résister, il faut aussi renoncer aux remèdes faciles, aux explications qui ne manqueront pas d’arriver, aux solutionneurs qui seront nombreux pour prendre la place menacée de la foi en Jésus-Christ. Ce temps d’épreuve, ce temps où les sécurités spirituelles que donne le sacré sont ébranlées, c’est un temps de veille et de résistance. Non pas en demeurant immobile, dit l’Evangile, mais en s’éloignant de ce qui fait mal sans entrer dans le regret. En se protégeant dans les montagnes, ces lieux qui rapprochent de Dieu.

Car ce temps n’aura qu’un temps. Dieu n’abandonne pas, et il agit pour que ses enfants qu’il aime aient la vie sauve. Et si tous les repères, le soleil et la lune et les étoiles, disparaissent, pourtant le Christ, lui, vient et rassemble dans l’unité de sa présence les femmes et les hommes dispersés et isolés dans leur détresse.

En ce temps de prière et d’engagement pour la Création, nous vivons aussi cette profanation de ce que la Création a de plus sacré – son lien à  Dieu – par les agissements des humains. Et nous pourrions tomber dans le désespoir paralysé ou l’affrontement agressif. Mais l’Evangile nous appelle à ce recul que permet la fuite dans les montagnes. Pour résister, entrer en prière, et ne pas succomber ni à la dépression ni à la violence.

Et garder chevillée au cœur et au corps la foi en Jésus-Christ qui n’abandonne pas la Création ni l’humanité. Veillez et priez. Pour ne pas s’égarer et pour agir. En se laissant rassembler par le Christ vivant, portés par les quatre vents de la terre entière et guidés par les anges, nous pourrons résolument vivre cette espérance que raconte l’Evangile: tout est entre les mains de Dieu, c’est pourquoi nous pouvons nous engager fermement contre tout ce qui bouche l’horizon du monde, et travailler à la sauvegarde de la Création qu’il nous a confiée.

Retraite d’introduction à la prière contemplative – retraite annulé

Retraite d’introduction à la prière contemplative – retraite annulé

Du 9 au 18 avril 2021

avec Karin Seethaler,
s.Anne-Emmanuelle, s.Pascale, s.Michèle

Contenu de la retraite :

Pendant ces jours de silence nous dirigerons notre attention sur l’ici et maintenant. Ainsi nous nous ouvrirons à la présence de Dieu. C’est une orientation simple vers l’essentiel pendant laquelle se passe un imperceptible changement. Dans une introduction pas à pas à la prière contemplative et conformément aux étapes du cheminement décrites par le p. Franz Jalics sj, nous nous exercerons à une attitude, celle de l’attention aimante. Elle nous donne une orientation sur le chemin vers nous-mêmes et vers notre propre profondeur. Cette orientation va nous soutenir aussi dans notre quotidien ; elle nous aide à rester en lien avec nous-mêmes et en lien avec Dieu.

Une retraite de prière contemplative est:

  • Un temps intense de silence qui veut nous conduire vers un simple être-là devant Dieu.
  • Un temps de prière pour que notre vie soit tournée vers Dieu.
  • Un temps de vie pleine où, en tant qu’être humain, j’ose être là, comme je suis, sans devoir accomplir quoi que ce soit.

Élements de la retraite :

  • Introduction à la prière contemplative
  • Plusieurs heures de méditation silencieuse en commun
  • Silence tout au long de la retraite
  • Partage en commun
  • Liens bibliques avec les méditations
  • Accompagnement lors d’entretiens personnels
  • Prière commune avec les sœurs de la communauté

Début : Vendredi, 9 avril 2021 à 16h45 (arrivée dès 15h)
Fin : Dimanche, 18 avril 2021 vers 11h

Frais :
pour la pension CHF 540.- à 720.-
pour le cours :      CHF 250.- à 350.-

Paiement en euros possible (se renseigner auprès de accueil@grandchamp.org)
Personne ne doit être retenu par des questions financières ; une déduction du prix du logement et/ou du cours est possible.

