Homélie du 4 août 2024 par Pierre-Yves Brandt

Homélie du 4 août 2024 par Pierre-Yves Brandt

Chères sœurs, chers frères,
Les textes de ce jour nous parlent d’aveuglement. A ceux qui le cherchent après la multiplication des pains, Jésus dit :
« En vérité, en vérité, je vous le dis, ce n’est pas parce que vous avez vu des signes que vous me cherchez, mais parce que vous avez mangé des pains à satiété. » (Jn 6,26)
Autrement dit, vous avez reçu la nourriture quand vous en aviez besoin et vous en restez là. La seule chose qui vous intéresse est d’avoir le ventre plein et d’être en bonne santé. Et vous ne voyez pas que si cela se passe, c’est que Dieu prend soin de sa création et de ses créatures. C’est lui qui, par le passé, a donné le pain au peuple qui marchait dans le désert. C’est lui qui, aujourd’hui, donne le pain du ciel. Mais une fois que vous avez satisfait votre faim, vous ne vous demandez pas un instant comment cela a-t-il bien pu se passer. Pourtant, comprendre que le pain que nous mangeons nous met en relation avec Dieu change tout. C’est ce que Jésus exprime quand il parle du pain du ciel.
Quelle est la différence entre le pain que l’on mange juste pour se nourrir et le pain du ciel ? En apparence il n’y en a pas. L’un et l’autre ont la même forme, nous sont donnés par le moyen d’un aliment fait avec de la farine. La différence, elle se marque dans la manière de recevoir cet aliment. Ce pain que vous mangez, vous comprenez qu’il est le pain du ciel quand vous le recevez comme l’expression de l’amour de votre Père qui est aux cieux, quand les yeux de votre cœur se sont ouverts pour le reconnaître.
De même que Jésus, l’auteur de la Lettre aux Éphésiens parle d’un aveuglement. Il parle de ceux qui ne connaissent pas Dieu comme de gens dont la « pensée est la proie des ténèbres » et qui « sont étrangers à la vie de Dieu » (Ep 4,18). Ils n’ont pas d’autre horizon qu’eux-mêmes. La traduction de la TOB dit qu’ils sont inconscients ; le texte dit littéralement qu’ils « sont devenus insensibles » (Ep 4,19), c’est-à-dire qu’ils ne sont pas réceptifs à l’autre, aux autres, à l’expression de l’attention des autres. Ils vivent pour attirer vers eux-mêmes. Le texte utilise deux termes qui l’expriment très bien : la cupidité et les convoitises. Au verset 19, la traduction de la TOB parle de « se livrer à la débauche, au point de s’adonner à une impureté effrénée » ; littéralement, le texte dit que « ceux qui sont eux-mêmes devenus insensibles ont été livrés à la débauche en vue de la pratique de toute impureté, dans la cupidité ». Quand on devient insensible à tout ce qui nous entoure, la seule chose qui nous intéresse, c’est d’avoir pour soi-même ; dès lors, ce que l’on reçoit, on ne voit plus qu’on le reçoit d’un autre. C’est cela la cupidité : avoir pour soi, sans s’intéresser ni aux autres qui pourraient aussi avoir besoin de recevoir, ni aux autres par lesquels nous recevons ce dont nous avons besoin.
Plus loin, au verset 22, le texte parle de convoitises : « Il vous faut, renonçant à votre existence passée, vous dépouiller du vieil homme qui se corrompt sous l’effet des convoitises trompeuses. » Le texte fait référence au « vieil homme », c’est-à-dire au vieil Adam, celui du premier jardin. En Genèse 3, on voit comment Adam et Eve ne sont intéressés qu’à une seule chose : avoir pour eux-mêmes le fruit de l’arbre. Ils ne pensent plus que s’il y a un jardin et un arbre, ce jardin et cet arbre sont l’expression de l’amour de Dieu. Ils ne voient pas l’arbre et son fruit comme la manifestation de la présence de Dieu dans le jardin. Ils voient seulement le fruit, comme une substance appétissante à ingurgiter pour leur seul plaisir. Leurs yeux sont aveuglés. La cupidité et les convoitises sont l’expression d’un enfermement sur soi. Être ouvert à l’autre ou enfermé sur soi s’exprime au quotidien, dans toutes nos attitudes, y compris dans le simple rapport que nous entretenons avec ce que nous mangeons.
A ce propos, je vais vous lire un apophtegme d’un père du désert, tirée de la collection systématique parue dans les Sources chrétiennes qui illustre bien ce qui fait la différence entre ceux qui mangent en étant aveuglés et centrés sur eux-mêmes et ceux qui ont les yeux ouverts sur la relation à l’autre et à la présence de Dieu en toute chose. C’est l’apophtegme XVIII,42 :
1 « L’un des pères racontait que trois choses sont pré-
2 cieuses aux moines, qu’il nous faut poursuivre avec crainte,
3 tremblement et joie spirituelle : la communion des saints
4 mystères, la table des frères et leur laver les pieds. Et il
5 en apportait l’exemple suivant. Il y avait un vieillard,
6 grand clairvoyant, auquel il arriva de manger avec plu-
7 sieurs frères. Tandis qu’ils mangeaient, le vieillard spiri-
8 tuellement attentif, assis à table, en vit certains manger
9 du miel, d’autres du pain, d’autres du fumier. Il s’en
10 étonna et demandait à Dieu : « Seigneur, révèle-moi ce
11 mystère : pourquoi, alors que les mêmes aliments sont
12 présentés à tous sur la table, ils paraissent ainsi trans-
13 formés lorsqu’on les mange, et que les uns mangent du
14 miel, d’autres du pain, d’autres du fumier ? » Et une voix
15 d’en haut vint lui dire : « Ceux qui mangent du miel sont
16 ceux qui sont assis à table avec crainte, tremblement et
17 joie spirituelle, et qui prient sans cesse. Leur prière monte
18 vers Dieu comme un encens ; aussi mangent-ils du miel.
19 Ceux qui mangent du pain sont ceux qui rendent grâce
20 en prenant part aux dons de Dieu. Ceux qui mangent
21 du fumier sont ceux qui murmurent et disent : ceci est
22 bon et cela est mauvais. Il ne faut pas penser cela, mais
23 plutôt rendre gloire à Dieu et adresser des hymnes au
24 Tout Puissant afin qu’en nous s’accomplisse cette
25 parole : soit que vous mangiez, soit que vous buviez, quoi
26 que vous fassiez, faites tout pour la gloire de Dieu. » (1 Co 10,31)

Ce petit récit raconté par un ancien du désert illustre bien ce qui distingue ceux qui ne sont centrés que sur eux-mêmes et ceux qui reconnaissent en toute chose le signe de la présence de Dieu. Ceux qui mangent du fumier sont comme le peuple au désert qui murmurait. Ils jugent de tout, ne sont jamais content de rien. Il y a toujours un défaut, de quoi se plaindre. Ceux qui sont ainsi savent en permanence ce qui est bien et ce qui est mal. Ils poursuivre le même objectif qu’Adam et Eve dans le premier jardin : avoir la connaissance du bien et du mal, être au-dessus de toute choses, comme s’ils étaient des dieux. Mais ils pensent qu’être des dieux, c’est être distants, évaluant froidement toute situation pour la juger. Ils n’ont pas compris qu’est Dieu celui qui donne la vie véritable, celui qui s’engage par amour pour les autres, jusqu’à se perdre soi-même.
Ceux qui mangent véritablement du pain sont ceux qui chaque matin en redécouvre le goût comme un bienfait renouvelé. Chaque matin, ils reçoivent le pain du jour comme une nouvelle occasion de rendre gloire à Dieu.
Et ceux qui mangent du miel sont ceux qui gardent en permanence en leur cœur le souvenir de la présence de Dieu. Pour eux, tout devient occasion de prière, c’est-à-dire de relation avec Dieu dans laquelle tout ce qui est vécu est partagé avec le Père céleste. En eux la « transformation spirituelle de l’intelligence » (Ep 4,23), comme le dit l’auteur de la Lettre aux Éphésiens, est arrivée à son accomplissement. Alors, ils sont en permanence reliés au Père céleste, source de toute vie.
Nous sommes sur ce chemin. L’apôtre dit que la sortie de l’aveuglement, l’ouverture à la présence des autres et de Dieu dans nos vies, se traduisent par des changements de conduites et de pratiques. « Le pain de Dieu, c’est celui qui descend du ciel et qui donne la vie au monde » (Jn 6,33), dit Jésus. Quand nous recevons les dons de Dieu en rendant grâce, nous recevons la vie que Dieu donne au monde. Et quand nous recevons cette vie le cœur empli de joie, alors nous avons pleinement revêtu l’être humain nouveau, l’Adam nouveau qui est le Christ. Nous sommes de ceux qui croient en Jésus, qui n’avons plus ni faim ni soif, car notre être est en permanence irrigué par la vie de Dieu. Nous sommes devenus semblables au Seigneur Jésus. Recevons cette grâce qui dépasse tout entendement dont Dieu nous fait don sans compter.

Homélie du 7 juillet 2024 par Jean-Louis L‘Eplattenier

Homélie du 7 juillet 2024 par Jean-Louis L‘Eplattenier

 

Lecture : Évangile selon st. Marc 6, 1-6

« Nul n’est prophète en son pays » !

Cette réalité que Jésus vit au cœur de son enracinement familial et religieux, c’est déjà un clou planté dans le bois de la Croix.

La sagesse de Jésus, son discours, ses talents miraculeux, sa renommée admirable, sont incompatibles avec l’enfant du pays que tout le monde identifie : le charpentier, fils de Marie, de Joseph (Luc précise),le frère de ses frères et sœurs, est en complet décalage avec le tableau familial ; quand, dans la synagogue, on lui fait lire la prophétie annonçant un temps nouveau dont il dit être l’initiateur, le témoin, c’est trop ! il en devient insupportable, au point que l’on le jette hors de la ville pour le précipiter du haut d’un escarpement : c’est Luc qui le précise. Plus tard, quand sa mère et ses frères viennent le chercher, parce que, disent-ils, Il a perdu la tête, Jésus dira : « ma mère et mes frères sont ceux qui écoutent la Parole de Dieu et la mettent en pratique (Luc 8, 19).

L’Évangile nous rappelle très clairement que Jésus appartient à une lignée humaine, terrestre, enracinée ; et, en même temps, Il vient du ciel ; cette double appartenance est incompréhensible, ce n’est pas raisonnable et Jésus le confirmera : quand Pierre confessera : « tu est le Christ, le fils du Dieu vivant ». Jésus répondra : « tu es heureux, Simon, ce ne sont pas la chair ni le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux (Matth. 16,17).

C’était donc difficile d’accueillir Jésus, Parole vivante de Dieu : Il se heurte à l’incompréhension des siens, emprisonnés dans une logique rendant Jésus inopérant.

Il me semble que notre monde ressemble étrangement à celui de Nazareth, et, comme cela est dit du temps de la vocation de Samuel : « la Parole de Dieu était rare en ces jours-là » (1 Sam. 3, 1). Ce n’est pas que Dieu soit absent mais sa Parole n’est plus entendue dans notre monde en grande souffrance et même en Église, cette même Parole de Dieu rencontre beaucoup d’opposition, d’indifférence ; dans notre relation avec autrui, si fondamentale pourtant, elle n’est pas toujours accueillie, bienvenue, et, dans notre propre terre intime, intérieure, elle se heurte à de la résistance, quelquefois distillée au gré de nos humeurs, quand nous confondons la foi, la raison et la sentimentalité, quand s’installent la lassitude, le doute ou la révolte ou quand nous biaisons l’exigence liée à un engagement.