Accompagnement: Karin Seethaler*, Regensburg
s.Anne-Emmanuelle, s.Pascale, s.Michèle
Communauté de Grandchamp

 

Inscriptions:
Communauté de Grandchamp – accueil, Grandchamp 4, CH – 2015 Areuse
e-mail: accueil@grandchamp.org

* Elle est l’auteure de 2 livres:
– La force de la contemplation. Éditions jésuites, Namur 2016
– La méditation spirituelle. Éditions Vie Chrétienne no.595, Paris 2018

Homélie par la pasteure Aline Lasserre pour le 20 août 2020

Homélie par la pasteure Aline Lasserre pour le 20 août 2020

Un prophète inconnu… appel à se recevoir de Dieu.

Marc 10:35-45, vouloir la bonne place, Ephésiens 2:11-22 : en Christ par l’Esprit tous unis pour devenir demeure de Dieu.

 

épis de bléC’est quand on lui a dit : » souvenez-vous » que celui que nous appelions le prophète s’est mis à parler comme avant.

Avant… c’était quand il était encore en pleine forme, qu’il racontait inlassablement ses rencontres avec son ami, l’apôtre qu’il appelait Paul. Lui notre prophète, je ne pourrai pas vous dire son nom parce que tout le monde l’appelait ainsi, si j’avais su qu’un jour on retrouverait ses écrits, une lettre adressée à nous Ephésiens, et qu’on ne pourrait pas alors les signer c’est sûr que je le lui aurai demandé son nom.

Ce que je peux vous dire de lui c’est que c’était un homme qu’il faisait bon rencontrer. Il appartenait à ces gens que vous rencontrez même quelques minutes et dont le souvenir reste gravé pour toujours tant la rencontre a été profonde. Dans toute une vie il y en a peut-être deux ou trois de ce genre-là.

Maintenant le prophète était âgé, parfois sa mémoire lui faisait défaut et il en paraissait si déçu que vous auriez voulu trouver pour lui le mot manquant, avant même qu’il ne s’en aperçoive.

Cet après-midi-là nous étions plusieurs rassemblés près des mûriers, l’air était encore chaud et portait en lui le parfum de l’été.

La ville d’Ephèse, non loin de là, sortait de la torpeur de la sieste- L’un de nous avait évoqué l’apôtre Paul espérant que le prophète reprendrait le nom au vol et nous raconterait alors une histoire, mais rien. C’était comme si ce prénom ne lui évoquait plus rien alors quelqu’un a dit : « Souvenez-vous ».

A ces mots le regard du prophète s’est illuminé, sa langue s’est déliée et il ne s’est plus arrêté.

« Souvenez-vous qu’autrefois vous étiez étrangers à la promesse, sans espérance, sans Dieu, séparés du peuple élu ».

Moi j’ai pensé en moi-même : Etait-ce seulement autrefois, ne sommes-nous pas encore étrangers les uns aux autres ? Ne sommes-ne pas en régulière rivalité les uns avec les autres ?

Mais le prophète continuait : « mais maintenant vous avez été rendus proches par le sang du Christ ! » Devant nos mines dubitatives, il a ajouté « Non ce n’est pas de sacrifice sanglant à son propre Père que je parle, mais de sa vie offerte pour tous, pour faire de chacun de nous les enfants du même Père, des enfants de Dieu.

Oh je sais ce n’est pas si simple à comprendre, ce que je vous dis là, c’est ce que Paul a pris le temps de longuement m’expliquer en me disant que ceux qui avait reçu la Loi s’étaient en fait blessés à son usage. Soit ils se sentaient toujours coupables, toujours pris en défaut devant les exigences de cette loi qu’ils n’arrivaient jamais à accomplir, soit ils se sentaient triomphants parce que sûrs d’assurer eux- mêmes leur salut. Et c’est ainsi que peu à peu le mur de séparation s’est érigé entre les purs et les impurs,

entre les bons et les mauvais, entre les justes et les païens.

Or devenir enfants de Dieu, c’est une pure grâce. C’est recevoir la vie de Celui qui seul peut nous libérer de cette puissance de péché qui nous sépare de Lui. »

Il avait énoncé cela d’une seule traite et on avait un peu de peine à suivre, le prophète le voyait bien, alors il a expliqué encore :

« Livrés à nous-mêmes, à nos idéaux, à nos propres conceptions, nous construisons des murs entre nous, nous pensons qu’un peuple Saint s’acquiert par l’exclusion de l’autre, nous faisons pour cela, beaucoup d’efforts, consacrant beaucoup d’argent pour nous isoler les uns des autres.

Or en Christ, c’est juste tout à fait l’inverse.