Nul n’est prophète en son pays ! Pour qu’il comprenne que ce n’était pas lui le prophète, St. Paul a été terrassé, corps et âme : Jésus a utilisé la manière forte pour réajuster les priorités et que l’apôtre accepte que la source de sa force il la puise dans la fragilité d’une écharde, d’une blessure sans qu’en soit amoindrie sa passion pour Dieu.

C’est difficile aussi de reconnaître le visage du Christ dans celui de l’autre, mon frère, ma sœur ou de discerner en eux un visage comme Jésus le voit, dépassant l’accidentel, ce qui heurte et dérange ; oui, trans-figurer (traverser la figure), comme une icône, fenêtre ouverte sur l’Au-delà, l’intériorité, la vie intérieure : ce n’est pas une intrusion dans la vie d’autrui, mais simplement la reconnaissance que cette vie intérieure est habitée, comme je le souhaite pour la mienne, et là se joue un cœur à cœur parce que ce regard-là n’est rien d’autre que celui de l’amour, ce talent mystérieux qui permet de dépasser l’apparence, de quelque ordre qu’elle soit, pour discerner la réalité divine de l’autre. Ce n’est pas une évaluation raisonnable, mais un acte de foi et d’amour qui relève de l’intelligence du cœur.

Le corps, l’esprit, la raison, la conscience peuvent être abîmés à l’extrême, défigurés, mais demeure cette image du Christ présence ineffable dans l’âme.

C’est à elle qu’appartient de reconnaître le corps et le sang du Christ, dans le pain et le vin de l’Eucharistie ; c’est en elle et par elle, avec la force et la douceur de l’Esprit que vibre en nous la présence de Jésus. J’aime cette parole du sage : « Je voudrais être flaque d’eau pour refléter le ciel ! »

Il arrivait, autrefois, qu’on dise de quelqu’un qui mourait « qu’il a rendu son âme à Dieu » ! Ce n’était pas tant pour signifier la fin des battements du cœur que pour dire le retour à Dieu de ce qui lui appartenait, à Lui-Dieu, dans la vie du trépassé = l’âme.

Alors oui, Jésus demeure prophète en son pays qui est notre âme qui « trouve son repos en Dieu seul ».

Amen.

08.07.2024/JLL

 

Homélie du pasteur John Ebbutt, le 23 juin 2024

Homélie du pasteur John Ebbutt, le 23 juin 2024

Prédication – Grandchamp, le 23 juin 2024

Luc 1, 55-66

Il faut tout un désert 

Parlant en paraboles 

Pour qu’au silence ouvert 

Fleurisse une Parole

Paroles d’un chant qui a raisonné pour moi à l’écoute de l’Evangile,
naissance d’une parole, et qu’elle voix ! Celle qui retentira dans le désert justement, pour fleurir avec Jean-Baptiste qui appelle au bord du Jourdain

Une voix forte, puissante, abrupte parfois

Une parole sans détours, claire comme la source, limpide comme un baptême

Mais une voix qui est d’abord née d’une promesse, d’une visite et puis de … silence

Dans notre monde envahit de bruits, d’agitations, saturé d’informations, dans ce monde qui s’écoute si souvent parler

Ce monde si friand de communication, mais qui peine à trouver un accès à la voix de l’autre

Voilà que cette naissance est précédée de silence… Celui de Zacharie rendu muet par l’ange. Avec peut-être aussi la discrétion d’Elisabeth qui se cache durant 5 mois dans la région montagneuse de Judée alors qu’elle est enceinte.

Et il y a tout cet Avent qui conduit à aujourd’hui, ce qui précède un premier cri, des exclamations de joie, une louange comme un hymne de reconnaissance

Peut-être faudrait-il soi-même commencer par se taire pour que le silence dilate notre écoute et qu’il nous murmure une parole

Car comment nourrir encore ce besoin qu’il y a au fond de chacun de puiser aux sources du silence, et sans lequel, comme le dit la règle, « l’être profond se dissocie et se perd ? »

Seulement il ne suffit pas d’arrêter de parler pour qu’il y ait un peu de silence. Une absence de bruit comme on coupe la radio ou que l’on fasse taire le pasteur !

Il est des solitudes silencieuses qui sont angoissantes… où il nous manque la voix rassurante de l’ami

 

Je me souviens de ma première découverte d’un silence habité lorsque jeune encore, j’avais passé quelques jours de retraite au Carmel de la paix à Mazille en Bourgogne. On en devient imprégné, enveloppé, mais il nous rend aussi à la saveur et au précieux d’une parole que l’on a plus envie de gaspiller, qui prend un sens retrouvé

Et c’est justement ce qui entoure la naissance de Jean-Baptiste aujourd’hui. Un silence plein de mystère, qui survient lorsque Zacharie va douter des paroles de l’ange Gabriel et remettre en question l’annonce d’une prochaine naissance : « comment saurai-je que cela est vrai ? Je suis vieux et ma femme aussi est âgée !»

Honnêtement, comment ne pas lui donner raison  ? Ce n’est en tout cas pas cette parole de trop qu’on lui aurait reproché. Aurait-il dû recevoir la nouvelle sans broncher ?

Mais l’ange lui annonce alors qu’il va devenir muet et ce, jusqu’à la naissance de l’enfant ! Un silence imposé, pour un prêtre, un homme de parole, un ministre du Verbe : ne pas pouvoir s’exprimer pendant 9 mois, imaginez le défi ! Un Dieu qui vient nous couper la parole !

On nous dit que Zacharie était obligé de communiquer en faisant des gestes, comme une nouvelle langue pour devenir lui-même Signe visible

Il y a des silences qui parlent…

Et si cela avait été dans la vie de Zacharie, comme une grâce pour laisser la promesse faire son chemin de naissance en lui ? un peu comme une mise en espérance, comme s’il lui fallait lui aussi enfanter d’un devenir ?

« N’aie pas peur, Zacharie, car Dieu a entendu ta prière : Elisabeth, ta femme te donnera un fils que tu nommeras Jean. Tu en seras profondément heureux et beaucoup de gens se réjouiront au sujet de sa naissance ».

Et si le fait de ne pas pouvoir tout de suite discutailler, causer, échanger avec d’autres, c’était d’abord pour l’inviter à prendre le temps du retrait, de la gestation. Le temps d’accueillir et d’adopter, de faire grandir et de mettre au monde lui aussi ?

Un silence qui l’entoure, mais le protège aussi de trop de paroles. Celles qui agressent et questionnent sans cesse.

Nous sommes si souvent prompts à réagir, impulsif, immédiats. A vouloir le dernier mot

Passer du doute à la tranquille assurance d’un accomplissement
De l’instantané au temps qui nous tisse intérieurement
Devenir soi-même un signe qui ne doit pas être troublé
Laisser peut-être parler à travers nous sans s’interposer
On respecte Zacharie car on le sait porteur aussi d’un message qui un jour sera délivré

Silence qui résonne, plein d’une belle densité où l’on reçoit une parole qui permet d’avancer pour s’ouvrir aux autres, aux événements, à la vie avec ces bruits, ces à-coups, sa dureté même et tout ce qui nous envahit mais dans une paix intérieure préservée.

Une paix comme une disponibilité à tout ce qui nous est donné

Dieu se dit dans nos déserts, nos espaces de silences, nos retraites, mais aussi lorsque nous sommes sans voix, démunis, vulnérables, exposés

Se taire pour devenir plus attentif, mieux tendre le coeur. Car si l’on peut être facilement sollicité, divisé, plein de bruits, comme Marthe ou légion comme l’homme qui est dépossédé de sa voix, il faut retrouver néanmoins une unité. Une parole unie, cohérente, un oui qui soit oui

Zacharie confirme après son épouse que le nom qui sera donné à l’enfant est Jean

Et en nommant, la langue se délie, en appelant, il s’ouvre à nouveau à la vie! Il loue le Seigneur, et c’est la première exclamation de joie après si longtemps, comme si ce qui avait été retenu pouvait enfin s’exprimer comme un trop-plein

Il s’appellera Jean pour celui qui n’aura pas la langue dans sa poche, mais qui un peu comme son père, invitera, loin des bruits de la ville, à venir au désert pour vivre un retournement

Johanan – Dieu fait grâce

Jean – des temps nouveaux sont annoncés où l’on peut retrouver le feu d’une vocation, l’immersion d’une nouvelle naissance, le fruit d’un changement

Jean – celui qui montre et désigne, celui qui est dénonce et parle vrai, dans le désert, celui qui demandera : es-tu celui qui doit venir ?

Jean le précurseur pour ajuster nos vies à l’Agneau, à cet autre Parole en marcher qui tout à coup paraît

Il est des silences féconds, non pas forcés, mais qui nous dépouillent et auxquels il faut consentir pour retrouver la Source

Il est des silences qui nous réapprennent à bien nous nommer, par nos noms, nos identités

Il est des silences qui parlent comme de nouvelles Pentecôte, comme Zacharaie rempli du Saint-Esprit

Il est des nuits comme Jésus qui s’était retiré sur une montagne pour prier, mais aussi juste après avoir appris la mort de Jean, au désert, dans un endroit isolé…

Il est de silences qui pleurent
Il est des silences qu’il ne faut pas troubler
Il est des silences de communion et d’intimité

Bien avant que je ne prépare ce message, j’avais pris pour résolution pour cet été, entre déménagements, changements de paroisse et beaucoup de sollicitations, d’une sorte de shabbat de la parole. Je ne me tairai pas entièrement, rassurez-vous, je reste pasteur, mais voilà venu le temps d’un certain silence intérieur dans lequel il me faut entrer, à relire les Ecritures, à ne pas toujours donner explications de théologien trop assuré. Un temps de jachère où on laisse reposer le champ. Que c’est bon

C’est aussi l’histoire de ma vie, ce passage d’un grand silence à la parole donnée

A propos, vous connaissez la suite de ces paroles du chant de Jean Debruynne ?

Il faut tout un désert 

Parlant en paraboles 

Pour qu’au silence ouvert 

Fleurisse une Parole. 

Une question est née

Tout au fond de moi-même,

Certitude étonnée

Qu’il existe un « je t’aime »

Aujourd’hui j’étais mort:

J’entends la vie qui craque,

J’entends la vie qui sort,

Je choisis une Pâque!

Suis-je donc assez fou

Pour croire une présence:

Dieu comme un rendez-vous,

L’homme comme une chance ?

Dieu qui délie nos langues pour laisser jaillir la joie
Pour parler vrai comme Jean avec audace et foi
Pour témoigner comme une première parole, la première de notre vie :

voici Celui qui vient et qui nous redira : Effata !

Ouvre-toi !

Amen

 