Son peuple saint : c’est l’ensemble de l’humanité rassemblée en lui, ce n’est pas un peuple de purs au-dessus des autres, sans tache, c’est toute l’humanité unie.

A nous, cela est impossible, c’est de l’ordre de Dieu, c’est sa création parce que l’unité sera toujours son œuvre à Lui.

Par nous-mêmes, nous en sommes tout à fait incapables. Nous ne savons que diviser, chercher des privilèges, nous comportant comme des enfants dont l’un se vante d’être l’aîné, le chouchou, ou d’être celui qui mérite le plus d’amour.

Le prophète avait souri, peut-être pensait-il à ses enfants se vantant en chantant : «  il m’aime plus que toi, nananère, nananère… » puis pensif il avait ajouté «  mais cela n’est pas que le propre des enfants, cela dure hélas toute notre vie d’adulte. Prétendre être le peuple élu au détriment des autres, être un peuple de purs, vouloir occuper la meilleure place…Dieu nous a pourtant donné par le Christ le moyen de nous en sortir : Laissons le Christ être notre paix, laissons-le nous rassurer et nous réconcilier, lui-même, en un seul corps ». J’étais en train de me demander s’il nous faudrait tous devenir Juifs pour appartenir à ce peuple élu. Mais le prophète poursuivait en disant que « le Christ venait apporter la paix à ceux qui sont proches comme à ceux qui sont loin, parce que par son Esprit Il nous rend tous proches du Père », alors l’humanité nouvelle ne sera pas le fait d’une assimilation des uns par les autres mais d’un tout autre ordre : de l’ordre de Dieu qui donne à chacun pleinement sa place.

Etre famille de Dieu ne peut pas se vivre les uns séparés des autres, mais bien dans la Grâce d’être ensemble créés enfants de Dieu.

C’est ainsi unis que nous serons la demeure de Dieu, l’Eglise, le Christ en constituant la pierre d’angle et les uns aux côtés des autres formant ensemble cette demeure, placés côte à côte dans un même service à l’image du Seigneur ».

Il a conclu en disant que « ce n’est qu’en recevant la Grâce d’être serviteurs de ce Seigneur qu’alors ensemble nous pourrons laisser notre maitre nous unir.

Il a fermé les yeux en ajoutant : « Que cela soit notre prière et notre agir jusqu’à ce que ce jour advienne… »

 

C’est bien plus tard que jubilant d’avoir trouvé une lettre à nous adressée, nous avons reconnu les mots du prophète, hélas aucun de nous ne savait son nom, c’est ainsi que cet écrit sera désormais transmis comme la contribution humble d’un serviteur à l’édification de cette demeure que nous sommes toutes et tous appelés à former. Amen.

Homélie par le pasteur  John Ebbutt pour le 16 août 2020

Homélie par le pasteur John Ebbutt pour le 16 août 2020

Esaïe 56, 6-7 , Romains 11, 13-13, 29-32, Matthieu 15, 21-28

 

Avez-vous quelque chose à déclarer ?

C’est la question que l’on nous pose parfois à la douane, lors du retour dans notre pays ! Sauf en cette année, où peu sont partis à l’étranger…

Traverser une frontière, c’est toujours franchir un passage. Il peut se vivre entre le connu et l’inconnu, là-bas et ici, comme pour moi qui a changé de canton pour venir vous trouver ce matin, … quel dépaysement !

Dans tout passage de frontière, il y a une part plus ou moins grande de découvertes à ce qui n’est plus tout à fait chez nous. En Arche toute ! Que j’aime ce lieu entre ce qu’il représente pour moi de familier et pourtant de toujours neuf. Une nouveauté colorée et accueillante.

Mais bien plus, changer de continents, partir au loin, venir d’autres cultures, alors c’est réaliser toutes nos différences comme autant de richesses, de privilèges à pouvoir vivre ici en paix par exemple. Et nous sommes ces jours-ci profondément unis au peuple libanais.

Une frontière, c’est un passage, pour passer d’un monde à un autre, mais c’est aussi une barrière et une protection. Une frontière ça place une limite qui exprime également une identité. Elle nous définit et nous rassemble comme les participants de cette semaine à la retraite des exercices contemplatifs.