Homélie du pasteur Jean-Pierre Roth, le 9 juin 2024

Homélie du pasteur Jean-Pierre Roth, le 9 juin 2024

Textes : Genèse 3, 9-15 ; II Cor 4,13 -5,1 ; Marc 3,20-35

1. Introduction

Voilà trois textes qui nous rendent attentifs et attentives à notre look, aux vêtements que l’on porte plus précisément et à notre demeure, notre habitat. Dans les premiers chapitres de la Genèse dont nous venons d’entendre un extrait de l’expulsion de l’homme et de la femme du jardin d’Eden, on peut comprendre que sans vêtement tout va pour le mieux mais qu’avec on prend conscience des risques de la connaissance du bien et du mal, lié dans ce récit à un lieu topologique, relatif au lieu où on habite. Autrement dit au contexte environnemental.
Dans le texte aux Corinthiens, 2ème épitre, Paul est clair, notre vie personnelle est comparée à une demeure et à un vêtement deux choses dont on ne saurait se passer aux quotidien. Montre-moi où tu habites et je te dirai qui tu es ? Qui se cache derrière ta cravate, ton foulard, ou autre look ? Qu’elle personnalité ?
Et dans le texte de l’évangile, Béelzéboul, donc Satan est en jeu. Du reste Béeluzéboul, justement signifierait littéralement : maître des demeures. Celui qui prend possession de l’environnement intime. Va s’immiscer dans les armoires aux garde-robe, aux penderies de complet-veston afin de tout faire non pas pour revêtir les locataires de ces logements, du St-Esprit, contre lequel, Béelzéboul est impuissant, ne peut rien, mais pour tenter de faire de ses locataires des demeurés, des aliénés au pouvoir de Satan.
À partir de cette constatation, je vous propose de faire un petit tour, autour de cette confession de Paul du texte : « J’ai cru, c’est pourquoi j’ai parlé nous croyons, nous aussi, et c’est pourquoi nous parlons. » Autrement dit, avec le même Souffle qui fait vivre notre foi, notre confiance en Dieu, selon les Écrits, nous constatons que Celui-ci habite notre demeure. Et parce que j’ai cru, je peux en parler, confesser ma foi. Sortir de ma demeure non contaminée pour témoigner.

2. Parler de quoi au juste

Mais parler de quoi au juste ? Et bien quant à moi, lorsque je crois, je parle de sainteté, au sens de mis à part. Être saint c’est être mis à part, canonisé dirait nos frères et sœurs catholique. L’état de sainteté c’est être séparé de… mis de côté, en dehors de, à part du monde qui grouille de toutes les tentations, les déviances du bon sens spirituel, qui abonde d’obstacles capable d’entraver notre témoignage. Être saint c’est en fait habiter un espace existentiel, ontologique – certes qui ne peut pas être permanent – habiter le plus souvent possible cet espace hors de Satan, du mal en fait. Et non pas être divisé car une division même si elle sépare en deux éléments par exemple ou plus, les éléments gardent leur substance. Les deux moitiés d’une pomme coupée en deux conservent le goût de la pomme. Une famille divisée par un bacille du mal quel qu’il soit ne peut subsister, mais ses membres gardent le même sang. C’est pourquoi ma demeure intérieure, éternelle selon l’apôtre Paul. Non faite par les hommes, invisible donc et qui dure toujours au nom de notre confiance en Dieu, n’a rien à voir, je crois, avec Béelzéboul. Car cette demeure éternelle donc qui dure toujours, est insaisissable dans sa totalité, son absolue. Et scientifiquement relative, toujours partielle aux investigations scientifiques, objectives physiques. En fait cette demeure éternelle selon l’apôtre ne peut jamais être définitivement saisie. Ni par toi, ni par moi, ni par vous toutes et tous aux capacités intellectuelles estimables et reconnues. Mais au cœur de la sainteté de Dieu, de sa manifestation au moyen de son St-Esprit, elle peut être ressentie, vécue en chacune comme en chacun. Un peu comme le seul élan de la gloire de Dieu. Comme une confession aimantée par son amour.
Quand je crois, je parle aussi de la grâce de Dieu, du don gratuit de son St-Esprit. Contre lequel je n’ai rien à dire sinon le recevoir et me laisser inspirer. Et finalement, quand, je crois, je parle de la beauté, morale et esthétique, artistique, au sens de l’acte créatif qui apriori n’est pas critique. « Dieu construit, le mal détruit ? questionne Michel Serres dans « La Légende des Anges ». L’un imagine, l’autre critique.

3. Je parle de sainteté
La sainteté d’abord un terme contesté, bourré de préjuger. En fait, un terme dont le monde ne veut plus tellement entendre parler. J’en parle personnellement parce que dans le texte de la Genèse que nous venons d’entendre, outre la tentative étiologique d’expliquer les causes du mal, avec une histoire d’homme, de serpent et de femme qui découvre sa nudité, je retiens le moment sacré, le moment et lieu mis à part, l’état de grâce qui précède ce narratif au sujet de couple humain et du serpent. Ce moment sacré ou lieu, qu’on appelle paradis, jardin d’Eden. En fait cet acte souverain du Dieu créateur qui laisse libre cours au souffle de vie, à son St-Esprit, à cette énergie transhistorique afin d’envisager un monde magnifique destiné à l’humain comme à toute la création, avant que tout ne bascule.

Et bien aujourd’hui comme hier, chaque foi que je ressens, que je prends conscience de ce souffle de Dieu, de cette énergie qui perdure à travers l’histoire comme dans les différentes manifestations et exercices de ma vie, je privilégie, entoure ces moments, plonge dans ceux-ci, fait rouler, si je puis dire en pensant à la pierre du tombeau vide, fait rouler hors de moi tout ce qui peut limiter, altérer ma connexion au souffle de Dieu. Et ceci, afin de m’ouvrir au jardin de la résurrection. À ce stade, je ne pense pas qu’il soit nécessaire de me pencher sur les forces du mal, celles de l’Enfer, mais bien plutôt de les laisser à leur néant, à leur vanité. Car nous avons avant tout besoin de nous concentrer, de dépenser notre énergie à la réception de l’œuvre de Dieu quand elle se manifeste. Surgit de son souffle créateur. Un souffle qui encore et toujours, aujourd’hui, est capable de donner la meilleur réponse à ce monde de fou, de cruauté dans lequel nous vivons.

4. Je parle de la grâce de Dieu
Je parle en plus de la grâce de Dieu en lien avec la gratuité du don de Dieu, en lien avec la demeure éternelle qu’Il nous accorde. Plus parce qu’elle est gratuite, car tout se paye avec le diable, que parce qu’elle est dans le ciel. La gratuité comme la grâce est sans porte-monnaie. Dieu n’attend pas vraiment un retour monnayable au don de sa grâce, mais une prise en considération des atouts, des privilèges, du charme, de la beauté, de l’élégance, de son souffle divin. Le St-Esprit n’est pas un combustible qui alimente un moteur du progrès et de la connaissance à outrance, c’est le don gratuit de la Vie de Dieu. Le contraire de ce consternant retour au primitif que nous connaissons et qui immobilise un peu partout les manifestations de la dite grâce de Dieu.

5. Je parle de la beauté
Et finalement parler de la beauté, si c’est d’abord un clin d’œil à l’histoire des grandes religions, c’est avant tout un pied de nez au diable, à Béelzéboul, aux oppositions, aux critiques négatives, à la loi du sang, manifestées contre Jésus. Alors qu’il accompli des miracles, vient de créer une équipe de choc, une task force pour annoncer l’arrivée du royaume de Dieu.
Je crois que la beauté est incontournable dans cet annonce du Royaume de Dieu. Comme ces moments de « demeure éternelle » chez Paul. « C’est ce que vous ne comprendrez pas qui est le plus beau. », nous rappelle un autre Paul, Paul Claudel. Et un encore ce célèbre auteur Dostoïevski, insistera pour affirmer que « La beauté sauvera le monde ». Et si vous me permettez un exemple personnel, la beauté spécifique au souffle de Dieu, dans cet enjeu, dans ce défi, est à l’image du style architectural roman. Il invite à la contemplation. Et la beauté devient tranquille, simple, protectrice, horizontale pourquoi pas, au contraire du style gothique qui peut transpercer, insister, être glacial, enflé quelque fois.
La beauté du message de l’évangile, de son annonce du Royaume de Dieu, à cette particularité qu’elle cherche plutôt à convaincre qu’à vaincre. Qu’elle nous invite à ne plus voir avec les yeux du monde, mais avec ceux du ciel ou encore à plonger notre regard dans la clarté de l’amour de Dieu si souvent déchiffrable autour de nous quand on le veut bien. Elle nous éclaire aussi avec cette lumière du foyer, de la demeure éternelle, comme le souligne l’apôtre Paul. Nous n’avons plus dès lors les mêmes yeux, quand l’icône de Jésus est devant nous, les mêmes mains qui peuvent être tenues par la main du Créateur. Nos pas sont plus sûrs, parmi les obstacles du mal. Jésus nous considère dès lors comme ses frères, ses sœurs, ma mère ajoute-t-il, si nous faisons la volonté de Dieu, le Père. Vous l’avez deviné, finalement la beauté c’est faire la volonté de Dieu avec le don de son St-Esprit. Autrement dit, chercher à sacraliser le monde, faire avancer le règne de Dieu afin de hâter, de précipiter la fin du règne de Béelzéboul. Amen.

 