 

Mais plus que partout ailleurs peut-être, c’est le pays d’Israël qui au temps du Christ était délimité par une frontière, non pas infranchissable, mais avec des possibilités de passage en terre païenne, là où les gens étaient impurs, là où d’autres croyances, d’autres dieux étaient adorés, là où l’on ne devait plus tout à fait se sentir à l’aise… Une frontière que l’on s’abstenait j’imagine de franchir, sauf pour motifs économiques, pour aller survivre ailleurs.

Aujourd’hui encore, plus que dans bien d’autres pays, un mur sépare, des postes-frontières délimitent des territoires occupés. On ne peut circuler partout à sa guise, selon sa provenance, selon ses besoins… Une situation qui vue d’ici nous échappe totalement et qui semble bien compliquée.

Qu’est-ce qui a bien pu pousser Jésus à aller voir de l’autre côté, dans les régions proches des villes de Sidon et Tyr, nous dit-on qui, franchement dans la Bible, ont une réputation épouvantable ?

Pourquoi a-t-il fait ce premier pas au dehors d’Israël ? Une première incursion en terre étrangère qui n’était peut-être pas sans risque.

Etait-ce par curiosité ? Etait-ce par appel de son Père à aller porter plus loin l’Evangile ? Etait-ce pour mettre en pratique son enseignement qu’il venait de donner sur ce qui est pur et impur aux pharisiens scandalisés de l’entendre ? Dans l’Evangile de Marc, on nous dit même qu’il y va en voulant rester caché. Surtout ne pas se faire reconnaître.

Mais franchement, si on peut se plaindre parfois chez nous de l’attitude de certains touristes, celle du Christ n’est en rien un exemple !

Voilà une femme qui de Cananéenne s’avance vers lui, le priant de guérir sa fille et il ne répond rien. Pas un mot ! Il se tait !

Elle insiste, elle crie, importune ces hommes et il ne lui adresse même pas la parole, répétant aux siens sa conviction :   « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues d’Israël ». Pire, quand elle se met à genoux devant lui, il utilise une insulte courante pour traiter les autres, ceux au-delà des frontières, de petits chiens.

Pas très correct ce Jésus ! Pas de quoi en faire un modèle de tolérance et d’ouverture !

Mais loin de se décourager la femme a un tel sens de la répartie qu’elle fait revenir Jésus sur sa décision. Elle franchit une frontière :

« Même les petits chiens mangent les morceaux qui tombent de la table de leurs maîtres ».

Il y a aussi dans la vie les frontières que l’on se fixe, celles qui sont à l’intérieur de chacun. Celles qui nous gardent, parce que l’on a tous besoin de retrouver ce qui est connu. Celle qui nous permettent de vivre chez soi, en paix.

Frontières de la pensée, des habitudes, de la foi que je n’aime pas toujours se remettre en question. Frontière des relations et de liens. Frontières des groupes et des appartenances.

Jésus en venant poser ses pieds ailleurs, semble tout d’abord comme emmuré, pris au piège de sa croyance. « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis… ».

Limites toutes humaines que l’on retrouve chez lui.

Mais comme une barrière qui tombe au travers de cette rencontre inattendue, il y a un cheminement intérieur qui tout va changer.

Sans arrogance, sans contester, mais avec un humour décapant et une grande simplicité, cette femme revendique sa part de miettes. Non pas un morceau de pain tout entier, mais quelques miettes seulement tombées de la table…

C’est vrai, Jésus commence par refuser d’entrer en relation par son silence. Il justifie son attitude en expliquant le sens de sa mission. Mais la femme ne répond pas à l’insulte avec colère. Et le voilà pris à sa propre comparaison par celle qui a admis l’élection prioritaire d’Israël, mais qui en profite pour dire qu’élection ne signifie pas nécessairement exclusion, et qu’en se serrant un peu on pourra toujours trouver une place pour tout le monde. Sans le savoir, elle vient de s’asseoir à la droite d’Abraham. Le petit chien vient de supplanter les fils.

Réponse pleine de finesse qui provoque chez Jésus un changement profond. C’est une Cananéenne, dans un pays détesté, appelant Jésus Fils de David, qui lui fait prendre conscience que le salut n’a pas de frontières, que Dieu n’est pas délimité et que son amour ne s’embarrasse pas de catégories humaines !

Il y a quelque chose de bouleversant dans ce face à face. Une femme qui prie de tout son être et qui va jusqu’au bout de sa requête en refusant de taire sa souffrance de mère. Et un Jésus qui se laisse petit à petit rejoindre et toucher par ce qu’il n’avait pas prévu. Du petit chien il rencontre un être humain. De l’étrangère il découvre une croyante. De la distante il s’étonne et s’émerveille tout à coup d’une foi si grande.

A travers la persévérance de cette femme, il y a une assurance, une parole audacieuse faite d’humilité et de force qui ne se laisse pas fléchir. En ne voulant pas s’asseoir à la même table, elle ne tient pas à lâcher les miettes non plus.

Vivre sa foi, ce n’est pas prétendre aux honneurs, revendiquer des privilèges, mais n’est-ce pas non plus oser se tenir devant Dieu avec sa prière ardente, avec cette confiance folle d’être écouté et entendu ? Vivre sa foi, n’est-ce pas oser se tenir là où nous sommes susceptibles d’être rejoint et compris ?

Vivre sa foi, n’est-ce pas oser parfois franchir les frontières de la bienséance pour aller au-devant, interpeller, entrer dans ce dialogue, cet échange fructueux avec celui qui donne, en venant accueillir une foi active et en mouvement? Il vient reconnaître nos vies dans ce qu’elles portent de vitalité intérieure, de foi qui ne se laisse pas décourager et qui nous invite à tenir notre place, quelle qu’elle soit sans s’effacer ou se sous-estimer.

J’aime cette femme de l’Evangile dans ce qu’elle bouscule en moi de discret, de tranquille et de poli. Elle m’apprend à entrer dans une vie au-delà des frontières et des limites que l’on se fixe. Car la miséricorde de Dieu ne peut-être qu’ universelle. Et un humain reste toujours d’où qu’il vienne un humain quand tombent les préjugés qui nous séparent les uns des autres.

Nous sommes tous des étrangers rencontrés. Des lointains qui avons été rejoints. Des distancés qui se sont sentis un jour approchés.

Mais tout autant, n’y a-t-il pas non plus quelque chose d’extraordinaire à travers Jésus en qui la volonté de son Père voit peu à peu le jour ?

Il se laisse émouvoir pour finalement accueillir ce chemin vers l’autre qui va au-delà de ce qu’il imaginait. Il devient capable de réconciliation. Il accepte avec un véritable étonnement que Dieu n’est pas toujours là où on l’attend. Il se cache parfois chez l’autre, celui ou celle qui m’est inconnu ou différent. Et qu’il y a quelque chose à apprendre de l’autre côté de mes certitudes et mes prêt-à-penser. Rencontre qui n’est possible que si chacun sort un peu de chez lui.

Franchir nos frontières. Dépasser nos limites.

A la fois en allant plus loin

Et puis en laissant venir. Sur sa terre, dans son monde, dans sa réalité parfois si étrange que nous ne nous comprenons pas nous-mêmes.

Laisser un Autre nous connaître

J’aime ce Christ qui ne pose pas autour de moi une barrière toute faite, mais qui est chemin pour découvrir que j’ai besoin des autres, pour changer, transformer mes convictions mêmes les plus intimes. Besoin des autres pour interroger ma foi et que, parfois, c’est de ceux qui sont le plus à l’extérieur de nos frontières, qu’elles soient celles de nos vies, de l’Eglise, de nos cercles d’appartenance, que vient une fraîcheur, une quête qui nous remet en question. C’est une sacrée leçon de vie ! Parfois ce sont des croyants non pratiquants, ce sont les questions des enfants, ce sont les drames ou les bonheurs de la vie des autres qui nous éclairent sur ce qu’il y a de plus vrai sous un même ciel, de plus essentiel sous le même regard de Dieu qui se laisse rencontrer au détour d’un chemin, oui vous savez… là bas, de l’autre côté, au fond, derrière, au dehors, tout près, juste ici,

… juste un peu plus loin !

 

Amen

Homélie par le pasteur Timothée Reymond pour le 15 août 2020, la fête de Marie, mêre du Seigneur Jésus

Homélie par le pasteur Timothée Reymond pour le 15 août 2020, la fête de Marie, mêre du Seigneur Jésus

Esaï 7, 10 – 15, 1 Corinthiens 15, 20 – 26, Luc 1, 39 – 56

Avec des éléments d’un commentaire de M. Domergue sj

Au fil des siècles, les Églises ont fêté la « dormition » de Marie, c’est-à-dire sa mort dans la paix – endormissement – et la montée auprès de Dieu – « assomption » – de son corps inanimé mais non corrompu par la mort…

Marie meurt donc comme tout le monde, comme son fils. Mais on nous dit qu’elle est prise tout entière, y compris son corps, dans la gloire de Dieu.