Your 

Homélie de la pasteur Diane Friedli, le 2 juin 2024

Homélie de la pasteur Diane Friedli, le 2 juin 2024

Prédication Marc 2,23 – 3,6 : Viens au milieu !
Lectures bibliques : Deutéronome 5,12-15 et 2 Corinthiens 4,6-11
Lève-toi, viens au milieu !
«Viens au milieu», ce sont ces paroles qui ont retenti ce jour là dans la synagogue de la ville de Capharnaüm. 
A ces mots, un silence s’est installé. Un silence teinté d’un certain malaise. Il y a des choses qui ne se font pas. Et les édifices religieux quels qu’ils soient sont des lieux dans lesquels on ne contrevient pas aux codes et aux habitudes sans s’attirer des regards en coin.
Une tension habite ce silence : on attend de voir. Va-t-il oser ?
Viens au milieu. Ne reste pas terré dans l’ombre. Avance-toi aux yeux de tous.
En invitant cet homme à s’avancer, Jésus met en lumière non seulement cet individu, mais avec lui, il braque le projecteur sur des enjeux fondamentaux. 
Il place au centre la question de l’interprétation de la loi. 
Il oriente les regards sur lui-même et sur son identité en tant que Messie. 
Il met en lumière un désaccord profond sur le sens du sabbat. 
Et en faisant tout cela, il joue sa vie. Rien de moins.
Viens au milieu.
Et que les autres voient. Ou plutôt qu’ils observent, qu’ils épient, qu’ils jugent.
Ceux qui portent ce genre de regard n’écoutent pas. Il savent. Et ils attendent un faux pas pour, confortés dans leurs précompréhensions, fondre sur celui qu’ils ont déjà condamné.
Viens au milieu et qu’avec toi, homme anonyme à la main paralysée, soit mis à jour la grande question de la loi et du sabbat !
Près de la moitié des guérisons racontées dans les évangiles ont lieu un jour de sabbat. Si Jésus avait respecté les prescriptions de l’époque, il ne devrait y en avoir aucune. Ou un nombre minime car seul un danger de mort justifiait d’opérer un tel acte en ce jour sacré. Si la vie n’était pas en péril, il convenait d’attendre le lendemain pour agir.
Toute guérison était considérée comme un travail. Et le jour du sabbat, le travail est proscrit.
Pourtant, si le sabbat n’avait rien signifié pour Jésus, s’il ne l’avait que négligé, un septième des guérisons auraient dû avoir lieu ce jour-là. Statistique pure.
Cette proportion, près de la moitié, met donc en lumière que pour Jésus, le sabbat est un jour à part. 
Mais pas à part de la même manière que pour les Pharisiens. Jésus réinterprète le sens du sabbat. Un jour à part car un jour choisi pour faire du bien, pour libérer, pour sauver.
A ceux qui s’échinent à respecter de manière pointilleuse la prescription sabbatique : interdiction de tout travail, interdiction de sortie d’un périmètre restreint autour de son domicile, interdiction d’acte médical ou social, Jésus rappelle le fondement du 7e jour.
A ceux qui sont choqués que ses disciples se permettent d’arracher des épis de blés, à ceux qui – juste avant dans le chapitre 2 de l’évangile de Marc – s’insurgent de constater que les disciples ne respectent pas le jeûne à l’image des disciples de Jean Baptiste ou des pharisiens, Jésus répond par l’action.
Il guérit, il nourrit, il restaure.
Parce que telle est l’intention du sabbat.
Ce jour mis à part appartient à l’intention créatrice de Dieu.
Il n’est pas à bien plaire, c’est un commandement.
L’équilibre de 6 pour 1 entre le travail et le repos est un don de Dieu.
Dans le livre de l’Exode, le commandement du sabbat est lié de manière explicite au récit de la Création, mais l’Ancien Testament ne contient pas une mais deux occurrences des 10 paroles, des 10 commandements.
Dans le livre du Deutéronome, la prescription du sabbat est liée à l’événement fondateur du peuple d’Israël : la libération d’Egypte.
« Prends soin de me réserver le jour du sabbat, comme le Seigneur ton Dieu l’a ordonné.
Tu as six jours pour travailler et faire tout ton ouvrage.
Le septième jour, c’est le sabbat qui m’est réservé, à moi, le Seigneur ton Dieu. Tu ne feras aucun travail ce jour-là, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni tes serviteurs ou servantes, ni ton bœuf, ni ton âne, ni aucune autre de tes bêtes, ni l’immigré qui réside chez toi ; tes serviteurs et servantes doivent pouvoir se reposer comme toi.
Ainsi tu te souviendras que tu as été esclave en Égypte, et que je t’en ai fait sortir grâce à ma puissance irrésistible. C’est pourquoi moi, le Seigneur ton Dieu, je t’ai ordonné de faire ainsi le jour du sabbat. » Dt 5,12-15
Souviens-toi que tu as été esclave !
Viens au milieu, toi qui as été esclave.
Esclave de ton infirmité qui t’a empêché de travailler, de toucher, de porter, de serrer comme les autres le font.
Esclave de tes préjugés qui t’isolent et te ferment dans tes certitudes.
Dieu n’a pas libéré son peuple pour qu’il devienne esclave autrement. 
Esclave d’un travail qui aliène, d’une idéologie qui ronge ou d’une religiosité désincarnée et insensée.
Dieu a libéré son peuple pour le rendre véritablement libre.
Et qu’il exerce sa liberté en témoignant en paroles et en actes du salut qui lui est offert.
A l’homme à la main paralysée, Jésus dit : lève-toi, viens au milieu.
Il l’appelle à se lever, à se mettre en mouvement.
Puis Jésus se tourne vers ceux qui regardent, qui observent, qui épient. Et c’est à eux qu’il pose une question, avec eux qu’il entre en dialogue, ou tout au moins qu’il tente de le faire.
«Ce qui est permis le jour du sabbat, est-ce de faire le bien ou de faire le mal ? De sauver un être vivant ou de le tuer ?»
Pour toute réponse, les hommes se taisent.
Le silence.
Peut-être se sont-ils sentis piégés.
A cette question, il n’y a aucune possibilité pour eux de donner une bonne réponse.
S’ils voulaient s’en sortir, ils devraient argumenter que la question est biaisée, que la prescription ne porte pas sur faire le bien ou faire le mal mais sur FAIRE tout court.
Mais dire tout cela, ce serait entrer en dialogue, en débat, en contradiction. Donc reconnaître à Jésus le statut de vis-à-vis. D’homme avec lequel on peut débattre de théologie, donc le considérer comme une autorité religieuse. Et cela, ils veulent l’éviter à tout prix.
Alors ils se taisent.
Mais le silence n’est pas neutre. Le silence n’est pas rien. Le silence est une action. Le silence, c’est le choix d’une parole qui n’est pas dite.
Et de même que tout homme, toute femme, est responsable de ses paroles et de ses actes. Nous sommes aussi responsables de nos silences.
Ne pas parler, ne pas dénoncer, ne pas s’offusquer… dans certaines situations, se taire c’est approuver, c’est autoriser, c’est laisser dire et laisser faire.
Le silence de ces hommes provoque en Jésus rien de moins que colère et affliction. Des termes forts qui expriment l’impuissance et l’incompréhension de Jésus face à l’endurcissement des coeurs.
Il invite alors l’homme à tendre la main. 
Un l’aura tendue et celle-ci aura été guérie, libérée.
Les autres seront repartis les poings serrés, bouillonnant de haine et d’esprit de vengeance.
Et voici qu’en quelques paroles, en quelques gestes, Jésus aura mis en lumière ce samedi là :
la force émancipatrice d’une guérison, quand la dignité est rendue à un homme et qu’il peut sortir de l’ombre pour vivre au milieu de ses semblables
la puissance libératrice de Dieu qui fait don de ses lois et de sa grâce
et le courage du Christ qui assumera jusqu’au bout les conséquences de son refus de se terrer dans le silence.
Lève-toi et viens au milieu !
Dieu te libère de tes servitudes, de tes peurs et de tes silences.
Il te tend la main et te restaure.
Amen
Homélie du pasteur Timothée Reymond pour le dimanche de la Trinité, le 26 mai

Homélie du pasteur Timothée Reymond pour le dimanche de la Trinité, le 26 mai

Homélie du dimanche 26 mai 2024 – Trinité
(Inspirée par un commentaire de Jean Mansir o.p.)
Personne n’a jamais vu Dieu ! Et personne ne peut prétendre comprendre l’être même de Dieu, sa nature, son essence. Il faudrait, pour cela, pouvoir dominer Dieu, en faire le tour en quelque sorte, comme le suggère le verbe «comprendre». Dans tous les cas, Dieu deviendrait comme une projection humaine, une « réduction »…
Alors que, ne l’oublions jamais, tout ce que nous savons de Dieu est ce qu’il a bien voulu nous dire de Lui-Même, par sa Parole et surtout par ses interventions en notre faveur au cours de l’histoire.
Depuis qu’il confia à Moïse ce nom paradoxal que les Juifs ont même toujours refusé de prononcer, YHWH (Yahvé, Jéhovah), c’est-à-dire quelque chose comme «Je suis celui qui est, je suis qui vous verrez bien», si nous en sommes venus, nous les chrétiens, à nommer Dieu Père, Fils et Esprit, c’est uniquement en raison de ce que nous a fait comprendre Jésus lui-même, par sa parole, par sa Pâque. Dieu, personne ne l’a jamais vu: le Fils unique, qui est dans le Père, lui, l’a fait connaître (Jean 1, 18).