Dit comme cela, ce qui arrive à Marie n’est pas tellement différent de ce qui nous arrive à nous, promis que nous sommes à la résurrection. Bien sûr, on nous dira que pour Marie tout est spécial, car elle a porté l’humanité du Christ, un homme sans péché…

Soit, cependant ce qui est « spécial » pour Marie n’est là que pour nous. Marie n’existe pas pour elle-même mais pour le Christ ; et le Christ est celui en lequel nous avons l’être et la vie. Nous sommes pour lui et il est pour nous.

Parler de Marie c’est donc parler du Christ et parler de nous ; parler de Dieu avec nous.

 

La réflexion chrétienne sur Marie a toujours compris qu’elle occupait une place centrale dans le dessein de Dieu selon une double perspective :

à Marie est celle par qui le Christ prend chair ; donc, en quelque sorte, chemin de Dieu jusqu’à nous… même s’il ne faut pas imaginer un fossé a priori entre Dieu et nous, alors qu’il est Celui qui nous porte.

à Marie est aussi celle par qui l’huma­nité accueille Dieu.

A partir de là, on a toujours hésité entre deux perspectives : Qu’est-ce qui fait que Marie occupe une place centrale ?

  1. Est-ce le fait qu’elle a porté le Christ ?
  2. Est-ce le fait qu’elle s’est montrée la croyante typique ?

Ce n’est pas tout à fait la même chose. Si l’on met en premier plan sa maternité, on insiste sur ce qui la rend différente de nous, car il n’y a qu’une mère du Christ. Si l’on insiste sur la qualité de sa foi, on la rapproche de nous : elle vit ce que nous avons tous à vivre pour mettre au monde le Christ…

 

La première lecture du livre d’Esaïe nous dit que le Seigneur donnera un signe à Achaz, roi de Juda, encerclé par l’ennemi : la jeune femme est enceinte, elle enfantera un fils, i.e. une descendance royale grâce à l’intervention de Dieu dans une situation apparemment sans issue. – On peut aussi y discerner l’annonce de la venue du Messie grâce à Marie qui va l’enfanter. à Et là, nous sommes dans la première perspective : Marie – habitation de Dieu.

Mais l’Évangile de ce jour nous fait comprendre que ce qui fait Marie ce n’est pas seulement le fait de porter le Christ, mais c’est aussi et avant tout d’avoir « entendu la parole de Dieu » : « Bienheureuse celle qui a cru » dit Élisabeth. Et puis, la lecture de 1 Corinthiens 15 nous parle de la résurrection du Christ, promise à tous les siens. Voilà qui ramène Marie au sort commun, nous invitant à considérer sa mort comme une sorte de cas particulier, exemplaire, de la résurrection.

 

La trajectoire parcourue par Marie est donc représentative de ce qui arrive à l’humanité avec le Christ. Dire que Marie, à sa mort, ne connaît pas la corruption de la mort, est là pour nous dire que Dieu a le dernier mot et que tout se termine en gloire, dans le salut accompli.

Cette trajectoire abou­tit moyennant la foi, l’accueil confiant du don que Dieu nous fait.

Marie, c’est Eve, la Femme mère de la vie ; une Eve qui réussit dans la confiance ce que la première Eve avait raté dans la défiance.

Qui ne comprend pas que nous sommes toutes et tous cette première Eve – et ce pre­mier Adam – qui avons à passer de la non foi à la foi ? Foi en la vie que Dieu nous donne dans le Christ ?

Marie décrit devant nos yeux la route juste du croyant, cet itinéraire par lequel nous permettons à Dieu de venir à notre monde et qui se termine en Dieu, l’origine.

 

Prière de frère Alois du 15.08.2019 : 

 » Dieu de miséricorde, nous te louons pour tous les saints témoins du Christ, depuis les apôtres et la Vierge Marie, jusqu’à ceux d’aujourd’hui.

À leur suite tu nous appelles nous aussi à accueillir ta présence, nous qui sommes des pauvres de l’Évangile. Notre peu de foi y suffit. Amen. «