Dieu s’est donné à connaître… Il s’agit donc d’une connaissance existentielle, quasi expérimentale, à partir de l’histoire du Salut, et non d’une spéculation intellectuelle. Elle ne prétend pas définir Dieu, mais découvrir son être à partir de son agir pour nous.

– C’est parce que Jésus a parlé de «son Père» et qu’il nous a appris à le prier comme notre Père, que nous osons appeler Dieu Père, que nous lui conférons l’Origine de la Création et l’Accomplissement de toutes choses.
– C’est parce que Jésus nous a promis le Paraclet, envoyé par le Père en son nom (Jn 14, 26) et que ce Défenseur, nous l’avons effectivement reçu en nous, comme une nouvelle création, que nous osons nommer Dieu Esprit…
– C’est parce que Jésus nous a donné à comprendre que Dieu, par amour, a livré au monde son Fils unique (Jean 3, 16), c’est parce que Jésus nous a dit et montré que celui qui l’a vu a vu le Père (Jean 14, 9), que nous osons nommer Dieu Fils.

Et nous le percevons par le comportement de Jésus et de ses disciples: ce Dieu dont notre Sauveur nous a manifesté le Nom, c’est-à-dire donné à comprendre qui Il est (Jn 17, 6.26), ce Dieu est bien l’Unique, le Dieu qui s’est manifesté à Moïse et, avant lui, à Abraham, et, après lui, à tous les prophètes.
– Jésus nous a « seulement » permis de comprendre que cette vie, cet amour agissant que Dieu manifestait aux hommes, il en vivait lui-même, étant en luimême circulation de vie et énergie d’amour. Il nous fait participer à cette Vie !

Les trois lectures de ce dimanche de la Trinité nous donnent justement à redécouvrir ces différents « visages» de Dieu.
La 1re lecture met en scène le Dieu créateur, Origine de toutes choses et particulièrement du Peuple-Témoin qu’il a créé pour lui: Père attentif et exigeant par amour, qui n’a qu’une ambition pour sa Création, son bonheur véritable, qu’elle soit debout.
La 2e lecture met en scène l’Esprit, acteur d’une création nouvelle où les enfants de Dieu sont appelés à devenir des fils adoptifs, héritiers de la gloire réservée au Christ.
L’Évangile de ce jour, quant à lui, met en scène le Fils, à qui tout pouvoir a été donné au ciel et sur la terre, qui transmet sa mission à ses disciples, et, finalement, qui résume toute la Révélation dans la formule baptismale trinitaire qu’il leur confie: Baptisez-les au Nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit.
Alors il est permis d’essayer de comprendre à la fois Dieu et l’histoire de l’humanité, avec une approche plus dynamique et synthétique des relations entre Dieu et l’humanité, si on les réfère au Mystère de la Trinité, et au mystère de l’histoire.

D’où l’importance de fixer notre regard sur l’engagement de Dieu à travers notre histoire humaine. Voir cette histoire comme traversée par l’énergie divine qui va du Père au Fils, et, réciproquement, de nous situer nous-mêmes au cœur de cette énergie, puisque l’Esprit nous a été donné et qu’il nous est intérieur.
Avons-nous assez conscience de cette énergie de Dieu présente en nous et autour de nous ? Comment l’accueillir et en vivre ?
Amen.

Prière à la Sainte Trinité           Véronique Belen, mai 2016

Dieu Trinité
Trois tu te voulais
Commencement infini
Tu désirais la vie
Seul dans le vide immense
Tu as voulu des astres dans l’infiniment grand
Et des âmes assoiffées quêtant ta transcendance

Tu t’es engendré des enfants
Pour leur être amour et compassion
Les regarder jouer à tes côtés
Te faire avec eux relation

Pour entrer en paternité
Tu t’es donné des entrailles maternelles
Le Verbe et la Sagesse conçus par Volonté
Ont égayé ton Sein éternel

Père juste, tu les as écoutés
Pour créer toutes choses sur terre et dans le ciel
Puissance de vérité du Verbe
Souffle vivifiant de l’Esprit
Tu leur as donné d’engendrer la vie
Tu as tissé des liens, toi l’Ineffable
Avec l’homme de glaise et la femme capable
De s’accueillir de lui mère de tous les vivants

Dieu Trinité, famille du firmament
Tu as versé des larmes de les voir si rebelles
Tu as cherché comment les sauver du Mauvais
Qui s’acharnait déjà à souiller l’œuvre belle

Tu as offert le Fils, Agneau immaculé
Pour souffrir de leur mort jusqu’au bout de ses plaies
Il a gardé la foi dans la déréliction
Certain de la promesse de sa résurrection

Comme un matin nouveau a fleuri son pardon
Et le feu de l’Esprit a jailli sur leurs fronts
Pour porter sa Parole aux confins de la terre
Et offrir à tout homme l’espérance et un Père

Dieu Trinité
Ardent foyer de charité
Tu gardes encore cachés des rais de Vérité
Pour l’heure ultime où toute chair te verra
Aux aurores de justice où tu décideras
De révéler enfin la Gloire de ton Etre
Et le Royaume promis qui ne passera pas

Véronique Belen, site : http://www.histoiredunefoi.fr